Émile Bernard

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Patrick AULNAS

 

Portrait et autoportrait

 

Paul Sérusier. Portrait d’Émile Bernard à Florence (1893)

Paul Sérusier. Portrait d’Émile Bernard à Florence (1893)
Tempera sur toile, 73 × 57 cm, collection particulière.

 

 

Émile Bernard. Autoportrait (1897)

Émile Bernard. Autoportrait (1897)
Huile sur toile, 52 × 42 cm, Rijksmuseum, Amsterdam.

 

 

Biographie

1868-1941

Émile Bernard naît à Lille le 28 avril 1868 dans une famille bourgeoise. Son père travaille dans le négoce du textile, activité qui conduira la famille à s’installer à Paris en 1878. Le jeune Émile s’inscrit à l’école des Arts décoratifs. Il étudie également au collège Sainte-Barbe de Fontenay-aux-Roses. En 1884, il entre à l’école de peinture du peintre Fernand Cormon (1845-1924), appelée Atelier Cormon. Il y côtoie Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901), Vincent Van Gogh (1853-1890) et Louis Anquetin (1861-1932) qui deviendra un ami proche. Mais Émile Bernard, élève particulièrement indiscipliné, est exclu de l’Atelier Cormon en 1886.

Le jeune artiste, qui avait découvert l’impressionnisme à Paris, entame alors un voyage à pied en Normandie et en Bretagne où des peintres se retrouvent régulièrement à Pont-Aven, petite commune du sud du Finistère qui avait charmé le milieu artistique. On appellera par la suite École de Pont-Aven ce groupe d’artistes, initiateurs de certaines variantes du symbolisme (cloisonnisme, synthétisme, nabisme). Il ne faut pas se laisser impressionner par cette terminologie typologique, tout à fait approximative, qui révèle surtout la volonté des artistes de cette époque d’inscrire leur nom dans un courant novateur, voire plusieurs courants successifs. On parlait alors d’avant-garde artistique.

Émile Bernard retourne en Bretagne en 1887 et 1888, à Saint-Briac puis à Pont-Aven, où il rencontre Paul Gauguin (1848-1903). Les deux artistes mettent au point un style qui s’oppose radicalement aux préceptes de l’impressionnisme. On appellera cloisonnisme puis synthétisme cette approche s’inspirant du symbolisme par l’esprit.

 

Émile Bernard. La moisson (1888)

Émile Bernard. La moisson (1888)
Huile sur toile, 56 × 45 cm, musée d’Orsay, Paris.

 

En 1891, Bernard se brouille avec Gauguin, qui apparaît au milieu artistique comme le principal initiateur du synthétisme. Le nom d’Émile Bernard ne figure même pas dans un article du critique d’art Albert Aurier (1865-1892) consacré à ce sujet. Cette même année, Gauguin part en Polynésie et ne renverra pas Émile Bernard. Celui-ci s’installe en Égypte en 1893 et y reste jusqu’à 1904 en entrecoupant son séjour de voyages en Europe. Au Caire, il rencontre une jeune fille pauvre de 15 ans, Hanenah Saati, appartenant à la communauté syriaque orthodoxe. Il en tombe amoureux et décide aussitôt de l’épouser. Le mariage a lieu le 1er juillet 1894. Deux enfants naîtront de cette union. Émile Bernard continue à peindre abondamment et s’oriente vers les scènes de la vie quotidienne égyptienne. Il abandonne progressivement le synthétisme et revient à un académisme stylistique. L’orientalisme avait influencé la peinture française depuis plusieurs décennies et il n’y donc rien de très original dans la démarche du peintre, fasciné par l’Égypte.

 

Émile Bernard. Femmes au bord du Nil (v. 1900)

Émile Bernard. Femmes au bord du Nil (v. 1900)
Huile sur toile, 200 × 300 cm, musée des Beaux-arts de Lille.

