Édouard Manet

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Patrick AULNAS

Portrait et autoportrait

Ferdinand mulnier edouard manet 1877 82

Ferdinand Mulnier. Edouard Manet ((1877-82)
Photographie, 11,7 × 8,1 cm, Fine Arts Museums of San Francisco.

 

Edouard Manet. Autoportrait à la palette (1879)

Edouard Manet. Autoportrait à la palette (1879)
Huile sur toile, 83 × 67 cm, collection particulière.

 

Biographie

1832-1883

Jeunesse et formation (1832-1856)

Édouard Manet est né à Paris dans une famille de la haute bourgeoisie. Son père occupe un poste de haut fonctionnaire et sa mère est la fille d’un diplomate. Les études secondaires font apparaître un enfant dissipé qui orne ses cahiers de caricatures. Son père le presse ensuite d’entreprendre des études de droit, mais il refuse. Le choix d’une carrière s’imposant, Édouard tente d’entrer dans la marine mais il échoue à deux reprises au concours d’entrée à l’École navale en 1848 et en 1849. Entre les deux concours, il effectue un voyage au Brésil où il réalise un grand nombre de dessins.

Son père accepte alors qu’il suive la voie artistique et il entre en 1850 dans l’atelier de Thomas Couture (1818-1879), peintre du courant académique français et grand professeur de l’époque. Son camarade d’enfance Antonin Proust (1832-1905) le suit dans cet apprentissage de la peinture. Proust abandonnera par la suite la carrière artistique mais deviendra un homme politique important, fondateur notamment de l’École du Louvre. L’amitié de Proust et de Manet se poursuivra jusqu’à la mort du peintre.

Manet reste six ans chez Thomas Couture. Il y acquiert les techniques de la peinture et se perfectionne en recopiant des œuvres maîtresses exposées au Louvre. Il rencontre également Eugène Delacroix (1798-1863) duquel il obtiendra l’autorisation de copier Dante et Virgile aux enfers, exposé au musée du Luxembourg. Au cours de sa formation, Manet voyage dans plusieurs pays d’Europe, en particulier l’Italie et les Pays-Bas. Il visite les grands musées.

La vie privée de Manet est marquée par la présence de Suzanne Leenhoff (1830-1906), néerlandaise qui avait été engagée en 1850 par le père d’Édouard comme professeur de piano pour ses fils. Suzanne donne naissance à un garçon, Léon Leenhoff, en 1852. Eu égard à l’omerta qui régnait dans les familles bourgeoises de l’époque face à ce genre d’évènement, il est impossible d’avoir une quelconque certitude sur la paternité. Mais certains auteurs estiment qu’Édouard Manet est le père de l’enfant. Suzanne vivra en effet par la suite avec le peintre et il finira par l’épouser en 1863, après la mort de son père. Manet élèvera Léon Leenhoff comme s’il était son fils. Suzanne sera aussi le modèle de Manet pour la réalisation de plusieurs tableaux, par exemple La lecture (1865).

En 1856, Manet s’installe rue Lavoisier à Paris dans un premier atelier, avec Albert de Balleroy (1828-1872) qui se spécialisera par la suite dans la peinture de scènes de chasse. Mais un adolescent qui avait été embauché comme aide et utilisé comme modèle (L’enfant aux cerises, 1858) se suicide dans l’atelier. Après ce drame, Manet, très affecté, déménage vers un autre atelier, rue de Douai.

Les refus au Salon de l’Académie des Beaux-arts (1857-1867)

En 1859, Manet propose une première toile au Salon officiel de l’Académie. Elle est refusée. Il s’agit du Buveur d’absinthe, tableau d’un réalisme austère, ne cherchant nullement à représenter la forme de beauté picturale appréciée par les jurys du Salon. En 1861, pourtant, deux toiles de l’artiste sont acceptées : Le chanteur espagnol et Portrait de M. et Mme Manet. Les refus du jury vont ensuite se succéder pendant de nombreuses années.

 

Édouard Manet. Le chanteur espagnol (1860)

Édouard Manet. Le chanteur espagnol (1860)
Huile sur toile, 147 × 114 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.

