Julien Dupré. La vache blanche (v. 1890)

 
 

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Patrick AULNAS

Julien Dupré est un des meilleurs représentants de la peinture de la ruralité à la fin du 19e siècle. Il s’intéresse en particulier à la peinture animalière.

 

Julien Dupré. La vache blanche (v. 1890)

Julien Dupré. La vache blanche (v. 1890)
Huile sur toile, 116 × 153,5 cm, musée d'Orsay, Paris.
Image HD sur MUSÉE D’ORSAY

 

Contexte historique

Le salon officiel de peinture accueillait volontiers les toiles représentant la paysannerie. Voilà qui ne doit pas surprendre dans un monde qui restait encore essentiellement rural. En 1900, environ un Français sur deux travaillait dans l’agriculture alors qu’aujourd’hui le chiffre est tombé à 1 sur 40. Évidemment, l’intelligentsia se moquait de cette peinture de la représentation de la société traditionnelle. Elle accordait ses faveurs au dépassement de la représentation avec l’émergence de multiples mouvements picturaux.

Le bourgeois, petit ou grand, client des artistes, préférait en général la peinture académique ou réaliste. Un peintre comme Julien Dupré pouvait donc vivre facilement de son travail d’artiste. Il est intéressant d’analyser aujourd’hui ce qui plaisait à la plus grande partie des acheteurs de tableaux à la fin du 19e siècle.

 

Analyse de l’œuvre

Une paysanne agenouillée dans l’herbe est occupée à traire une vache blanche. Il s’agit sans doute d’une journalière qui travaille sous la surveillance de la fermière apparaissant à l’arrière-plan, les mains sur les hanches pour bien indiquer qui dirige. Le peintre n’a pas voulu d’un troupeau, ni de la traite dans l’étable, pratique la plus courante. Il fait donc un choix artistique afin de privilégier la représentation de l’animal. La vache occupe toute la moitié droite du tableau, la moitié gauche étant réservée aux deux personnages. Le plein air, tant vanté par les impressionnistes, permet les effets de lumière : arrière-plan ombrageux, scène de traite en pleine lumière.

Le ciel n’apparaît pas car il est masqué par le bâtiment de la ferme. Ce choix de composition permet au peintre de limiter la palette à quelques couleurs : vert, blanc, gris et un soupçon de bleu pour les vêtements. Il s’agit de couleurs froides, le jaune et le rouge étant exclus. La chaleur émane donc uniquement de la lumière du soleil, élément fondamental de la composition mis en évidence par le contraste avec les couleurs froides.

Bien que né à Paris dans la bourgeoisie commerçante, Julien Dupré connaît les animaux. Il les a minutieusement observés comme le faisaient les peintres flamands de la Renaissance pour les paysages urbains ou naturels. La vache est d’une vérité criante, bien plantée sur ses quatre pattes, le regard orienté vers le spectateur. Les excroissances osseuses caractéristiques de l’animal n’ont pas été négligées. La représentation réaliste de cette vache se limite d’ailleurs à sa morphologie car sa propreté immaculée ne correspond pas vraiment à la vie des champs. Quelques traces de boue devraient apparaître car les paysans ne nettoyaient pas leurs animaux.

La position de la paysanne constitue également un choix purement artistique. La traite se fait en position assise sur un tabouret bas en bois et jambes écartées. Évidemment, une telle position n’est pas compatible avec l’image idéalisée du monde rural que cherche à transmettre le peintre ni sans doute avec la pruderie de l’époque concernant la bienséance féminine. L’agenouillement évoque la pureté de la prière, la modestie, voire la soumission, en relation dans ce cas avec la posture dominatrice de la fermière postée dans l’encadrement de la porte.