 

En février 1904, Bernard revient définitivement en France en abandonnant femme et enfants en Égypte. Il avait rencontré au cours d’un  séjour en Europe Andrée Fort, la sœur du poète Paul Fort, qui devient sa compagne. Le couple aura trois enfants. Dès son retour d’Égypte, Émile Bernard rend visite à Paul Cézanne à Aix-en-Provence. Bernard a compris que Cézanne est un des artistes majeurs de son époque. L’influence de Cézanne apparaît dans la peinture de paysage, les baigneuses et les natures mortes de Bernard. Il renonce dès lors complètement à la peinture dite d’avant-garde, et fonde une revue, La Rénovation esthétique, dans laquelle il préconise le retour au classicisme et manifeste son hostilité aux multiples innovations erratiques de l’époque.

 

Émile Bernard. Jeune fille sur la colline (1904)

Émile Bernard. Jeune fille sur la colline (1904)
Huile sur toile, 63 × 77 cm, Fine Arts Museums of San Francisco.

 

A la mort de son père, en 1911, Bernard hérite d’une somme importante et acquiert un appartement sur l’île Saint-Louis, à Paris. Pour bien marquer son retour au classicisme, il écrit sur la porte de son atelier : Émile Bernard, élève du Titien. Mais le succès public n’étant pas au rendez-vous, il réalise des illustrations d’ouvrages de luxe, par exemple pour Les Amours de Pierre de Ronsard ou Les Fleurs du mal de Baudelaire. Il continue cependant à peindre et une salle lui est même réservée à la Biennale de Venise en 1922. Son Cycle humain, grandes compostions évocatrices de l’humanité, est boudé en France mais apprécié en Italie.

 

Émile Bernard. Le doute (1924)

Émile Bernard. Le doute (1924)
Huile sur toile, 265 × 300 cm, Ca’ Pesaro Galleria Internazionale d’Arte Moderna, Venise.

 

Malgré l’insuccès de ses peintures, Émile Bernard continue à déployer une intense activité. Il devient même un temps marchand de gravures et de tableaux anciens et ouvre une galerie rue Claude Bernard à Paris. Il voyage beaucoup et revient à Pont-Aven en 1939. Intellectuellement, il s’oriente de plus en plus vers le conservatisme et adhère à une forme de catholicisme mystique. Il s’oppose à toute évolution politique et sociale et condamne les tendances artistiques de son époque, puisant son inspiration dans la Bible et la peinture italienne de la Renaissance.

Émile Bernard est fait chevalier de Légion d’honneur en 1936 et entre à l’académie des Beaux-Arts en 1940. Il meurt seul, dans son atelier de l’île Saint-Louis à Paris, le 16 avril 1941.

 

 

Œuvre

Surtout connu comme peintre du courant synthétiste, Émile Bernard est aussi un écrivain. Il a publié des recueils de poèmes, plusieurs romans et de nombreuses chroniques au Mercure de France à partir de 1893. Il a également écrit plusieurs ouvrages de réflexion sur la peinture. Bernard est par ailleurs graveur sur bois. Ses gravures étaient destinées à l’illustration d’ouvrages en édition de luxe : Les Amours de Ronsard (1915), Les Fleurs du mal de Baudelaire (1916), Œuvres de Maistre François Villon (1918), Les Petites fleurs de Saint François de François d'Assises (1928) et L'Odyssée d'Homère (1930). Émile Bernard reste donc dans l’histoire à la fois comme un intellectuel et un artiste.

 

Émile Bernard. Illustration pour Les Fleurs du mal (première page)

Émile Bernard. Illustration pour Les Fleurs du mal (première page)

 

 

Émile Bernard. Illustration pour Les Fleurs du mal (page 49)Émile Bernard. Illustration pour Les Fleurs du mal (page 49)

 

Dans le domaine de la peinture, il fait partie des artistes extrêmement doués capables d’aborder tous les genres : peinture religieuse et mythologique, portrait, paysage, scène de genre et nature morte. Le profil de créateur de Bernard est extrêmement rare au 20e siècle car il se rapproche des grands génies universels de la Renaissance, à la fois artistes et penseurs, tels Léonard de Vinci ou Michel-Ange. Bien sûr, le 20e siècle ne permet plus à un seul homme d’embrasser tout le savoir de l’époque et c’est peut-être pour cela qu’Émile Bernard, en refusant la spécialisation et le jeu assez stérile des courants soi-disant novateurs, fut marginalisé par la critique d’art, souvent à la remorque de la dernière mode.