 

Dans les années 1860, Édouard Manet réalise de nombreux tableaux inspirés de l’Espagne. La peinture espagnole, et en particulier celle de Diego Vélasquez, le fascinait. Un voyage en Espagne en 1865 lui permet d’accumuler de nombreux dessins de scènes locales. Le thème de la tauromachie revient alors à plusieurs reprises dans sa peinture. Les plaisirs des rencontres bourgeoises constituent une autre thématique. Issu de la haute bourgeoisie, Manet a conservé le mode de vie de sa classe sociale. Les mondanités l’attirent et, à la belle saison, il se rend chaque jour au jardin des Tuileries, fréquenté par de nombreuses personnes de sa connaissance. Baudelaire, son ami Antonin Proust, son compagnon d’atelier Albert de Balleroy et bien d’autres l’accompagnent. Le dandysme de Manet est attesté par des témoignages écrits, Antonin Proust évoquant même la « petite cour » qui s’était formée autour de lui. Il fréquente aussi le café Tortoni, boulevard des Italiens, établissement à la mode où se retrouvent des intellectuels, des artistes, des hommes politiques, mais aussi des demi-mondaines.

 

Édouard Manet. La Musique aux Tuileries (1862)

Édouard Manet. La Musique aux Tuileries (1862)
Huile sur toile, 76 × 118 cm, National Gallery, Londres.

 

Les divertissements parisiens lui inspirent en 1862 La Musique aux Tuileries, tableau d’esprit impressionniste. Le thème des rassemblements en plein air deviendra par la suite très courant chez les impressionnistes. Il réalise la même année Le déjeuner sur l’herbe qui est refusé par le jury du Salon officiel mais exposé au Salon des refusés en 1863. Ce salon a été autorisé par Napoléon III afin de permettre aux artistes éliminés du Salon de l’Académie des Beaux-arts d’exposer leurs œuvres. Douze salles annexes au Salon officiel lui sont affectées et environ 1200 œuvres sont exposées en 1863. Le tableau de Manet suscite le scandale. Le scandale est encore plus grand lorsqu’Olympia (1863) est rendu public. Le modèle utilisé pour la femme apparaissant sur ces deux tableaux célébrissimes est Victorine Meurent (1844-1927), artiste peintre que Manet avait rencontrée dans l’atelier de Thomas Couture et qui lui servira de modèle de 1862 à 1873.

L’incompréhension officielle conduit Manet à organiser en 1867 sa propre exposition. Une Exposition universelle se tenant à Paris du 1er avril au 3 novembre, Manet saisit cette opportunité pour faire construire à ses frais un pavillon à proximité du pont de l’Alma et y exposer une cinquantaine de toiles. Mais le public ne s’intéresse pas à l’exposition Manet.

L’inspirateur de l’impressionnisme (1868-1883)

Rejeté par le jury de l’Académie et incompris des amateurs d’art, Manet se rapproche alors des jeunes peintres novateurs qui se rencontrent au Café Guerbois, rue des Batignolles. Nombre d’entre eux deviendront les plus grands peintres impressionnistes : Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Edgar Degas, Paul Cézanne, Alfred Sisley, Camille Pissarro. Manet, plus âgé que les impressionnistes, à l’exception de Camille Pissarro, est respecté par eux et devient un de leurs inspirateurs. En 1868, Fantin-Latour lui présente Berthe Morisot qui sera un temps son modèle et son élève et deviendra l’une des grandes figures de l’impressionnisme. Berthe Morisot épousera le frère de Manet, Eugène, en 1874. Cette même année se déroule à Paris la première exposition impressionniste. Manet refuse d’y participer mais entretient des relations amicales avec le chef de file du groupe impressionniste, Claude Monet. Il l’aide parfois lorsque celui-ci est confronté à des difficultés financières, achetant des toiles de Monet, qui, il est vrai, ne se vendent pas cher à l’époque. La famille Manet assiste Monet lorsqu’il cherche une maison à louer à Argenteuil.

En se tenant à l’écart des expositions impressionnistes, Édouard Manet veut conserver une indépendance stylistique, tout en se laissant influencer par le jeu des couleurs de de la lumière des compositions impressionnistes. Entre Manet et les impressionnistes, il existe des influences réciproques et il ne faut jamais oublier que les classifications des artistes ont une part d’arbitraire. Le vaste mouvement de renouveau de la peinture à partir du milieu du 19e siècle représente un tout que les catégorisations trop rigoureuses simplifient.

 

Édouard Manet. Jeune fille au jardin de Bellevue (1880)

Édouard Manet. Jeune fille au jardin de Bellevue (1880)
Huile sur toile, 92 × 70 cm, Collection EG Bührle fondation.

