Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci (v. 1490)

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Patrick AULNAS

Ce portrait de profil à caractère allégorique est unique dans l’œuvre de Piero di Cosimo, réputé pour ses scènes mythologiques imprégnées de fantastique. Il s’agit également du tableau le plus célèbre du peintre.

 

Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci (v. 1490)

Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci (v. 1490)
Tempera sur bois, 57 × 42 cm, Musée Condé, Chantilly.

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Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci (v. 1490)

Avec cadre

 

Simonetta Vespucci, la muse de Botticelli

Simonetta Cattaneo (1453-1476) est née à Gênes dans une famille noble. Elle se marie en 1469 avec Marco Vespucci, cousin du navigateur Amerigo Vespucci, d’où dérive le nom du Nouveau Monde, l’Amérique. Le mariage entre Simonetta et Marco a lieu à Florence où les Vespucci entretiennent des relations avec la puissante famille Médicis. Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique (1449-1492), règne alors sur Florence et protège les arts et les sciences. La beauté de Simonetta fait immédiatement l’admiration des florentins qui la surnomment La bella Simonetta ou La san par (La sans pareille).

Julien de Médicis (1453-1478), le frère de Laurent, eut pour la belle Simonetta une passion connue de tous et fut peut-être son amant. Mais cet amour est considéré comme platonique dans le récit qui nous a été transmis. Simonetta Vespucci meurt à 23 ans, probablement de la tuberculose.

Dans le domaine pictural, Simonetta Vespucci devint d’abord la muse de Sandro Botticelli. Pour lui, elle représentait le modèle de la beauté idéale. Il en fera deux portraits et s’en inspirera à de nombreuses reprises dans ses œuvres mythologiques, en particulier La naissance de Vénus (1484-85). Dans Mars et Vénus (1483), Botticelli associe Julien de Médicis et Simonetta Vespucci, alors décédés. Le peintre avait pour son modèle de prédilection un attachement tel qu’il demanda à être enterré à ses pieds, dans l’église Ognissanti de Florence. Ce qui fut fait.

Le portrait de Piero di Cosimo a été réalisé après la mort de Simonetta Vespucci. Le musée Condé indique « vers 1490 » car la date précise est inconnue, probablement entre 1480 et 1490. Piero di Cosimo étant né en 1462, il s’agit d’un œuvre de jeunesse. Le commanditaire appartient à la famille Médicis mais son identité exacte reste incertaine. Le tableau a d’abord été attribué à Antonio Pallaiuolo (1429-1498) puis à Sandro Botticelli (1445-1510) et enfin à Piero di Cosimo depuis 1879, sur la base de l’analyse de l’historien de l’art Gustavo Frizzoni (1840-1919).
 

Analyse de l’œuvre

Le portrait de profil est courant au 15e siècle, en particulier en Italie. Ce choix, issu de l’art des médailles, permet de styliser le modèle et d’éviter l’analyse de la personnalité. Dans le cas présent, comme chez Botticelli, il s’agit d’idéaliser le personnage représenté par une approche éloignée de tout réalisme et ne laissant apparaître aucun défaut. Il ne faut donc pas voir dans ce portrait une image de Simonetta Vespucci, mais plutôt un hommage post-mortem à sa beauté intemporelle.

 

La représentation de la tête transforme une aristocrate génoise en déesse.

 

Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci, détail

Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci, détail

 

Le peintre a recherché la plus parfaite élégance du trait. Une courbe sinusoïdale de faible ampleur apparaît de la pointe du nez au début de la chevelure. Il en résulte un front bombé remontant très haut. L’extrême complexité de la chevelure relève davantage de la mise en valeur des capacités du peintre que d’une réalité de l’époque. La minutie de la représentation des tresses enchevêtrées et des bijoux peut être expliquée par l’influence de la peinture flamande sur le jeune Piero di Cosimo. Mais l’idéalisation propre à l’art italien n’est pas pour autant absente puisque cette chevelure est une pure création picturale, inspirée sans doute par des modèles contemporains moins sophistiqués.

