Rosalba Carriera
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Patrick AULNAS
Autoportraits
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Rosalba Carriera. Autoportrait avec un portrait de sa sœur (1715) |
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Rosalba Carriera. Autoportrait en Hiver (1731) |
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Rosalba Carriera. Autoportrait (1746) |
Biographie
1675-1757
Rosalba Carriera est née à Venise dans un milieu modeste. Sa mère, dentellière, apprit ce métier à sa fille. A dix-huit ans, Rosalba était donc dentellière quand elle rencontra un peintre français, Jean Stève, qui l’initia à la peinture de miniatures. La miniature est une petite surface d’ivoire sur laquelle est réalisé un portrait. La miniature sert à orner des accessoires ou des bijoux : tabatière, bracelet, bague, carnet de bal, etc.
Rosalba Carriera. Françoise-Marie, duchesse d’Orléans en Amphitrite (début 18e)
Aquarelle sur ivoire, 8,5 × 6,5 cm, Royal Collection of the United Kingdom.
La mode du tabac se développant, Rosalba Carriera crée des miniatures sur tabatières qui connaissent un grand succès auprès des riches voyageurs venant visiter la Cité des Doges dans le cadre de leur Grand Tour. Sa célébrité de miniaturiste passe les frontières et, au début du 18e siècle, elle reçoit des commandes royales. Ainsi, en 1709, le roi du Danemark Frédéric IV lui commande une série de douze miniatures.
Dans sa jeunesse, Rosalba Carriera avait également fréquenté l’atelier du peintre Giuseppe Diamantini (1621-1705) et acquis un savoir-faire plus large que la miniature. Peu à peu, elle se spécialise dans le portrait au pastel, technique peu répandue à l’époque. Ses portraits au pastel, légers, vaporeux, sont immédiatement appréciés et les touristes étrangers affluent pour obtenir un portrait de sa main. Elle réalise à cette époque plusieurs portraits de souverains : Maximilien II de Bavière, Frédéric IV du Danemark.
En 1715, Pierre Crozat (1661-1741), un financier et marchand d’art français, lui rend visite. Cinq ans plus tard, en 1720, il l’invite à Paris. Dans une lettre datée du 20 janvier 1720, Pierre Crozat fait part de toute son admiration à Rosalba Carriera :
« En vérité, je ne saurais trop vous dire combien est grande l’estime que je porte à votre talent et à votre rare mérite. Soit dit sans me fâcher avec nos braves peintres, même les plus distingués, vous leur êtes supérieure ; et si vous vous étiez appliquée à exécuter en grand, vous auriez marché de pair avec les premiers des temps passés. Combien je serai heureux de vous avoir pour hôte. C’est ce dont je veux vous convaincre malgré toute votre modestie. » (*)
De tels éloges ne pouvaient que convaincre. Rosalba, sa mère et sa sœur Angela font le voyage à Paris et sont logées dans l’Hôtel de Pierre Crozat, rue Richelieu. Le séjour à Paris dure dix-huit mois au cours desquels l’activité de Rosalba est particulièrement intense. Elle est sollicitée par la famille royale et l’aristocratie pour la réalisation de portraits au pastel devenus très à la mode. Elle reçoit de constantes visites à l’hôtel de Crozat et doit répondre à quantité d’invitations. Sa sœur Giovanna lui sert d’assistante pour la réalisation des centaines des portraits qui lui sont commandés. Son beau-frère, le peintre Antonio Pellegrini (1675-1741) séjourne également à Paris et peut lui venir en aide.
Rosalba Carriera. Louis XV, dauphin de France (1720-21)
Pastel sur papier, 50,5 × 38,5 cm, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde.
Rosalba Carriera prend contact avec le milieu artistique parisien et rencontre les peintres les plus célèbres du moment, en particulier Antoine Coypel (1661-1722), Hyacinthe Rigaud (1659-1743) et Antoine Watteau (1684-1721) dont elle fera le portrait. L'influence de Rosalba Carriera sur Maurice Quentin de la Tour (1704-1788), le grand pastelliste français de 18e siècle est incontestable. Celui-ci était en effet en apprentissage chez Claude Dupouch pendant le séjour de l’artiste vénitienne et se spécialisera dans le pastel dans la décennie 1720-1730.
