Nicolas Régnier
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Patrick AULNAS
Autoportrait
Nicolas Régnier. Autoportrait au chevalet (1620-25)
Huile sur toile, 111 × 138 cm, Harvard Art Museums, Cambridge, Etats-Unis.
Biographie
1588-1667
Nicolas Régnier est baptisé le 9 septembre 1588 à Maubeuge. La ville fait partie du Hainaut, appartenant à cette époque aux Pays-Bas du Sud ou Pays-Bas espagnols. Cette région ne sera rattachée à la France qu’en 1678 par le traité de Nimègue entre Louis XIV et le roi d’Espagne. Bien que la langue néerlandaise domine en Hainaut, la famille Régnier est francophone. La formation de Nicolas Régnier débute à Anvers, de 1610 à 1615, auprès du peintre flamand baroque Abraham Janssens (1575-1632).
Nicolas Régnier. La Diseuse de bonne aventure (v.1626)
Huile sur toile, 127 × 150 cm, musée du Louvre, Paris.
Il part ensuite pour l’Italie et séjourne d’abord à Parme, en 1616-1617, où il figure parmi les peintres de la cour de la famille Farnèse, qui règne sur le duché de Parme. Il quitte probablement Parme pour Rome en 1617. Il y restera jusqu’à 1625. Au cours des années 1620-1621, il travaille à la basilique Sant'Andrea delle Fratte (Saint-André-des-Buissons) avec les peintres néerlandais David de Haen (1585-1622) et Dirck van Baburen (1595-1624) se rattachant à l’école caravagesque. Membre de l’Académie de Saint-Luc, la corporation des peintres et sculpteurs de Rome, il y joue un rôle actif aux côtés de Simon Vouet, lui aussi fortement influencé par le style de Caravage. Son principal mécène, le marquis de Giustiniani (1564-1637), célèbre pour sa collection d’œuvres de Caravage, l’emploie à la décoration de son palais (“pittore domestico”) et lui commande des portraits.
Nicolas Régnier. Portrait d’homme à la guitare (1626-27)
Huile sur toile, 119 × 91 cm, musée de Grenoble.
En octobre 1623, il épouse Cécilia Bezzi, âgée de dix-neuf ans, fille d’un procurateur (gestionnaire des finances publiques). Un fils et quatre filles naîtront de cette union. Ils deviendront tous élèves de leur père et artistes peintres. Le style de Nicolas Règnier évolue dès la fin de sa période romaine. Il abandonne la provocation caravagesque pour retrouver un certain idéal de beauté classique sous l’influence de Guido Reni. La dernière mention de la présence du peintre à Rome date du 22 mars 1625 et concerne une réunion de l’Académie de Saint-Luc chez Simon Vouet.
Nicolas Régnier. Divine inspiration musicale (v. 1640)
Huile sur toile, 120 × 198 cm, Los Angeles County Museum of Art.
Nicolas Régnier quitte Rome pour Venise en 1525. Il s’installe dans la paroisse San Cassiano et y restera jusqu’à sa mort. A son activité de peintre, il adjoint celles d’expert et de marchand d’art. Son voisin à Venise, Paolo del Sera, lui-même marchand et collectionneur, signale dans sa correspondance que Nicolas Regnier fut souvent consulté de 1661 à 1667 pour expertiser des dessins. Régnier est aussi un grand collectionneur possédant des chefs-d’œuvre de Titien ou de Rubens.
Bien que domicilié à Venise, Régnier travailla également à Modène pour la famille d’Este en 1638-1639 et à Mantoue pour les Gonzague en 1639. Il meurt à Venise le 20 novembre 1667.
Œuvre
Dans l’œuvre de Nicolas Régnier, peintre baroque, figurent la plupart des genres picturaux reconnus à son époque : scènes religieuses et mythologiques, portraits, allégories, scènes de genre avec des éléments de nature morte. Cet artiste, longtemps méconnu et redécouvert par Annick Lemoine (*), a effectué toute sa carrière en Italie où il était connu sous le nom de Niccolò Renieri. Il figure parmi les grands artistes du courant caravagesque mais, sous l’influence de Guido Reni, il infléchit son style vers le classicisme entre 1625 et 1630.
Régnier fut membre, dans sa jeunesse romaine, du groupe des peintres d’Europe du Nord, les Bentvueghels, opposés à l’approche traditionnelle de la peinture de l’Académie de Saint-Luc. Aussi a-t-il acquis une réputation d’artiste audacieux et anticonformiste. Le tableau suivant illustre cet aspect :
Nicolas Régnier. Le camouflet (1617-1620)
Huile sur toile, 90 × 116 cm, musée des Beaux-Arts de Rouen.