 

Vasari y voit une Cléopâtre

 

Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci, détail

Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci, détail

 

Dans Les vies, Giorgio Vasari indique avoir vu vers dans le seconde moitié du 16e siècle, chez Francesco da Sangallo, une Cléopâtre avec un aspic autour du cou, qu’il attribue à Piero di Cosimo. Giuliano, le père de Francesco da Sangallo, était en effet un ami de Piero di Cosimo. Cette interprétation résulte de la présence du serpent autour du cou du modèle. Selon les auteurs anciens, grecs et romains, Cléopâtre se serait en effet suicidée en laissant un aspic la mordre. Cependant, selon les spécialistes, le reptile enroulé autour du cou de Simonetta Vespucci est une couleuvre totalement inoffensive. Par ailleurs, si Vasari a vraiment vu ce tableau, il faut supposer que l’inscription figurant en bas n’était pas présente à la fin du 16e siècle. Cette inscription est sans équivoque : SIMONETTA IANUENSIS VESPUCCIA, soit Simonetta Vespucci la Génoise. L’analyse radiographique a montré que cette inscription est d’origine.

Quoiqu’il en soit, la présence du serpent enlève au portrait toute ambition réaliste et correspond au goût de Piero di Cosimo pour le fantastique, que l’on retrouve dans ses scènes mythologiques. Le reptile enlacé autour du collier, idée géniale du jeune artiste, répond graphiquement à l’enroulement complexe des tresses de la chevelure.

 

Une allégorie de la mort ?

S’agissant d’un portrait posthume, l’artiste avait évidemment la mort présente à l’esprit. Faut-il interpréter l’œuvre comme une allégorie de la mort ? Intentionnellement ou non, le peintre a conjugué dans ce portrait idéalisé une harmonie figurative de la beauté et de la mort. Le serpent est sans doute l’animal renvoyant à la symbolique la plus riche. Autrement dit, il est possible d’utiliser le serpent pour signifier à peu près tout et son contraire. Dans le cas présent, outre l’aspect purement graphique qui est essentiel, le serpent qui se mord la queue, enroulé autour d’un collier, est proche de l’ouroboros antique. Il renvoie donc à une conception cyclique de l’univers, de la nature, de la vie. La beauté ne disparaît pas avec la mort, elle renaît symboliquement. Le juste gagne le paradis après sa mort et attient ainsi l’éternité. De même, pour parvenir à la beauté intemporelle il faut avoir franchi l’étape de la mort. Cette interprétation peut être mise en relation avec la philosophie néoplatonicienne, qui influençait les élites italiennes de la fin du 15e siècle et en particulier les Médicis.

 

Quelques compositions avec serpents

Le serpent a la faveur des peintres, les ondulations serpentines étant en général associées à la féminité, depuis celui qui tenta Ève jusqu’à la charmeuse de serpents.

 

Albrecht Dürer. Adam et Ève (1507)

Albrecht Dürer. Adam et Eve (1507). Huile sur bois, chaque panneau 209 × 81 cm, Musée du Prado, Madrid. Dürer, de retour d'Italie, compose une image idéalisée de la nudité. L'influence italienne est marquée par la minceur des personnages par rapport à ceux de sa gravure de 1504. Il s'agit des nus grandeur nature les plus anciens de l'art nordique. Un certain maniérisme caractérise la gestuelle, dû probablement à la volonté d'accentuer « l'innocence ». Mais Eve accepte la pomme offerte par le serpent...

Titien. Bacchus et Ariane (1520-23)

Titien. Bacchus et Ariane (1520-23). Huile sur toile, 176 × 191, National Gallery, Londres. Mythologie grecque et romaine. Ariane (en bleu à gauche) se trouve sur l'île de Naxos où son amant Thésée l'a abandonnée. Le dieu Bacchus (cape rose) la découvre. Il apparaît sur un char tiré par deux guépards et accompagné de toute une procession mythologique (satyres, ménades). Tout cet attirail mythologique est aujourd'hui de peu d'importance. Il reste une composition picturale où la couleur est au service du mouvement. En traçant une diagonale bas-gauche vers haut-droite, on obtient deux triangles. Dans celui de gauche, les deux figures d'Ariane et de Bacchus se détachent sur un fond de ciel bleu et de nuages. Dans celui de droite, le cortège accompagnant Bacchus est traité avec des nuances d'ocre et de brun sur un arrière-plan végétal vert. Le coloriste Titien est en pleine possession de ses moyens.