Rosalba Carriera sera admise à l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris après son retour à Venise en 1722.
L’aura artistique de la pastelliste ne fera que croître après son voyage à Paris. Toute l’aristocratie européenne la convie. En 1723, elle séjourne à Modène pour réaliser des portraits de la famille d’Este. La cour d’Autriche l’invite à Vienne en 1730 où elle fera le portrait de plusieurs membres de la famille impériale.
Rosalba Carriera devint aveugle à la fin de sa vie. Sa vision s’affaiblissant, elle subit en 1749 une opération de la cataracte. Mais les techniques de l’époque ne permettaient pas d’amélioration durable et, après un court répit, la cécité devint complète. Elle meurt à Venise le 15 avril 1757, à l’âge de 82 ans, en ayant survécu à tous les membres de sa famille.
(*) Journal de Rosalba Carriera pendant son séjour à Paris en 1720 et 1721, consultable sur Gallica BNF
Œuvre
Rosalba Carriera eut une influence importante au début du 18e siècle dans le domaine du portrait. Elle sut capter l’évolution du goût dans l’aristocratie de l’époque vers plus de légèreté. Le portrait solennel ayant pour fonction de témoigner de la puissance et de la richesse du modèle, qui domine jusqu’au 17e siècle, laisse désormais place à l’exploration des personnalités et de la psychologie individuelle. L’individu supplante déjà dans le domaine artistique la famille, la fonction, le rang.
L’œuvre de Rosalba Carriera comporte deux aspects : les miniatures et les portraits au pastel, dont environ 150 sont conservés à la Gemäldegalerie de Dresde. Il reste peu de choses de ses miniatures, dispersées dans les familles. Mais ses portraits constituent le prélude aux développements futurs du rococo en France. D’abord par le style fait de légèreté et de spontanéité : Rosalba Carriera saisit une dominante du modèle, qu’elle transcrit directement au pastel sur le support, sans dessin préalable. Cette rapidité d’exécution est un gage d’authenticité. Mais l’artiste sait également qu’il faut flatter le commanditaire pour obtenir son approbation et ses portraits constituent sans aucun doute une idéalisation des personnages représentés. Les portraits de Jean-Marc Nattier, puis ceux de Jean-Baptiste Greuze ne se conçoivent pas sans l’engouement suscité en France en 1720-21 par Rosalba Carriera. La parenté paraît évidente entre la Jeune fille tenant une couronne de laurier (1720) de Carriera, Pauline Félicité de Mailly-Nesle (1740) de Nattier et Le chapeau blanc (1780) de Greuze.
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Rosalba Carriera. Jeune fille tenant une couronne de laurier (1720) |
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Jean-Marc Nattier. Pauline Félicité de Mailly-Nesle (v. 1740) |
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Jean-Baptiste Greuze. Le Chapeau blanc (1780) |
Rosalba Carriera eut également un rôle déterminant dans la promotion du pastel. Il n’était utilisé que pour réaliser un dessin préalable à l’exécution d’un tableau à l’huile. Il acquiert désormais ses lettres de noblesse et devient une technique ayant ses spécialistes, comme le français Maurice Quentin de La Tour au 18e siècle.
Rosalba Carriera peignait ce qui enchantait l’aristocratie du siècle des Lumières. Ce faisant, elle a laissé une galerie de portraits particulièrement précieux pour les historiens, tant pour l’image des modèles que comme témoignage du goût d’un monde aujourd’hui disparu.
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Voir aussi : Les yeux d’Argus
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Commentaires
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- 1. monique bellini Le 30/04/2020
Cette page est vraiment superbe. Bravo à celui ou celle qui l'a composée. -
- 2. Naguère Le 30/07/2015
Merci pour cette page. Cette "peintresse" m'était inconnue. Dans la mesure où elle travailla à la cour de France, je vais faire un lien avec mon blog dans la catégorie PEINTURE.
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