 

Cloisonnisme et synthétisme

Dès l’âge de 19 ans, en 1887, Émile Bernard met au point avec son ami Louis Anquetin un style pictural basé sur de grands aplats de couleur séparés par d’épais contours, à la manière des images d’Épinal ou des estampes japonaises. Ce style a été appelé cloisonnisme, par référence à la technique de l’émail qui nécessite un cloisonnement des couleurs afin que les pigments ne se mélangent pas. Le cloisonnisme est en rupture complète avec l’impressionnisme, qui tend à dissoudre les formes par de petites touches multiples éliminant les contours. Le cloisonnisme supprime également l’illusion perspectiviste et les ombres, réduisant la composition à des formes simples se découpant nettement sur un fond de couleur pure.

Il est très probable que c’est Gauguin, de vingt ans plus âgé que Bernard, qui fut influencé par le jeune artiste brillant et très cultivé lors de leur rencontre en Bretagne. On appela par la suite synthétisme le fruit de la collaboration des deux peintres. Le synthétisme ajoute à la dimension formelle du cloisonnisme une évolution vers le symbolisme.

 

Émile Bernard. Le pardon (1888)

Émile Bernard. Le pardon (1888)
Huile sur toile, 73 × 92 cm, musée d’Orsay, Paris.

 

Il ne s’agit plus, comme avec l’impressionnisme, d’analyser sur la toile une perception subjective de la nature en allant peindre sur le motif, mais bien au contraire de rechercher une synthèse évocatrice de l’essence du sujet. Cette synthèse s’est inscrite dans la mémoire du peintre qui travaillera en atelier. L’influence des primitifs italiens et de l’estampe japonaise, très à la mode à cette époque, conduit à une composition schématique symbolisant une réalité et s’orientant parfois vers l’abstraction.

 

Le retour au classicisme

La critique de la fin du 19e siècle ne reconnut pas l’apport d’Émile Bernard et attribua au seul Gauguin le mérite de cet avant-gardisme artistique que beaucoup les peintres recherchaient à cette époque. Bernard fut très affecté par cette mise à l’écart et évolua par la suite vers un retour au classicisme. Son travail, riche et diversifié, comporte des nus, des scènes mythologiques sur la condition humaine, des scènes de genre, des natures mortes, des portraits. Ces œuvres sont très peu mises en évidence car elles se situent en marge des grands courants novateurs de la première moitié du 20e siècle (cubisme, abstraction, surréalisme, etc.) mais elles méritent certainement une exploration plus attentive des spécialistes. En voici quatre exemples.

 

Émile Bernard. La fumeuse de haschich (1900)

Émile Bernard. La fumeuse de haschich (1900)
Huile sur toile, 86 × 113 cm, musée d’Orsay, Paris.

 

 

Émile Bernard. Les nymphes, après le bain (1908)

Émile Bernard. Les nymphes, après le bain (1908)
Huile sur toile, 121 × 151 cm, musée d’Orsay, Paris.

 

 

Émile Bernard. Nature morte à la théière et aux oranges (1932)

Émile Bernard. Nature morte à la théière et aux oranges (1932)
Huile sur carton, 56 × 46 cm, collection particulière.

 

 

Émile Bernard. Portrait de Catherine Schwartz (1933)

Émile Bernard. Portrait de Catherine Schwartz (1933)
Huile sur bois, 80 × 60 cm, collection particulière.

 

 

Émile Bernard. Août, verger à Pont-Aven (1886)

Émile Bernard. Août, verger à Pont-Aven (1886). Huile sur bois, 52 × 52 cm, musée des Beaux-arts de Quimper. Émile Bernard passe par une phase pointilliste ou divisionniste avant sa rencontre avec Gauguin, qui déterminera une évolution vers une peinture plus symboliste.

