Henri Le Sidaner. Le jardin blanc au crépuscule (1924)

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Patrick AULNAS

 

Henri Le Sidaner (1862-1939) connut un succès international considérable dans la première moitié du 20e siècle. Parmi les très nombreux courants picturaux qui se développent au cours de sa vie, l’impressionnisme, le symbolisme et le pointillisme sont ceux qui l’influenceront le plus. Le vocabulaire surabondant des critiques d’art lui décernera parfois le qualificatif de postimpressionniste sentimental.

 

Henri Le Sidaner. Le jardin blanc au crépuscule (1924)

Henri Le Sidaner. Le jardin blanc au crépuscule (1924)
Huile sur toile, 60 × 74 cm, collection particulière.

 

Contexte historique

Du début du 19e siècle au début du 20e, la peinture de paysage a connu plus de bouleversements que pendant les trois siècles précédents. Elle émerge seulement au début du 16e siècle et aspire à représenter la nature en l’déalisant. Le paysage peint doit évoquer de très près le paysage réel, mais aussi le magnifier, conformément à la vocation de l’art : le beau et le vrai. Le néoclassicisme, au début du 19e siècle, puis le réalisme, adhèrent toujours à ce schéma d’ensemble. Le romantisme commence à s’en écarter en utilisant le paysage comme un élément évocateur des émotions et des passions humaines. Le paysage n’est plus le sujet mais l’instrument permettant de communiquer une subjectivité. Le modèle du paysage classique disparaît alors et des compositions hétéroclites apparaissent, au gré de la sensibilité des artistes. La liberté formelle se substitue au modèle académique.

A la fin du 19e siècle, l’impressionnisme et le symbolisme poursuivront sur ce chemin de la subjectivité puis, au début du 20e siècle, des ruptures formelles majeures déboucheront sur le fauvisme, le cubisme et l’abstraction.

Où se situe Le Sidaner ? Il n’adhère pas à la déconstruction formelle des fauves ou des cubistes mais subit l’influence de l’impressionnisme, du divisionnisme ou pointillisme et du symbolisme. Parfois inspiré par ses jardins, il aboutit à des paysages réalistes imprégnés de rêve et de spiritualité.

 

Analyse de l’œuvre

Le jardin blanc au crépuscule est une œuvre de la maturité. L’artiste a alors 62 ans et a créé autour de sa maison de Gerberoy, dans l’Oise, un ensemble paysager remarquable. Le jardin blanc évoque le charme de cette maison et de la nature qui l’entoure. La composition asymétrique juxtapose un massif floral sur la gauche et la maison sur la droite. Le choix d’un coin de jardin impose une composition angulaire, à angle droit, permettant à l’artiste de donner une certaine profondeur à l’ensemble et d’accentuer l’impression d’intimité.

La présence humaine, seulement suggérée par les vitres éclairées, constitue l’une des constantes de la peinture de Le Sidaner. Le peintre conduit ainsi le spectateur à élaborer une narration subjective ayant pour sujet les activités intérieures à la maison. Le choix du crépuscule, et non de la nuit, situe la scène à un moment évanescent, suggérant le passage du temps. La nuit tombera bientôt et les lumières seront éteintes.

 

Henri Le Sidaner. Le jardin blanc au crépuscule, détail

Henri Le Sidaner. Le jardin blanc au crépuscule, détail

 

Le chromatisme restreint vert-blanc permet d’allier nature et spiritualité. Le seul contrepoint de couleur chaude est le jaune des fenêtres éclairées. Dans la civilisation occidentale, le blanc symbolise la pureté, la virginité, la divinité. L’intention spiritualiste d’Henri Le Sidaner apparaît de cette façon, mais sans aucune dimension religieuse manifeste. Là encore, le spectateur reste libre de son interprétation. Un croyant pourra associer ce jardin blanc à la divinité, un non croyant y verra par exemple une sorte de panthéisme reliant la nature, le monde, l’univers en un tout imprégné de spiritualité. C’est probablement cette seconde approche qui est celle du peintre.