 

Tardivement, la peinture d’Édouard Manet s’impose dans les milieux officiels. La diversité de son œuvre, sa rare capacité à utiliser plusieurs styles, le soutien de grands écrivains comme Émile Zola et l’appui de son ami indéfectible Antonin Proust vont contribuer à la reconnaissance officielle. A plusieurs reprises, à partir de 1868, le jury du Salon va accepter des tableaux de Manet et, en 1881, Le Portrait d’Henri Rochefort obtient une médaille. La même année, il est décoré de la Légion d’Honneur par Antonin Proust, devenu ministre des Beaux-arts.

A partir de 1880, l’état de santé de Manet se dégrade. Atteint de la syphilis, de nombreuses complications apparaissent et il doit être amputé d’une jambe en 1883. Il décède de la gangrène, peu de temps après cette amputation, le 30 avril 1883. Il est inhumé au cimetière de Passy.

 

Art et littérature

Par Tina MALET

Lors du scandale provoqué par Olympia (1863), Zola défend Manet, s’attardant particulièrement sur deux détails, le visage et le bouquet :
« Regardez la tête de la jeune fille : les lèvres sont deux minces lignes roses, les yeux se réduisent à quelques traits noirs. Voyez maintenant le bouquet, et de près, je vous prie : des plaques roses, des plaques bleues, des plaques vertes. Tout se simplifie, et si vous voulez reconstruire la réalité, il faut que vous reculiez de quelques pas. Alors il arrive une étrange histoire : chaque objet se met à son plan, la tête d’Olympia se détache du fond avec un relief saisissant, le bouquet devient une merveille d’éclat et de fraîcheur. La justesse de l’œil et la simplicité de la main ont fait ce miracle ; le peintre a procédé comme la nature procède elle-même, par masses claires, par larges pans de lumière, et son œuvre a l’aspect un peu rude et austère de la nature. »
(Article d’Émile Zola, paru dans L’Événement illustré du 10 mai 1868).

 

Œuvre

Le milieu du 19e siècle marque en peinture la rupture avec l’académisme, qui subsistera cependant jusqu’au début du 20e siècle. Edouard Manet est un des peintres importants de cette rupture. Son œuvre se situe plutôt dans le courant réaliste, mais il subit également l’influence majeure de l’impressionnisme dans la mesure où il entretient des relations amicales avec les peintres de ce courant, Claude Monet en particulier. Berthe Morisot, qui l’admirait beaucoup, devient sa belle-sœur après avoir été son élève et son modèle. Les relations de Manet et de l’impressionnisme sont complexes. Il ne participe pas aux expositions impressionnistes mais il les soutient. Sa peinture n’est pas à proprement parler impressionniste mais il influence les peintres de ce courant comme le brillant aîné qui a osé bousculer les conventions académiques.

L’œuvre comprend plus de quatre cents huiles, des aquarelles, des pastels, des gravures et des dessins. Manet est un peintre exceptionnellement doué qui est capable d’appréhender tous les domaines. Son champ thématique est donc très large. Il a exploré tous les genres : scènes historiques, portraits, paysages, marines, scènes de genre (cafés, loisirs en plein air), natures mortes.

 

Édouard Manet. Le déjeuner sur l’herbe (1862)

Édouard Manet. Le déjeuner sur l’herbe (1862)
Huile sur toile, 208 × 264 cm, musée d’Orsay, Paris.

 

Adolescent dissipé, Manet devint un peintre provocateur. Le génie est à ce prix. S’il rompt avec son professeur Thomas Couture, il est assez sage pour profiter de ses leçons dans ses premières toiles. Sans doute abandonne-t-il l’académisme, mais en s’imprégnant des grands peintres espagnols (Vélasquez, Goya), il rend hommage à l’esthétique classique de la représentation  (Le chanteur espagnol, 1860). La provocation se situe dans le choix de certains sujets de jeunesse, comme Le déjeuner sur l’herbe (1862). Il suffit de remplacer les dieux antiques par des hommes du 19e siècle auprès d’une femme nue assise sur l’herbe, et celle-ci devient miraculeusement indécente alors qu’elle était jusqu’alors une muse ou une déesse tout à fait convenable. Peu d’artistes étaient capables de mettre ainsi en évidence l’archaïsme des conventions académiques.