Émile Bernard. Ponts de fer à Asnières (1887)

Émile Bernard. Ponts de fer à Asnières (1887). Huile sur toile, 46 × 54 cm, The Museum of Modern Art, New York. En pleine période de recherche formelle, Émile Bernard applique les principes du cloisonnisme à un paysage urbain. Le progrès technologique permet alors d’utiliser le métal pour des réalisations architecturales ambitieuses. La construction de la Tour Eiffel débute précisément en 1887 et il n’est donc pas surprenant que l’artiste se soit intéressé au sujet. Utilisant des tons froids et des silhouettes noires, Bernard ne donne pas de la ville une vision attractive. Cela ne surprendra pas puisque les symbolistes, nostalgiques d’une spiritualité probablement purement onirique, observaient avec réticence les progrès techniques de leur époque.

Émile Bernard. Portrait du père Tanguy (1887)

Émile Bernard. Portrait du père Tanguy (1887). Huile sur toile, 36 × 31 cm, Kunstmuseum, Bâle. Julien François Tanguy (1825-1894), dit le père Tanguy, est un marchand de couleurs. Sa boutique parisienne accueille les peintres impressionnistes qui peuvent laisser leurs œuvres en dépôt aux fins de commercialisation.  Le père Tanguy figure ainsi parmi les premiers collectionneurs et marchands de tableaux des peintres impressionnistes.

Émile Bernard. Le pardon (1888)

Émile Bernard. Le pardon (1888). Huile sur toile, 73 × 92 cm, musée d’Orsay, Paris. « Émile Bernard peint Le Pardon, dit aussi Les Bretonnes dans la prairie, alors qu’il a tout juste vingt ans, dans une période d’émulation artistique intense marquée par son amitié avec Paul Gauguin.
À l’été 1888, les deux peintres se retrouvent dans le village breton de Pont-Aven. Leur esprit novateur les pousse à s’intéresser à toutes les formes d’art : ils puisent un vocabulaire nouveau dans les émaux, tapisseries et vitraux du Moyen-Âge, l’imagerie d’Épinal ou encore les estampes japonaises. Leur collaboration aboutit bientôt à l’élaboration du synthétisme dont cette toile est l’un des manifestes les plus radicaux. Ce nouveau style se caractérise par la simplification des formes, l’utilisation de couleurs pures posées en aplats et l’emploi d’un cerne foncé pour délimiter les masses.
Émile Bernard fait preuve dans cette toile d’une audace sans précédent : la surface peinte est délibérément ramenée à la plus stricte planéité. La ligne tend à simplifier et séparer les zones colorées du tableau : le trait se met au service de la couleur. Ni ligne d’horizon, ni ciel, ni perspective. Le fond vert sur lequel se superposent les figures en aplat produit un effet de dépouillement accentué par le cadrage resserré qui coupe certains éléments de la composition comme le parapluie rouge ou les deux femmes du premier plan.
Le jeune artiste exécute Le Pardon, dit aussi Les Bretonnes dans la prairie, après avoir assisté le 16 septembre 1888 à la grande fête religieuse du Pardon à Pont-Aven. Quelques jours auparavant, Gauguin avait commencé à peindre un autre chef d’œuvre du synthétisme, La Vision du Sermon. La proximité stylistique entre les deux toiles n'a rien de fortuit puisque les deux peintres y ont travaillé côte à côte.
Quand Gauguin quitte Bernard, le 21 octobre, il emporte Le Pardon, dit aussi Les Bretonnes dans la prairie avec lui pour la montrer à Van Gogh, à Arles. Vivement impressionné, le peintre hollandais en réalise une copie. (Commentaire site du ministère de la Culture français)

Émile Bernard. Madeleine au Bois d'Amour (1888)

