Giovanni Segantini

 
 

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Patrick AULNAS

Portraits et autoportrait

Giovanni Segantini. Photographie (1878)

Giovanni Segantini. Photographie (1878)

 

Giovanni Segantini. Autoportrait (1893)

Giovanni Segantini. Autoportrait (1893)
Crayon et encre sur papier, 34,4 × 24,2 cm, Kunstmuseum, Saint-Gall.

 

Giovanni Segantini. Photographie (1899)

Giovanni Segantini. Photographie (1899)

 

Biographie

1858-1899

Une enfance malheureuse (1858-1875)

Giovanni Segantini est né le 15 janvier 1858 à Arco, petite ville du Tyrol du sud qui faisait partie à l’époque de l’Empire austro-hongrois. Il est le second fils d’Agostino Segantini, marchand ambulant, et de Margherita de Girardi. Sa jeunesse est très difficile car son père est en général absent du fait de son activité professionnelle et sa mère souffre de dépression. Elle ne s’est jamais remise du décès de son fils aîné en 1858 à la suite d’un incendie.

La famille vit dans la pauvreté et Giovanni n’est pas vraiment scolarisé. Il restera longtemps analphabète. Margherita de Girardi meurt en 1865. Giovanni, âgé de sept ans, est confié à Irène, fille d’un premier mariage du père. Le père de Giovanni meurt en 1866 au cours d’une tournée commerciale. Irène s’est installée à Milan fin 1865 avec Giovanni pour tenter de survivre en effectuant des tâches diverses.

Pour améliorer la situation, Irène entame des démarches en vue d’obtenir la nationalité italienne, ce qui suppose de renoncer à la nationalité autrichienne. Mais Irène maîtrisant mal le processus juridique, la nationalité autrichienne de Giovanni et de sa demi-sœur leur est retirée sans qu’ils obtiennent la nationalité italienne. Les voilà donc apatrides. Ils le resteront jusqu’à la fin de leurs jours. Giovanni Segantini refusera beaucoup plus tard la nationalité suisse en invoquant son attachement à l’Italie.

La vie de l’enfant à Milan est particulièrement chaotique. Il fugue, fait plusieurs séjours en maison de correction où il apprend les bases du métier de cordonnier. En 1873-74, il travaille chez son demi-frère Napoléon, qui possède une droguerie et un atelier de photographie à Borgo Valsugana, non loin d’Arco, la ville natale de Giovanni.

La formation (1875-1879)

Au cours de l’un des séjours de Giovanni Segantini en maison de correction, un aumônier avait remarqué ses aptitudes pour le dessin et avait encouragé l’enfant. C’est alors que naît l’artiste. En 1875, il retourne à Milan, devient l’assistant d’un peintre-décorateur et suit les cours de l’Académie de Brera (Accademia di Belle Arti di Brera) jusqu’en 1879. Le jeune analphabète montre immédiatement une aisance exceptionnelle pour la peinture et assimile la technique des anciens, puis celle des artistes contemporains. Segantini fréquente en effet à Milan les artistes du mouvement Scapigliatura (bohème), mouvement artistique touchant à la fois la littérature, la musique et la peinture et qui voulait ouvrir l’art italien aux influences étrangères et s’orienter en peinture vers plus de réalisme. Le décorateur Carlo Bugatti (1856-1940) et le peintre Emilio Longoni (1859-1932) sont alors les amis les plus proches de Segantini.

Le premier tableau de Segantini qui connaît le succès est réalisé en 1879. Le chœur de l’église Sant’Antonio Abato à Milan est acheté par la société Belle Arti de Milan, mais le tableau a également été remarqué par le galeriste et peintre Vittore Grubicy de Dragon (1851-1920) qui continuera à soutenir Segantini. Le galeriste fait découvrir au jeune artiste les œuvres d’Anton Mauve et de Jean-François Millet qui l’influenceront beaucoup par la suite.