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Analyse détaillée

Lorenzo Lotto. Vénus et Cupidon (1525-30)

Lorenzo Lotto. Vénus et Cupidon (v. 1525). Huile sur toile, 92 × 111 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. « Pour peindre cette œuvre, Lorenzo Lotto, génie anticonformiste de la Renaissance vénitienne, puisa dans les poèmes classiques consacrés au mariage. Il s’agit d’ailleurs vraisemblablement du thème de ce tableau. Vénus a peut-être même les traits de la mariée. Le coquillage au-dessus de sa tête et les pétales de rose sur son corps sont les attributs traditionnels de la déesse. Le lierre évoque la fidélité conjugale ; la couronne de myrte ainsi que le brûle-parfum qui y est suspendu symbolisent la chambre nuptiale. Vénus porte les boucles d’oreilles et le diadème d’une mariée du XVIe siècle. Le geste de Cupidon, qui urine à grand jet à travers la couronne, est un présage de fertilité qui ajoute une légère touche d’humour à cette image à caractère très intime. » (Commentaire MET)

Caravage.La madone des palefreniers ou La madone au serpent (1606)

Caravage. La madone des palefreniers ou La madone au serpent (1606). Huile sur toile, 292 × 211 cm, Galleria Borghese, Rome. Marie, en rouge, soutient son fils qui appuie son pied sur le sien pour écraser un serpent. Sainte Anne, patronne des palefreniers de Rome (commanditaires de l'œuvre) observe la scène. Le tableau fut refusé en raison de la nudité de l'enfant (jugé trop âgé) et du décolleté de la Vierge.

Vermeer. L'Allégorie de la foi (1671-74)

Johannes Vermeer. Allégorie de la foi (1671-74). Huile sur toile, 114 × 89 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Vermeer transpose sur la toile l'allégorie de la foi figurant dans un livre très célèbre à l'époque, Iconologia, de l'italien Cesare Ripa (1555-1622). Ce recueil, paru en 1522, présente par ordre alphabétique des allégories (la Paix, la Liberté, la Foi, etc.). L'auteur le destine aux artistes (poètes, peintres, sculpteurs) afin, selon lui, de les aider à représenter les vices, les vertus et les sentiments humains. Si le talent de peintre de Vermeer est bien au rendez-vous (couleurs, lumière), cette composition ne correspondant pas à son registre habituel a quelque chose de figé et d'artificiel quand le reste de l'œuvre se caractérise précisément par son humanité et sa vérité. Le grand tableau de l'arrière-plan est une reproduction de la Crucifixion du peintre néerlandais Jacob Jordaens (1593-1678).

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Henri Rousseau. La charmeuse de serpents (1907)

Henri Rousseau. La charmeuse de serpents (1907). Huile sur toile, 167 × 189,5 cm, musée d'Orsay, Paris. Le sujet aurait été inspiré à Rousseau par la mère du peintre Robert Delaunay (1885-1941) qui aimait raconter ses souvenirs de voyage. Le peintre transpose très librement le thème du charmeur de serpents en utilisant les mythes occidentaux : le paradis terrestre, le bon sauvage. Mais si l'harmonie du personnage de la charmeuse avec la nature semble parfaite, le paradis n'a rien d'idyllique. Il ne s'agit nullement du locus amoenus que de nombreux paysagistes ont cherché à peindre. Le peintre a choisi « une Eve noire, dans un Eden inquiétant, charmeuse d'un serpent aussi effrayant que celui de la Genèse était séducteur. » (Notice musée d'Orsay)

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