Émile Bernard. Madeleine au Bois d'Amour (1888). Huile sur toile, 138 × 163 cm, musée d’Orsay, Paris. « Emile Bernard n'a que vingt ans lorsqu'il peint ce portrait grandeur nature de sa sœur Madeleine âgée de 17 ans. Il la représente allongée dans le Bois d'Amour à l'orée du village breton de Pont-Aven, un bois rendu célèbre par Le Talisman de Sérusier.
Le corps de la jeune fille occupe toute la largeur de la toile divisant la composition en deux parties : un paysage, peint en atelier d'après des études réalisées sur place, occupant les deux tiers de la toile et la jeune gisante également peinte en atelier. Les deux parties coexistent sans unité malgré le parallèle calculé entre l'attitude de Madeleine et la rivière Aven qui coule derrière les arbres. La lumière, la touche, les couleurs sont différentes. Cette maladresse d'un jeune peintre surdoué passe presque inaperçue en raison du caractère symbolique du tableau. Il ne s'agit pas d'une scène réaliste mais d'un portrait aux accents allégoriques de la jeune Madeleine dont Gauguin était tombé amoureux. Elle apparaît plongée dans une rêverie, écoutant les voix divines de la nature.
A cette époque, Emile Bernard et sa sœur sont très proches du chef de file de la nouvelle école "impressionniste et synthétique" qui s'est installé pour peindre à Pont-Aven pendant plusieurs mois. Pour s'éloigner du naturalisme prôné par les Impressionnistes de la génération de 1870, il recommande de peindre par masse et par aplats de couleurs afin de prendre de la distance par rapport au réalisme. Les détails, les effets de volume et de perspective sont sacrifiés au profit d'une vision d'ensemble composée à la manière des estampes japonaises par plans étagés. » (Commentaire musée d’Orsay)

Émile Bernard. La moisson (1888)

Émile Bernard. La moisson (1888). Huile sur toile, 56 × 45 cm, musée d’Orsay, Paris. Le musée d’Orsay indique l’inscription suivante au revers de la toile : « En 1888 je peignis un tableau pour qu'il fût mis dans les cadres de la salle à manger de la pension Gloannec, cadres où les artistes en séjour avaient l'habitude de laisser un souvenir de leur passage. J'avais représenté la moisson d'un champ de blé entouré d'arbres, faite par deux hommes et deux femmes. Par sa nouveauté, par son caractère simplement entier, ce panneau jeta la discorde dans les cinquante pensionnaires et on pria Madame Gloannec de le retirer, ce qui fut fait après qu'on eût lancé sur lui force boulettes de pain et collé des bouts de papier avec des noms connus. Gauguin me demanda le panneau et m'offrit une toile en échange. »

Emile Bernard. La récolte du sarrasin (1888)

Émile Bernard. La récolte du sarrasin (1888). Huile sur toile, 72 × 92 cm, collection Josefowitz, Lausanne. Émile Bernard propose une interprétation très subjective des travaux agricoles avec des céréales jaune-orange. Les paysans bretons avaient conservé depuis le Moyen Âge la culture du sarrasin, adaptée aux terres pauvres. L’artiste représente la récolte de cette céréale à Pont-Aven avec de grands aplats de couleur et une délimitation des figures, seulement esquissées, par des traits noirs très appuyés. Appelé synthétisme par les historiens, ce courant est une variante du symbolisme tout comme la nabisme, dont il est proche.

Émile Bernard. Baigneuses (1889)

Émile Bernard. Baigneuses (1889). Huile sur toile, 47 × 57 cm, musée Thyssen-Bornemisza, Madrid. « Ces Baigneuses, déjà éloignées des motifs bretons pittoresques, conservent les traits essentiels du cloisonnisme […] Le tableau fait partie d’une série d’œuvres peintes par Bernard en 1889 en lien avec une peinture murale (aujourd’hui détruite) sur laquelle l’artiste travaillait à l’époque. L’une d’elles a été exposée pour l’exposition collective tenue cette année-là au Café Volpini, et a été acquise par le poète symboliste et critique Albert Aurier. Le tableau s’inspire des compositions de baigneuses de Cézanne que Bernard a pu voir dans la boutique du père Tanguy. L’ensemble du tableau peut être considéré comme un commentaire subtil de certaines leçons de Cézanne : les contours simplifiés et géométriques, les proportions des figures (dont l’allongement évoque également l’œuvre d’El Greco, redécouvert à l’époque), l’exécution basée sur des touches verticales parallèles qui unifient la surface de la toile comme une tapisserie (Bernard admirait la "facture constructive" de Cézanne), ainsi que les abondantes réserves de toile vierge partiellement recouverte sur les corps des baigneuses. » (Commentaire William Solana, musée Thyssen-Bornemisza)