C’est aussi en 1879 que Segantini rencontre Luigia, la sœur de Carlo Bugatti, surnommée Bice (1863-1938). Leur relation amoureuse sera durable et ils auront quatre enfants, mais ne pourront pas se marier du fait du statut d’apatride de Segantini.

 

Giovanni Segantini. Le chœur de l’église Sant’Antonio Abato à Milan (1879)

Giovanni Segantini. Le chœur de l’église Sant’Antonio Abato à Milan (1879)
Huile sur toile, 119 × 88,5 cm, Gallerie d’Italia, Milan.

 

La vie dans la Brianza (1881-1886)

En 1881, Giovanni Segantini et Luigia Bugatti s’installent dans la Brianza, région italienne située entre Milan et Côme. Le peintre loue une maison à Pusiano puis à Carella, où les paysages ruraux et lacustres l’incitent à peindre en plein air. Il réalise beaucoup de scènes de genre paysannes aux tonalités encore sombres. En 1883, la première version de son Ave Maria pendant la traversée remporte la médaille d’or à l’Exposition universelle d’Amsterdam.

 

Giovanni Segantini. Ave Maria pendant la traversée (1886)

Giovanni Segantini. Ave Maria pendant la traversée (1886)
Huile sur toile, 120 × 93 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz.

 

Grubicy achetant les toiles de Segantini, la famille ne vit pas dans la pauvreté. Elle peut même employer une domestique surnommée Baba (pour Barbara) qui servira de modèle au peintre à de nombreuses reprises. Bice, sa compagne, apprend à lire et à écrire à Segantini, ce qui lui permettra par la suite de rédiger des articles pour les revues artistiques italiennes.

C’est également dans la Brianza que naissent les quatre enfants du couple : Gottardo (1882-1974), Alberto (1883-1904), Mario (1885-1916) et Bianca (1886-1980).

La luminosité des paysages des Grisons (1886-1894)

En août 1886, la famille s’installe à Savognin, village agricole alpin situé dans le canton suisse des Grisons, complètement à l’est du pays. Probablement instruit par Grubicy des évolutions récentes de la peinture, Segantini éclaircit beaucoup sa palette pour peindre les paysages de montagne qui l’entourent. Il commence aussi à utiliser la technique divisionniste (ou pointilliste). Son évolution artistique le place ainsi à l’avant-garde de la peinture de son époque, d’autant que l’influence symboliste a touché Segantini. Le manifeste symboliste, publié en France en 1886, constitue une réaction, littéraire d’abord, puis picturale, au naturalisme et au romantisme. Mais entre un manifeste plutôt verbeux et la pratique artistique, le fossé est large. Segantini utilisera intelligemment l’idée symboliste pour investir ses paysages éclatants d’une dimension spirituelle.

 

Giovanni Segantini. Midi dans les Alpes (Journée venteuse) (1891)

Giovanni Segantini. Midi dans les Alpes (Journée venteuse) (1891)
Huile sur toile, 77,6 × 71,5 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz.

 

Le succès est au rendez-vous. Segantini devient un peintre reconnu par le milieu artistique et les connaisseurs. Au salon des XX de 1890, à Bruxelles, une salle complète lui est réservée. Mais n’ayant pas de passeport du fait du son statut d’apatride, il ne peut se rendre à l’étranger. Il semble d’ailleurs qu’il n’ait pas payé les taxes cantonales parce qu’on lui refusait un passeport. Poursuivi en justice, il quitte Savognin avec sa famille.

La dernière étape : l’Engadine (1894-1899)

En août 1894, la famille Segantini s’installe à Maloja, dans le chalet Kuoni, qui appartient encore à la famille aujourd’hui. Maloja n’était à cette époque qu’un petit hameau situé à 1900 mètres d’altitude. Segantini décrit ainsi ce lieu : « L’endroit dans lequel je vis n’est pas un vrai village, il n’abrite que quatre familles dans toute son étendue, y compris la mienne. »

La réputation internationale de Segantini ne fait que croître dans le milieu de l’art. En 1894, une rétrospective de quatre-vingt-dix de ses œuvres est présentée au Castello Sforzesco  de Milan (château des Sforza, transformé en musée). Son tableau Retour à la maison (Le dernier voyage) reçoit un prix à la première Biennale de Venise en 1895. En 1896, lors d’une exposition à Munich, une salle entière lui est consacrée. La même année, la Neue Pinakothek de Munich achète son tableau Labour (1890).