Mais son talent ne réside pas seulement dans les provocations thématiques du baroque puisqu’il saura associer tout au long de sa vie l’influence de Caravage à la beauté classique pour produire des œuvres magistrales comme ce Saint Sébastien :
Nicolas Régnier. Saint Sébastien soigné par sainte Irène (v. 1650)
Huile sur toile, 171 × 219 cm, Ferens Art Gallery, Kingston upon Hull.
Nicolas Régnier. Saint Jean-Baptiste (1615-20). Huile sur toile, 180 × 1421 cm, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. Jean le Baptiste ou saint Jean-Baptiste est le prophète qui, selon la tradition chrétienne, aurait annoncé la naissance du Christ. En s’inspirant de Caravage, qui avait traité le thème dix ans plus tôt, Régnier modèle le corps du saint par le jeu de l’ombre et de la lumière. |
Nicolas Régnier. Le camouflet (1617-1620). Huile sur toile, 90 × 116 cm, musée des Beaux-Arts de Rouen. « Régnier interprète ici une farce populaire, dénommée le camouflet (ou fumacchio en italien), qui consiste à placer une mèche allumée sous le nez d'une personne endormie (victime ici de l'alcool et du jeu). La farce dénonce le sommeil inconvenant, survenu dans un lieu ou à un moment inappropriés. L'acteur de la plaisanterie est chez Régnier un homme costumé, portant un masque, qui évoque les personnages de la commedia dell'arte et l'univers du carnaval, le temps des dérèglements les plus extrêmes. Régnier semble avoir été le premier à représenter cette farce en peinture. Pour donner plus de force à son invention, il prend soin d'impliquer le spectateur : témoin malgré lui de la mauvaise plaisanterie, il est invité au silence par le geste du farceur, un doigt sur la bouche. » (Commentaire exposition Nicolas Régnier 2017-2018, musée de Nantes) |
Nicolas Régnier. Autoportrait au chevalet (1620-25). Huile sur toile, 111 × 138 cm, Harvard Art Museums, Cambridge, Etats-Unis. « Régnier se représente peignant le portrait d’un homme qui pourrait être le marquis Vincenzo Giustiniani, son principal mécène. Entre 1617 et 1620, Régnier quitte sa Flandre natale pour Rome, où il est le peintre officiel de Giustiniani. Ce double portrait complexe fut peut-être une toile accrochée dans la chambre du marquis au Palazzo Giustiniani. Régnier affirme ici le statut élevé de l'artiste en se présentant avec la prestance étudiée et la tenue de gentilhomme d'un noble appartenant au même cercle social que son mécène. Dans ce portrait d'un artiste peignant un portrait, les deux sujets regardent le spectateur qui, à son tour, a été transformé à la fois en sujet et en observateur de l'œuvre. (Commentaire Harvard Art Museums) |
Nicolas Régnier. Jeune femme versant du vin rouge (v. 1620-25). Huile sur toile, 134 × 94 cm, collection particulière. Le peintre associe scène de genre et nature morte. « Bien qu’aucune nature morte “pure” de Régnier ne soit connue à ce jour, il est pertinent d’affirmer – comme le suggère Lemoine – que l’artiste a accordé dans ses compositions autant d’attention à ses éléments de nature morte qu’aux figures. Ce tableau en est un parfait exemple. La représentation convaincante des textures contrastées constitue un contexte pour la figure de la jeune femme à l’air concentré, versant le vin d’un pichet dans un verre à large bord. La croûte dorée du petit pain contraste avec l’éclat des raisins noirs placés à côté, et les pommes et la poire (cette dernière à la peau meurtrie) se reflètent de manière réaliste dans le plateau d’argent sur lequel elles sont disposées. La nappe blanche sur laquelle repose la nature morte pend librement et le couteau projette une ombre naturaliste sur la roche, tout en servant de motif pour attirer l’observateur dans le tableau. » (Commentaire Sotheby’s |
Nicolas Régnier. Joueurs de cartes et diseuse de bonne aventure (1621-25). Huile sur toile, 175 × 227 cm, Musée d'art et d'histoire, Genève. Cette scène de cabaret illustre un divertissement courant : le jeu de cartes. Cinq personnages sont attablés dont un soldat en armure qui ne doit sa présence qu’au désir de l’artiste de diversifier au maximum les figures. Un homme derrière la table reste dans l’ombre. Quant à la diseuse de bonne aventure, debout en bleu, elle ne joue qu’un rôle secondaire dans la composition. Gros plan sur les figures, fort contraste ombre-lumière, couleurs chaudes avec un contrepoint bleu constituent les éléments principaux de ce style baroque inspiré de Caravage. |