Émile Bernard. L’Annonciation (1890)

Émile Bernard. L’Annonciation (1890). Huile sur toile, 35 × 47 cm, musée Thyssen-Bornemisza, Madrid. « L’Annonciation est l’un des sujets de prédilection de la peinture religieuse de Bernard (comme de Denis), non seulement en raison du renouvellement de la piété mariale dans le catholicisme le la fin du siècle, mais aussi en hommage aux maîtres italiens de la première Renaissance. Bernard aborde ici le sujet avec une culture iconographique incontestable et avec des inclinations archaïques. Le Protévangile de Jacques rapporte que, lorsque l’archange a annoncé qu’elle serait la Mère du Messie, la Vierge Marie tissait le voile du temple. Le fuseau que tient la Vierge y fait allusion et constitue en même temps, dans la tradition, une métaphore de la gestation. Gabriel, agenouillé sur un nuage, lève les doigts en signe de salutation et tient un bâton de lys comme symbole de pureté. Quant au cadre, il s’inspire de la tradition de la peinture italienne ; si les Flamands et les Allemands plaçaient habituellement l’Annonciation dans un intérieur, les Italiens préféraient la placer dans un jardin, liant ainsi typologiquement l’annonce de la Rédemption à l’Éden, lieu de la Chute.
La facture du tableau est caractéristique de la période "synthétiste" de Bernard, lorsque lui et Gauguin adoptent les touches parallèles de Cézanne. Mais cette facture se combine avec une ressource totalement étrangère au peintre aixois : les contours sinueux, les arabesques linéaires qui préfigurent les conceptions décoratives de l’art nouveau. » (Commentaire William Solana, musée Thyssen-Bornemisza)

Émile Bernard. Abyssine en robe de soie (1895)

Émile Bernard. Abyssine en robe de soie (1895). Huile sur toile, 104 × 74 cm, musée du Quai Branly, Paris. Sous-titré Étude de mulâtresse, c’est-à-dire, selon le vocabulaire en vigueur à l’époque, une femme issue du croisement Blanc-Noir. Le « métissage » était donc regardé comme original car relativement peu courant du fait de la stabilité géographique des populations. L’artiste, en pleine période égyptienne, utilise le contraste rouge-jaune-bleu pour éclairer sa composition par ailleurs conventionnelle.

Émile Bernard. Femmes et enfants au bord du Nil (1897)

Émile Bernard. Femmes et enfants au bord du Nil (1897). Huile sur toile, 180 × 120 cm, collection particulière. Pendant sa période égyptienne, de 1893 à 1904, Émile Bernard réalise de nombreux tableaux du type de celui-ci. Cette scène de la vie quotidienne est traitée d’une manière beaucoup plus conventionnelle que les compositions des années précédentes, lorsque l’artiste était à la recherche de l’innovation formelle. Les couleurs ont été remarquablement choisies pour opposer les tons froids et les tons chauds, mais l’artiste flotte visiblement entre le retour au classicisme, qu’il n’assume pas encore, et un symbolisme conduisant à éluder les détails, par exemple ceux du paysage d’arrière-plan.

Émile Bernard. Les trois races (1898)

Émile Bernard. Les trois races (1898). Huile sur papier marouflé sur toile, 121 × 180 cm, Los Angeles County Museum of Art. Peint pendant la période égyptienne de l’artiste, le tableau renvoie à l’approche de l’époque, qui voyait des « races » dans les différentes nuances de couleur de peau des humains. Les tonalités vont ici du noir à l’ocre clair et l’on serait bien en peine de situer le milieu social et l’origine géographique précise des modèles. Il s’agit surtout de réaliser une composition associant des nus féminins diversifiés évoquant l’exotisme pour l’européen de l’époque. L’arrière-plan textile et les postures évoquent pour l’européen du 19e siècle le mythe du harem, voire même un établissement de prostitution.