« J’ai fait ce que j’ai vu » disait Manet pour se défendre de l’accusation de provocation systématique. Sa sincérité est en effet totale, comme celle de Caravage lorsqu’il transforme les voyous de Rome en personnages de la mythologie. S’il se heurte aux dominantes de son siècle, c’est que sa vocation est d’innover. Il ne voit pas comme les autres. Monet, Renoir, Cézanne non plus. Le regard nouveau qu’il porte sur la réalité le conduit rapidement aux scènes de plein air, comme La Musique aux Tuileries (1862). Il inonde ses compositions de lumière, simplifie les formes pour aller à l’essentiel, ne s’intéresse pas à la perspective mais aplatit la composition pour privilégier lumière et couleur (Le chemin de fer, 1873). Son influence sur ses amis impressionnistes est patente, mais il conserve sa liberté, n’appartenant à aucun courant, à aucune école, sinon celle de la modernité. Édouard Manet est un peintre qui apprend la technique académique chez Thomas Couture pour la mettre au service de sa subjectivité. Mais il s’imprègne aussi de toutes les innovations du moment, du réalisme de Courbet à l’impressionnisme. Il devient ainsi l’une des figures les plus originales du renouveau de l’art à la fin du 19e siècle.

 

Édouard Manet. L’enfant aux cerises (1858-59)

Édouard Manet. L’enfant aux cerises (1858-59). Huile sur toile, 55 × 65 cm, musée Calouste Gulbenkian, Lisbonne. Ce garçon de 15 ans, Alexandre, avait été embauché comme aide par Manet lorsqu’il occupait son premier atelier de la rue Lavoisier. Il fut retrouvé pendu dans l’atelier. Le peintre ne put supporter de rester dans ce local et s’installa alors rue de Douai.

Édouard Manet. Le buveur d’absinthe (1859)

Édouard Manet. Le buveur d’absinthe (1859). Huile sur toile, 178 × 103 cm, Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague. Cette toile constitue un manifeste de rupture avec l’académisme qui avait imprégné la formation du jeune peintre chez Thomas Couture. Le choix d’un sujet prosaïque et le traitement réaliste, particulièrement dépouillé, devait nécessairement conduire au refus du jury du Salon. L’influence de certaines toiles de Vélasquez est nette mais ne correspond pas au goût dominant. L’œuvre sera moquée, sauf par quelques artistes, dont Baudelaire et Delacroix.

Édouard Manet. Le chanteur espagnol (1860)

Édouard Manet. Le chanteur espagnol (1860). Huile sur toile, 147 × 114 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. L’influence de Diego Vélasquez sur Manet le conduit à des thèmes inspirés du folklore espagnol. Sans renoncer au fond sombre, le peintre saisit avec justesse l’expression et l’attitude du musicien et juxtapose avec brio le rouge de la cruche, le bleu du banc et le vert du pantalon.

Édouard Manet. Portrait de M. et Mme Manet (1860)

Édouard Manet. Portrait de M. et Mme Manet (1860). Huile sur toile, 110 × 90, musée d’Orsay, Paris. Ce tableau fut accepté par le jury du Salon de 1861, avec Le chanteur espagnol. Il représente les parents du peintre, Auguste et Eugénie Manet et fut admiré par Théophile Gautier et Charles Baudelaire. Destinée aux parents de l’artiste, la composition devait rester acceptable pour eux sans toutefois se plier aux contraintes esthétiques de l’académisme.

Édouard Manet. La Musique aux Tuileries (1862)

Édouard Manet. La Musique aux Tuileries (1862). Huile sur toile, 76 × 118 cm, National Gallery, Londres. Œuvre marquante historiquement, La Musique aux Tuileries constitue l’une des premières compositions consacrée aux loisirs en plein air de la bourgeoisie de l’époque. Le thème sera fréquemment repris par les impressionnistes, en particulier Monet et Renoir. Scène de genre et portrait de groupe, le tableau représente les fréquentations de Manet au jardin des Tuileries par un bel après-midi. On peut reconnaître l’artiste lui-même à l’extrême-gauche. De nombreuses célébrités apparaissent : Charles Baudelaire, Henri Fantin-Latour, Théophile Gautier. Bien que laissant une grande part au dessin préparatoire, le tableau produit une ambiance générale impressionniste qui ne sera pas comprise de beaucoup de critiques, pas même de Baudelaire. Par son style – les « taches » qui lui seront reprochées – cette toile propose une esthétique de la perception qui ne pouvait que heurter ceux qui se plaçaient dans une esthétique de la représentation.