Nicolas Régnier. David et la tête de Goliath (1625). Huile sur toile, 132 × 104 cm, musée des Beaux-Arts de Dijon. Selon le récit biblique, Goliath est un géant philistin qui mit au défi l’armée d’Israël de trouver un homme suffisamment fort pour gagner un duel déterminant l’issue du conflit entre les deux nations. David, jeune berger, relève le défi. Après avoir déclaré qu’il luttait contre Goliath avec l'appui de Dieu, David lui jeta une pierre avec sa fronde. Celle-ci s'enfonça dans le front de Goliath qui tomba à terre. David lui prit son épée et acheva le géant en lui coupant la tête. |
Nicolas Régnier. La Diseuse de bonne aventure (v.1626). Huile sur toile, 127 × 150 cm, musée du Louvre, Paris. « La belle ingénue au teint laiteux, opposée aux peaux mates des bohémiennes, offre sa main afin qu’on lui prédise l’avenir alors qu’une complice de la diseuse de bonne aventure lui subtilise sa bourse. Au dernier plan, l’homme au chapeau à plumes vole quant à lui un coq à la bohémienne. La composition s’organise autour de jeux de mains et de contrastes chromatiques et thématiques, entre la jeune femme incarnant une certaine pureté, opposée à la vielle femme au visage sombre. Cette scène de chiromancie représente le thème moral du dupeur dupé, si souvent peint par les caravagesques, et le regard de l’homme vers le spectateur l’invite à rire de cette scène burlesque qui se joue sous ses yeux. » (Commentaire musée du Louvre) |
Nicolas Régnier. Une allégorie de la sagesse (1626). Huile sur toile, 135 × 105 cm, collection particulière. « Redécouverte récente et remarquable, ce somptueux tableau de Nicolas Régnier comporte une inscription qui le date de 1626, année de son arrivée à Venise. Cette œuvre raffinée est un bel exemple de la période vénitienne de Régnier, et elle montre clairement l’influence des maîtres de la ville, Titien et Véronèse, dans sa palette de couleurs subtiles et son clair-obscur fougueux, ainsi que dans l’inclusion d’un paysage en arrière-plan, une zone que Régnier a plus souvent laissée neutre ou simplement drapée de tissu. Comme dans beaucoup de ses plus belles compositions, l’artiste conjugue nature morte et figure. La figure féminine est traitée délicatement, avec une peau semblable à de la porcelaine et un tissu élégant et transparent, tandis que la nature morte fait apparaître une grande attention aux détails, un équilibre de composition soigné et un reflet très réaliste et habile du crâne dans un miroir. » (Commentaire Sotheby’s) |
Nicolas Régnier. Portrait d’homme à la guitare (1626-27). Huile sur toile, 119 × 91 cm, musée de Grenoble. « Portrait d’homme à la guitare, réalisé vers 1625 à la fin de son séjour romain, se situe à mi-chemin entre le portrait et la scène de genre. Proche de l’un des protagonistes de Joueurs de dés et de La Diseuse de bonne aventure (Galerie des Offices, Florence), le musicien à mi-corps évoque à première vue l’art naturaliste de Manfredi, réputé pour ses peintures de mœurs. Par le traitement en pleine pâte du visage aux lèvres humides et à l’œil pétillant, ce portrait affirme son caractère éminemment flamand. Mais en regard du plus truculent Homère aveugle jouant du violon (1620-23, Stiftung Preussischer Schlösser, Potsdam), vision tragique de l’illustre poète en simple vieillard, Régnier privilégie une mise en page austère et une gamme chromatique restreinte. Il confère ainsi à ce portrait une coloration mélancolique qui n’est peut-être pas étrangère aux préoccupations métaphysiques du cénacle de Giustiniani. Portrait dans le portrait, le reflet du musicien dans le miroir, motif propre aux maîtres de la Renaissance, serait-il une réflexion sur la peinture ? De tous les peintres caravagesques, Régnier est celui qui a le plus accordé de place au portrait. Admirateur de Dürer et de Pourbus, il n’omet jamais d’interpeller le spectateur en prêtant à ses modèles un regard insolent ou interrogateur. » (Commentaire musée de Grenoble) |