Émile Bernard. Femmes au bord du Nil (v. 1900)

Émile Bernard. Femmes au bord du Nil (v. 1900). Huile sur toile, 200 × 300 cm, musée des Beaux-arts de Lille. « Oubliées les anciennes querelles de style qui animaient la vie artistique parisienne, il se lance à corps perdu dans la recherche d’un idéal classique, sublime, intemporel. " L’Orient m’a fait comprendre l’Antiquité, la beauté plastique, le platonisme, les civilisations disparues et adorées " (Émile Bernard, Confidences). Alors quand il prend comme ici sa servante et une marchande d’oranges pour modèles, il en fait des icônes.
Classique ? Oui, et il le revendique. Il soigne la composition, savamment organisée, est attentif à la perspective. A l'instar de Delacroix, il rêve de recréer l'Antiquité et de se confronter à ses modèles : Courbet, Titien, le Greco. Avec le brio qu’on lui connait, Emile Bernard passe délibérément de l'avant-garde à l'arrière-garde. » (Commentaire musée des Beaux-arts de Lille)

Émile Bernard. La fumeuse de haschich (1900)

Émile Bernard. La fumeuse de haschich (1900). Huile sur toile, 86 × 113 cm, musée d’Orsay, Paris. Émile Bernard, bourgeois français, découvre les mœurs de la classe dirigeante égyptienne, y compris la toxicomanie, avec une certaine fascination. La pose du modèle, peu féminine à l’aune des usages occidentaux de l’époque, renvoie à une certaine androgynie, qui pouvait aussi fasciner l’européen. L’artiste revient aux concepts de la peinture occidentale séculaire, c’est-à-dire à la représentation avec perspective et minutie dans l’exécution. Visage, mains, étoffes sont dignes des grands artistes des siècles passés.

Émile Bernard. Jeune fille sur la colline (1904)

Émile Bernard. Jeune fille sur la colline (1904). Huile sur toile, 63 × 77 cm, Fine Arts Museums of San Francisco. Émile Bernard a été influencé par de nombreux artistes sans jamais trouver un style qui lui soit vraiment propre. Ici, l’influence des paysages de Paul Cézanne est patente, tant du point de vue chromatique que compositionnel, avec une recherche géométrique sur le groupe de maisons renvoyant à certaines œuvres du grand peintre d’Aix (voir par exemple Paul Cézanne. Montagne Sainte-Victoire,1882-85, Metropolitan Museum of Art, New York).

Émile Bernard. Les nymphes, après le bain (1908)

Émile Bernard. Les nymphes, après le bain (1908). Huile sur toile, 121 × 151 cm, musée d’Orsay, Paris. L’artiste renoue avec les sujets de la mythologie antique qui avaient la faveur des peintres de la Renaissance. Mais les nymphes de Bernard empruntent davantage aux baigneuses de Cézanne, voire même de Renoir, qu’à celles de Titien, qu’il vénérait pourtant.

Émile Bernard. Nature morte à la cafetière (v. 1910)

Émile Bernard. Nature morte à la cafetière (v. 1910). Huile sur toile, 78 × 65 cm, collection particulière. Émile Bernard peint des natures mortes depuis sa jeunesse. Le genre est apprécié et permet de vendre facilement des tableaux. L’influence de Cézanne est particulièrement nette (voir par exemple Paul Cézanne. Nature morte avec pommes et pêches (v. 1905).

Émile Bernard. Portrait de famille (1920)

Émile Bernard. Portrait de famille (1920). Huile sur toile, 125 × 181 cm, collection particulière. Portrait de famille permet d’apprécier la rupture complète d’Émile Bernard avec les hardiesses de sa jeunesse. A 52 ans, il doit vendre pour vivre et revient donc à ce que la bourgeoisie de l’époque appréciait. Ce portrait sur arrière-plan de paysage s’inspire des compositions de la Renaissance italienne.