Édouard Manet. Le déjeuner sur l’herbe (1862)

Édouard Manet. Le déjeuner sur l’herbe (1862). Huile sur toile, 208 × 264 cm, musée d’Orsay, Paris. La femme nue au milieu d’hommes habillés selon la mode du 19e siècle fit scandale. « Pourtant, Manet revendique dans Le déjeuner sur l'herbe l'héritage des maîtres anciens et s'inspire de deux œuvres du Louvre. Le Concert champêtre du Titien, alors attribué à Giorgione, fournit le sujet, tandis que la disposition du groupe central s'inspire d'une gravure d'après Raphaël : Le jugement de Pâris. Mais dans Le déjeuner sur l'herbe, la présence d'une femme nue au milieu d'hommes habillés n'est justifiée par aucun prétexte mythologique ou allégorique. La modernité des personnages rend obscène, aux yeux de ses contemporains, cette scène presque irréelle. Manet s'en amusait d'ailleurs, surnommant son tableau "La partie carrée". » (Commentaire musée d’Orsay)

Edouard Manet. Olympia (1863)

Édouard Manet. Olympia (1863). Huile sur toile, 130 × 190 cm, musée d’Orsay, Paris. « Le sujet autant que le langage pictural expliquent le scandale que l'œuvre provoqua au Salon de 1865. Même si Manet multiplie les références formelles et iconographiques : la Vénus d'Urbin du Titien, la Maja desnuda de Goya et le thème de l'odalisque à l'esclave noire traité par Ingres notamment, il traduit avant tout picturalement la froideur et le prosaïsme d'un sujet bien contemporain. La Vénus est devenue une prostituée qui défie de son regard le spectateur. Face à cette remise en cause du nu idéalisé, fondement de la tradition académique, la violence des réactions fut considérable. Les critiques vilipendèrent "cette odalisque au ventre jaune" dont la modernité fut pourtant défendue par quelques contemporains avec à leur tête Zola. » (Commentaire musée d’Orsay)

Édouard Manet. La lecture (1865)

Édouard Manet. La lecture (1865). Huile sur toile, 73 × 61 cm, musée d’Orsay, Paris. Suzanne Leenhoff, épouse Manet, assise sur un canapé, écoute son fils qui lit à haute voix. Ce portrait, de facture très impressionniste, est un des plus réussis de la plantureuse et placide Suzanne qui avait été à partir de 1850, la professeur de piano du peintre.

Édouard Manet. Jésus raillé par les soldats (1865)

Édouard Manet. Jésus raillé par les soldats (1865). Huile sur toile, 191 × 148 cm, Art Institute, Chicago. Ce tableau constitue un exemple des rares incursions de Manet dans la peinture religieuse. Il s’agit du moment précédant la crucifixion, où les soldats se moquent du « roi des juifs » et l’affuble d’une couronne d’épines. Manet choisit un réalisme scénique plutôt austère avec un Christ humble et triste, mais au regard lucide. L’influence de la peinture espagnole, sensible à cette époque de sa vie, explique le fond uniformément sombre qui amplifie le contraste avec le corps blanc du Christ. L’artiste s’en tient à des formes plates, sans chercher à jouer sur la perspective, ce qui accentue la puissante présence du Christ au premier plan.

Édouard Manet. Combat de taureaux (1865-66)

Édouard Manet. Combat de taureaux (1865-66). Huile sur toile, 90 × 110 cm, musée d’Orsay, Paris. Le thème de la corrida revient à plusieurs reprises chez Manet, qui avait été impressionné par ce spectacle au cours d’un voyage en Espagne en 1865. D’une manière générale, ce tableau fut beaucoup critiqué. Seuls Baudelaire et Zola, et plus tard les frères Goncourt, furent élogieux.

Édouard Manet. Nature morte avec melon et pêches (1866)

Édouard Manet. Nature morte avec melon et pêches (1866). Huile sur toile, 68 × 91 cm, National Gallery of Art, Washington. Manet peignait des natures mortes car ces tableaux se vendaient bien, contrairement à ses scènes de genre, trop novatrices pour être comprises de la clientèle habituée à l’art académique.