Nicolas Régnier. Portrait présumé de Marie Farnèse (v. 1638). Huile sur toile, 139 × 108 cm, collection particulière. « Cette œuvre puissante a été produite durant le séjour du peintre à Modène, où le jeune duc François Ier menait une active politique culturelle dans le but de rétablir le prestige passé de sa famille […] |
Nicolas Régnier. Portrait de le comtesse Vittoria Bulgarini, née Giorgi (1638). Huile sur toile, 72 × 55 cm, Museo civico d’arte di Modena. « L’artiste […] avait été appelé à la cour de Modène par la duchesse Maria Farnese, épouse de Francesco Ier. Pour les ducs d’Este, il a également créé le grand portrait de la famille d’Este aujourd’hui dans le palais ducal de Sassuolo. |
Nicolas Régnier. Divine inspiration musicale (v. 1640). Huile sur toile, 120 × 198 cm, Los Angeles County Museum of Art. D’où vient l’inspiration musicale ? Ce tableau allégorique représente une femme pointant le doigt vers le ciel et expliquant à une violoniste que l’inspiration vient de Dieu. Le lien entre musique et spiritualité remonte à la plus lointaine Antiquité. Pour les hommes du 17e siècle, habitués des cérémonies religieuses avec musique et chant, une telle composition apparaît comme une illustration d’un ressenti communément admis. |
Nicolas Régnier. Allégorie des arts (v. 1640). Huile sur toile, 150 × 215 cm, Museum of Fine Arts, Budapest. Régnier évoque les différents arts en représentant des objets caractéristiques : viole de gambe et luth (musique), sculptures d’inspiration antique, livres (littérature et poésie), toile posée sur la table (peinture). L’architecture est évoquée par le pilier placé à droite. Pour donner de la profondeur à sa composition, le peintre a placé un paysage nocturne à l’arrière-plan. |
Nicolas Régnier. Saint Sébastien soigné par sainte Irène (v. 1650). Huile sur toile, 171 × 219 cm, Ferens Art Gallery, Kingston upon Hull. Sébastien est un martyr victime des persécutions de l’empereur romain Dioclétien au début du 4e siècle après J.-C. Selon la légende, il fut attaché à un poteau et transpercé de flèches. Mais il ne mourut pas et fut soigné par une jeune veuve nommée Irène. Rétabli, il reprocha à Dioclétien sa cruauté envers les chrétiens. L’empereur le fait rouer de coups et fait jeter son corps dans les égouts de Rome. Irène fut brûlée vive. |
Nicolas Régnier. Circé (1650-60). Huile sur toile, 112 × 135 cm, collection particulière. Circé est une magicienne de la mythologie grecque qui, après avoir empoisonné son mari, a dû se réfugier sur l’île d’Ééa. Avec ses philtres, elle métamorphose en animal quiconque aborde sur son île. Le manuel du navigateur, placé sur une étagère, la coupe de poison tenue en l’air, et la tête de sanglier sont des attributs habituels de Circé. |
Nicolas Régnier. Charité romaine (non daté). Huile sur toile, 139 × 171 cm, Galleria Estense, Modène. Sous le titre Charité romaine, de nombreux peintres ont représenté une anecdote extraite de plusieurs œuvres d’auteurs de l’Antiquité romaine, par exemple Pline l’Ancien (23-79). Cimon a été condamné à mourir de faim en prison. Sa fille Péro lui rend visite régulièrement, mais les gardiens s’assurent qu'elle ne lui apporte pas de nourriture. Pourtant, le vieillard ne meurt pas. Un gardien s'aperçoit alors que Péro donne le sein à son père. Celui-ci est alors libéré. |
Nicolas Régnier. Judith avec la tête d’Holopherne (non daté). Huile sur toile, 134 × 96 cm, musée du Prado, Madrid. Récit biblique (Ancien Testament). Pendant le siège de Béthulie, sa ville, par les assyriens, Judith séduit le général assyrien Holopherne puis l’assassine dans son sommeil pour sauver son peuple. Le thème a été traité par de nombreux artistes du courant baroque à cette époque. Il permet d’associer, chose rare auparavant, violence et féminité. |
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(*) Annick Lemoine, historienne de l’art, née en 1969, directrice du Petit Palais à Paris, auteur de Nicolas Régnier, éditions Arthena.
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