Émile Bernard. La sicilienne au bouquet de fleurs (1922)

Émile Bernard. La sicilienne au bouquet de fleurs (1922). Huile sur carton, 82 × 105 cm, collection particulière. Émile Bernard a souvent voyagé en Italie. Cette composition conjugue nature morte et portrait dans une ambiance d’intimité domestique mise en évidence par l’arrière-plan et le fauteuil.

Émile Bernard. Le doute (1924)

Émile Bernard. Le doute (1924). Huile sur toile, 265 × 300 cm, Ca’ Pesaro Galleria Internazionale d’Arte Moderna, Venise. Dans les années 1920, Émile Bernard réalise un ensemble pictural intitulé Le Cycle humain, portant sur des épisodes symbolisant le destin des hommes au regard de leurs rapports avec les dieux. Quatre grands panneaux sur toile sont conçus : La Construction du Temple, Les Héros et les Dieux, Le Christ guérissant les malades, Le Doute. Ces compositions reflètent le questionnement spiritualiste qui n’a jamais quitté l’artiste.
Le doute, dernière œuvre de la série, met en évidence les incertitudes de l’être humain pouvant le conduire vers le péché et le désespoir. La statue de pierre symbolise les réalisations humaines, la civilisation et le progrès technique, que les artistes du courant symboliste rejetaient. Ce questionnement philosophique par l’intermédiation de l’art recevra un accueil négatif en France mais positif en Italie, les toiles ayant été exposées à la Biennale de Venise.

Émile Bernard. Nu à la rivière (1932)

Émile Bernard. Nu à la rivière (1932). Huile sur bois, 124 × 79 cm, collection particulière. Ce nu est un travail non seulement sur la pose mais aussi sur les reflets lumineux sur la peau et la surface de l’eau. La période nacrée d’Auguste Renoir a sans doute joué un rôle dans ces choix. Comme Bernard, Renoir est un artiste qui revient au classicisme après une période impressionniste et postimpressionniste.

Émile Bernard. Nature morte à la théière et aux oranges (1932)

Émile Bernard. Nature morte à la théière et aux oranges (1932). Huile sur carton, 56 × 46 cm, collection particulière. Le style des natures mortes de Bernard reste définitivement emprunté à Cézanne.

Émile Bernard. Portrait de Catherine Schwartz (1933)

Émile Bernard. Portrait de Catherine Schwartz (1933). Huile sur bois, 80 × 60 cm, collection particulière. Émile Bernard comme la plupart des bourgeois de sa génération fréquentait les maisons closes. En 1933, il rencontre une prostituée, Catherine Schwartz dite Rina, et en tombe amoureux. Le questionnement spiritualiste de l’artiste, fervent catholique, l’incite à sauver son nouvel amour de la déchéance. Il raconte son aventure avec Rina dans son livre L'esclave nue : « Le plus grand amour est celui que l'on ressentait dans l'âge mûr pour une fille perdue que l'on veut sauver ».

Émile Bernard.  Lavandières au bord de l'Aven (1940)

Émile Bernard.  Lavandières au bord de l'Aven (1940). Huile sur toile, 101 × 90 cm, collection particulière. Revenu une dernière fois à Pont-Aven en 1939, le peintre renoue avec les scènes de la vie quotidienne des paysans bretons. La composition est désormais très classique et le chromatisme naturaliste avec principalement des noirs, des blancs et des ocres, beaucoup plus proches de la réalité que les couleurs vives de la période synthétiste.

Émile Bernard. Portrait de Madame Marie-Thérèse Mujia-Blanco (1941)

Émile Bernard. Portrait de Madame Marie-Thérèse Mujia-Blanco (1941). Gouache, 59 × 49 cm, collection particulière. Datée du 14 avril 1941 et annotée au dos « Dernière œuvre d’Émile Bernard » (décédé le 16 avril 1941), cette gouache représente une amie du peintre.

 

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Émile Bernard

 

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