Conjuguer idéalisme et réalisme en gommant les implications de ce dernier, voilà bien une des caractéristiques de la peinture animalière de l’époque. On retrouve cette approche chez Rosa Bonheur, la plus appréciée des spécialistes du monde animal de la fin du 19e siècle. Il s’agit de présenter à la clientèle bourgeoise une vision idéalisée de la nature, tout en restant dans la représentation exacte de ce que peut en capter l’optique humaine. Il en résulte une sorte de photographie en couleur qui aurait été retouchée, la peinture lui donnant évidemment un cachet incomparable. La peinture hyperréaliste de la fin du 20e siècle poursuivra cette recherche.

L’influence impressionniste n’est pas absente. Pour le comprendre, il faut comparer le style de Julien Dupré à celui de ses prédécesseurs. Choisissons un paysage néoclassique mâtiné de romantisme, Le parc à Mortefontaine de Jean-Joseph-Xavier Bidauld.

 

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Le parc à Mortefontaine (1806)

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Le parc à Mortefontaine (1806)
Huile sur toile, 87,6 × 128,3 cm, Indianapolis Museum of Art.

 

Bidauld cherche à reconstituer sur la toile ce qu’il voit de la nature en s’attachant aux détails, comme le faisaient les artistes depuis la Renaissance. Le feuillage est analysé avec minutie, les herbages sont traités comme des pelouses anglaises. Au contraire, Dupré évoque le feuillage et l’herbe au sol par des touches de couleur non représentatives. Il transmet sa perception du réel à la manière des impressionnistes, sans chercher à transcrire sur le support une réalité optique. Le style de Bidauld reste proche de celui des artistes du 15e siècle, comme le montre le Saint Jean-Baptiste au désert de Gérard de Saint-Jean :

 

Gérard de Saint-Jean. Saint Jean-Baptiste au désert (1480-95)

Gérard de Saint-Jean. Saint Jean-Baptiste au désert (1480-95)
Huile sur bois, 42 × 28 cm, Staatliche Museen, Berlin.

 

Dupré est influencé par le jeune Monet des années 1860 :

 

Claude Monet. Le déjeuner sur l’herbe, étude (1865)

Claude Monet. Le déjeuner sur l’herbe, étude (1865)
Huile sur toile, 130 × 181 cm, musée Pouchkine, Moscou.

 

La peinture de Dupré n’est donc pas asservie à la tradition séculaire. Elle présente une réalité contemporaine dominante, la société paysanne, mais avec un style imprégné des évolutions récentes de l’art de peindre.

 

Quelques peintures animalières depuis la préhistoire

Des aurochs de la préhistoire aux scènes de labourage du 19e siècle, la représentation de nos amis les animaux a toujours été présente dans l’art.

 

Grotte de Lascaux. Aurochs (v. -18 000)

Grotte de Lascaux. Aurochs (v. -18 000). La salle dite des taureaux regroupe 36 représentations animales de chevaux, d'aurochs, de vaches et de cerfs.

Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE

Travaux agricoles (v. -1000)

Travaux agricoles (v. -1000). Papyrus, Musée égyptien, Le Caire. Ce papyrus provient de la cachette des prêtres d'Amon à Deir-el-Bahari et date de la XXIe dynastie (v. -1070-945). En haut, les semailles, en bas la moisson.

Novembre

Les Très Riches Heures du duc de Berry, mois de novembre (15e siècle). Enluminure sur feuille de vélin, musée Condé, Chantilly. Cette miniature représente une scène paysanne traditionnelle d'automne : la glandée. Un personnage, accompagné d'un molosse, fait paître un troupeau de porcs dans un bois de chênes. À l'aide d'un bâton qu'il jette, il frappe les branches pour en faire tomber les glands. Le porc, engraissé puis tué et salé, permettra de préparer l'hiver et de se nourrir toute l'année.