Édouard Manet. Le fifre (1866)

Édouard Manet. Le fifre (1866). Huile sur toile, 161 × 97 cm, musée d’Orsay, Paris. « Manet, qui avait trouvé dans une manière et des sujets hispanisants, la voie de son propre talent, ne découvre que tardivement, en 1865, l'Espagne et le musée du Prado. Le Pablo de Valladolid de Velasquez l'impressionne particulièrement et le peintre confie alors à son ami Fantin-Latour : "[c'est] le plus étonnant morceau de peinture qu'on ait jamais fait... Le fond disparaît : c'est de l'air qui entoure le bonhomme, tout habillé de noir et vivant".
Un simple et anonyme enfant de troupe se voit donc traité comme un grand d'Espagne. Non seulement, Manet bouleverse les hiérarchies de la représentation, mais il accompagne également ce choix d'un langage audacieusement simplifié. Le peintre utilise ainsi des aplats, très nets dans les noirs, quelques effets de modelé dans les chairs et dans l'étui de l'instrument, et des empâtements dans les blancs qui soulignent les plis des tissus. La palette colorée est très réduite, et l'espace sans profondeur. On distingue à peine la limite entre le plan horizontal du sol et le plan vertical du fond, coloré d'un gris très peu nuancé et totalement dépouillé. » (Commentaire musée d’Orsay)

Édouard Manet. L’exécution de Maximilien (1868)

Édouard Manet. L’exécution de Maximilien (1868). Huile sur toile, 252 × 305 cm, Kunsthalle, Mannheim. Maximilien de Habsbourg fut empereur du Mexique, sous la protection des troupes françaises, de 1864 à 1867. Napoléon III ayant retiré ses troupes, il devient le prisonnier des opposants républicains qui le font exécuter. Maximilien a 35 ans. Manet, pourtant fervent républicain, est scandalisé par le sort de ce jeune prince et réalise ce tableau dont la reproduction lithographique sera censurée.

Édouard Manet. Portrait d’Émile Zola (1868)

Édouard Manet. Portrait d’Émile Zola (1868). Huile sur toile, 146 × 114 cm, musée d’Orsay, Paris. Zola a toujours soutenu le jeune Manet, confronté à l’hostilité du courant académique. Ce portrait est un témoignage de reconnaissance. On aperçoit à l’arrière-plan l’Olympia de Manet.

Édouard Manet. Le balcon (1868-69)

Édouard Manet. Le balcon (1868-69). Huile sur toile, 170 × 124,5 cm, musée d’Orsay, Paris. Ce tableau, présenté au Salon de 1869, suscita l’ironie. Manet représente sur un balcon des amis proches : Berthe Morisot (assise), le peintre Antoine Guillemet et la violoniste Fanny Claus. Mais en refusant l’académisme, il provoque intentionnellement la critique de l’époque. Couleurs vives et contrastes accentués (blanc, vert, bleu), personnages absents, comme perdus dans un rêve, tout cela constitue une perception artistique et non la représentation conventionnelle à laquelle le public est habitué.

Edouard Manet. Portrait d’Eva Gonzalès (1870)

Édouard Manet. Portrait d’Eva Gonzalès (1870). Huile sur toile, 133 × 191 cm, National Gallery, Londres. Eva Gonzalès est une des figures féminines de la peinture de l’époque. Entrée en tant qu’élève dans l’atelier de Manet en février 1869, elle devient aussi son modèle. Ce portrait a été peint début 1870 pour être présenté au Salon de la même année.

Edouard Manet. Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872)

Édouard Manet. Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872). Huile sur toile, 55 × 40 cm, musée d’Orsay, Paris. Berthe Morisot fut l’élève de Manet et épousera son frère Édouard en 1874. « Plutôt que d'utiliser un éclairage homogène, comme souvent dans ses portraits, Manet préfère ici projeter sur son modèle une lumière vive et latérale, si bien que Berthe Morisot ne semble être qu'ombre et lumière. Ici avec les yeux noirs, ils étaient en réalité verts, elle est habillée et coiffée de noir, sans doute la meilleure façon d'exalter cette beauté "espagnole" remarquée dès sa première apparition dans l'œuvre de Manet en 1869. Avec cette sublime variation sur le noir, Manet livre une nouvelle preuve de sa virtuosité. Mais peut-être donne-t-il également un avertissement à sa jeune disciple en lui rappelant l'étonnante puissance des noirs, alors qu'elle peignait de plus en plus clair et filait droit sur le chemin de l'impressionnisme. » (Commentaire musée d’Orsay)

Édouard Manet. Le chemin de fer (1873)