La multiplicité des petites touches résulte de l’influence divisionniste, souvent présente dans les toiles de Le Sidaner. Elle permet de créer un flou et une dimension onirique. Sommes-nous face à la représentation du jardin de l’artiste ou s’agit-il d’un rêve de celui-ci ? Les deux évidemment, le propre de la création artistique étant de s’évader du réel pour le recréer par un langage pictural, musical, sculptural ou simplement verbal.

Le postimpressionniste sentimental de Le Sidaner conjugue ainsi avec bonheur l’aspect formel de l’impressionnisme et la dimension spirituelle du symbolisme. Certains artistes de l’époque avaient une volonté farouche de rompre avec le passé en se voulant « d’avant-garde ». D’autres, dont fait partie Henri Le Sidaner, avaient pour vocation de concilier les apports des décennies antérieures pour exprimer leur vision du monde.

 

Quelques compositions de l’impressionnisme tardif

La succession rapide de mouvements artistiques à la fin du 19e siècle et au début du 20e n’est qu’une apparence mise en évidence par l’histoire de l’art. La plupart des peintres restaient attachés à une manière, la leur, et ne s’intéressaient pas aux soi-disant avant-gardismes. Impressionnisme tardif, sans doute, mais plus ou moins influencé par d’autres courants.

 

Émile Claus. Portrait de Jenny Montigny (1902)

Émile Claus. Portrait de Jenny Montigny (1902). Huile sur toile, 106,5 × 89 cm, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles. Jenny Montigny (1875-1937), élève d’Émile Claus au cours de l’été 1893, devient sa maîtresse jusqu’au décès de l’artiste en 1924. Elle le suivra à Londres pendant la première guerre mondiale, bien que la femme de Claus y soit également. Sa peinture emprunte beaucoup au luminisme de Claus. Ce portrait typiquement impressionniste sur un fond végétal indéterminé, met l’accent sur le regard mélancolique.

Joaquín Sorolla. L’heure du bain (1909)

Joaquín Sorolla. L’heure du bain (1909). Huile sur toile, 150 × 150,5 cm, musée Sorolla, Madrid. « Ce sont des œuvres comme celle-ci, dépeignant des scènes de plage, qui ont contribué à forger la réputation de l’artiste, grâce à sa capacité de travailler la lumière et le mouvement. Ce genre de scènes constitue l’apport le plus personnel de Sorolla à son œuvre. Elles révèlent son talent pour représenter l’élément le plus mouvant qui soit : l’eau, en mouvement perpétuel, avec ses jeux de transparence, ses reflets, sa réverbération… Le choix d’un point de vue élevé, qui supprime le ciel et l’horizon, est sans doute un moyen d’éviter l’éblouissement et de mieux analyser toutes les nuances de couleur contenues dans la lumière aveuglante de la plage : blanc, rose, mauve, bleu. » (Commentaire portail Spain is Culture)

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Pierre Bonnard. Paysage du Cannet (1923)

Pierre Bonnard. Paysage du Cannet (1923). Huile sur toile, 47,3 × 39,4 cm, Fondation Bemberg, Toulouse. Les paysages de Bonnard révèlent l’un des plus grands coloristes du 20e siècle. Ce paysage, avec sa ligne d’horizon placée très haut reprend la composition des paysages-monde des flamands du début du 16e siècle (par exemple Joachim Patinir, Paysage avec saint Jérôme, 1515-19). Les multiples détails du paysage se combinent avec la perspective infinie se déployant à l’horizon. Mais ici, la couleur n’est plus descriptive ; elle traduit la vision singulière de l’artiste.

Henri Lebasque. Nu assis sur un canapé près de la fenêtre (1934-35)

Henri Lebasque. Nu assis sur un canapé près de la fenêtre (1934-35). Huile sur toile, 54,6 × 65,4 cm, collection particulière. Cette toile, caractérisée par des influences multiples (impressionnisme, fauvisme en particulier), joue avec les valeurs claires pour capter la lumière du soleil qui inonde la pièce, malgré les volets fermés. En associant un nu, un intérieur et un paysage, Henri Lebasque réalise une composition complexe à la luminosité exceptionnellement subtile. Les couleurs froides et les couleurs chaudes se conjuguent sur tout l’espace pictural.

 

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