Piero di Cosimo. Feu de forêt (v. 1500)

Piero di Cosimo. Feu de forêt (v. 1500). Huile sur bois, 71 × 203 cm, Ashmolean Museum, Oxford. « Ce vaste paysage représente la puissance et la beauté de la nature jointe au spectacle terrifiant d’une forêt en feu provoquant la peur et la panique parmi les oiseaux, les animaux et les êtres humains. Le traitement de l'incendie est remarquable, avec des troncs d'arbres chauffés à blanc et explosant, des branches brûlantes, des flammes léchant le feuillage et des restes fumants et carbonisés. Des vues lointaines s'ouvrent de part et d'autre, les effets de l'incendie étant suggérés par les alignements d'animaux qui fuient et les oiseaux tournant dans le ciel ; sur la droite, des habitations sont menacées. Ce qui est plus frappant, c'est la diversité des animaux et des oiseaux représentés : sauvages et domestiques, grognant, rugissant et appelant. Parmi eux, un cerf et un cochon ont mystérieusement la tête d'un satyre, habitant légendaire des forêts. » (Commentaire Ashmolean Museum)

Frères Le Nain. La laitière (v. 1641)

Frères Le Nain. La laitière (v. 1641). Huile sur toile, 51 × 59 cm, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. Attribué à Louis par l’Ermitage. « Alors que pendant la première moitié du 17e siècle, l’art français était largement dominé par la peinture officielle, il existait aussi une tendance plus modeste, avec des artistes choisissant de représenter des paysans, des artisans et des commerçants. L’un de ces artistes était Louis Le Nain, représenté ici par l’une de ses meilleures œuvres, The Milkmaid’s Family. Dans cette composition atypique, une famille paysanne part au marché. La vue en contreplongée donne un aspect monumental aux figures. Ces personnages, ne communiquant entre eux ni par les gestes ni par les regards, forment un groupe compact qui se détache nettement sur le fond du paysage, enveloppé d’une douce lumière argentée. Sous le haut ciel nuageux, s’ouvre une large vallée, avec des champs, une église de village et une chaîne de petites collines. » (Commentaire musée de l’Ermitage)

Carle Van Loo. La chasse de l'ours (1736)

Carle Van Loo. La chasse de l'ours (1736). Huile sur toile, 184 × 129 cm, musée de Picardie, Amiens. Le commanditaire de ce tableau est le roi Louis XV. Il fait partie d’un ensemble de neuf compositions intitulées Les chasses exotiques de Louis XV, conservées au musée d’Amiens. Ce fut la première commande royale obtenue par Van Loo.

Rosa Bonheur. Labourage nivernais (1849)

Rosa Bonheur. Labourage nivernais (1849). Huile sur toile, 134 × 260 cm, musée d’Orsay, Paris. « Datée de 1849, cette scène décrit le premier labour, appelé sombrage, que l'on effectue au début de l'automne et qui ouvre la terre afin de l'aérer pendant l'hiver. On y voit dans une plaine joliment vallonnée et fermée par un coteau boisé, deux attelages de bœufs tirant de lourdes charrues et retournant un champ dont on aperçoit les sillons déjà éventrés.
Tout l'intérêt se concentre sur l'attelage du premier plan, sur ces bœufs du Charolais-Nivernais dont la robe claire, rousse et blanche, est mise en valeur par la lumière froide et claire qui enveloppe toute la scène. C'est d'abord une scène animalière, dont les héros sont les bœufs eux-mêmes, qui laisse peu de place à l'homme : le bouvier est bien petit sur cette toile. C'est un hymne au travail des champs dont la grandeur est d'autant plus magnifiée qu'il est aisé de l'opposer, en ces lendemains de révolution, aux turpitudes de la ville. C'est également une reconnaissance de la province, ici le Nivernais, de ses traditions agricoles et de ses paysages.
Tout ceci fit que cette œuvre réaliste fut presque unanimement louée par la critique. L'Etat qui l'avait commandée à Rosa Bonheur en 1848 pour le musée de Lyon, préféra la conserver à Paris, au musée du Luxembourg. Elle entra ensuite au Louvre à la mort de cette artiste, riche et célèbre, en France, en Angleterre, mais surtout aux Etats-Unis, avant de rejoindre les collections du musée d'Orsay. » (Commentaire musée d’Orsay)

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