Édouard Manet. Le chemin de fer (1873). Huile sur toile, 93 × 111 cm, National Gallery of Art, Washington. La scène se situe devant la Gare Saint-Lazare à Paris, la voie de chemin de fer étant visible à travers la barrière métallique. Le modèle de la femme est Victorine Meurent avec laquelle Manet eut également une aventure amoureuse. Manet n’a pas encore subi l’influence impressionniste. La parfaite délimitation des formes se conjugue cependant avec une luminosité qui n’existe pas dans la peinture académique mais dont les impressionnistes vont user et parfois abuser. Peinture réaliste donc, mais totalement nouvelle à l’époque.

Edouard Manet. Claude Monet peignant dans son atelier (1874)

Édouard Manet. Claude Monet peignant dans son atelier (1874). Huile sur toile, 80 × 98 cm, Neue Pinakothek, Munich. La scène se situe à Argenteuil, non loin de la maison que louait Claude Monet et qui était fréquentée par Manet. Monet voulait peindre sur le motif. Pour ce faire, il avait aménagé un bateau en atelier afin de pouvoir étudier tout à loisir les variations de la lumière sur le fleuve. Le titre est ironique, mais le style ne l’est pas moins. Manet caricature les impressionnistes par des touches ostensiblement visibles et un évanouissement des formes dont il n’est pas coutumier.

Édouard Manet. Portrait de Stéphane Mallarmé (1876)

Édouard Manet. Portrait de Stéphane Mallarmé (1876). Huile sur toile, 27 × 36 cm, musée d’Orsay, Paris. L’amitié de Manet et Mallarmé « remonte à 1873 et, pendant presque 10 ans, les deux hommes se rencontrent quotidiennement pour discuter peinture, littérature, nouvelle esthétique mais aussi chats et mode féminine […] La facture de la toile, brossée avec vigueur, est remarquable. Le poète apparaît à la fois ressemblant et vivant, comme saisi dans une vision instantanée. » (Commentaire musée d’Orsay)

Édouard Manet. Portrait d’Henri Rochefort (1881)

Édouard Manet. Portrait d’Henri Rochefort (1881). Huile sur toile, 81,5 × 66,5 cm, Kunsthalle, Hambourg. Henri Rochefort (1931-1913) est un journaliste et grand polémiste, défenseur de la Commune de Paris, qui fut emprisonné au bagne de Nouvelle-Calédonie, duquel il parvint à s’évader. Son goût de la polémique lui vaudra de nombreux duels et un surnom : « L’homme aux vingt duels et trente procès ».

Édouard Manet. Jeune fille au jardin de Bellevue (1880)

Édouard Manet. Jeune fille au jardin de Bellevue (1880). Huile sur toile, 92 × 70 cm, Collection EG Bührle fondation. Manet séjourne à Bellevue, à proximité de Meudon en région parisienne, pour une cure, car sa santé se détériore. Ce tableau très impressionniste représente la maison dans laquelle il habitait.

Édouard Manet. Un bar aux Folies Bergères (1881-82)

Édouard Manet. Un bar aux Folies Bergères (1881-82). Huile sur toile, 96 × 130 cm, Courtauld Institute of Art, Londres. Les Folies Bergères étaient le lieu des plaisirs de la bourgeoisie parisienne. Manet en offre une perception axée sur le regard triste et interrogateur de Suzon, modèle et authentique employée de l’établissement. La fête est représentée par la clientèle qui se reflète dans le miroir derrière Suzon et l’accumulation de bouteilles au premier plan. Mais Suzon ne participe visiblement pas à la liesse générale. D’ailleurs, un client l’a abordée, dont on voit le reflet sur la droite. L’artiste s’est accordé toute liberté pour analyser la scène, le dos de Suzon, dans le miroir, n’étant pas placé correctement d’un point de vue optique. Mais il s’agit pour Manet de montrer Suzon à la fois de face et en conversation avec l’homme au chapeau. Il est alors nécessaire de détourner quelque peu les lois de l’optique.

Édouard Manet. Maison de campagne à Rueil (1882)

Édouard Manet. Maison de campagne à Rueil (1882). Huile sur toile, 72 × 92 cm, Staatliche Museen, Berlin. Gravement malade, Manet se retire à Rueil, près de Paris, où il peint ce dernier paysage, assis à l’ombre d’un acacia.

 

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ÉDOUARD MANET

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