 

Giovanni Segantini. Retour à la maison (Le dernier voyage) (1895)

Giovanni Segantini. Retour à la maison (Le dernier voyage) (1895)
Huile sur toile, 161,5 × 299 cm, Staatliche Museen, Berlin.

 

Sa dernière œuvre est un triptyque de trois paysages alpins symbolisant la vie, la nature et la mort (1896-1899). A l’origine, il devait s’agir d’un vaste panorama de dimensions monumentales destiné à être présenté en 1900 à l’Exposition universelle de Paris, dans un pavillon conçu par l’artiste. Faute de moyens financiers, le projet dut être abandonné.

 

La salle du Triptyque des Alpes

La salle du Triptyque des Alpes
Segantini Museum, Saint-Moritz

 

C’est en travaillant à ce triptyque que Segantini tombe malade. Le 16 septembre 1899, il monte au Schafberg, dans un refuge de montagne situé à 2731 mètres d’altitude, pour travailler à son tableau La nature. Une péritonite aiguë se déclare et il meurt le 28 septembre dans le refuge. Sa compagne Bice et son fils Mario sont alors à ses côtés. L’inhumation a lieu le 1er octobre 1899 dans le petit cimetière de Maloja. Luigia Bugatti, sa compagne, sera également inhumée dans ce cimetière à sa mort en 1938.

Le musée Segantini à Saint-Moritz

 

Musée Segantini à Saint-Moritz

Musée Segantini à Saint-Moritz

 

Oscar Bernhard, médecin à Saint-Moritz, ami et mécène du peintre, proposa après la mort de Segantini de construire un musée portant son nom. Le projet aboutit à l’ouverture du Musée Segantini en 1908. L’édifice a été conçu par l’architecte Nicolaus Hartmann en s’inspirant du projet de pavillon envisagé par Segantini en vue de l’Exposition universelle de Paris en 1900.

Le musée Segantini propose un site multilingue très bien conçu :

Site Segantini Museum

 

Œuvre

Certains enfants possèdent déjà en eux un potentiel qui leur permettra de créer tout un monde. Rien dans leur vie ne les prédispose à devenir de grands artistes mais le destin semble les pousser sur cette voie. Giovanni Segantini, orphelin pauvre et fugueur, devint en quelques années, avec une facilité déconcertante, un artiste accompli. Il arrive dans l’univers de l’art à la fin de la décennie 1870, c’est-à-dire à un moment où tout change rapidement. L’académisme a été remis en cause par les courants romantique et réaliste. L’impressionnisme est en pleine ascension en France. Segantini commencera par un naturalisme rural proche de celui de Jean-François Millet (1814-1875). Mais le galeriste et peintre Vittore Grubicy de Dragon (1851-1920), à qui il accordera l’exclusivité de son œuvre, lui fait découvrir les tendances émergentes de la peinture, en particulier le divisionnisme ou pointillisme de Seurat et le symbolisme. Il saura conjuguer magistralement la technique divisionniste et l’approche symboliste dans une peinture panthéiste.

 

Giovanni Segantini. Printemps dans les Alpes (1897)

Giovanni Segantini. Printemps dans les Alpes (1897)
Huile sur toile, 116 × 227 cm, The J. Paul Getty Museum, Los Angeles.

 

En passant des scènes de genre paysannes, parfois accompagnées d’une symbolique spirituelle (Ave Maria pendant la traversée, 1886) à des panoramas alpins grandioses, il exprime le fond de son âme. Pour Segantini, peindre un paysage ne consiste pas seulement à restituer une perception singulière du spectacle de la nature, mais à découvrir son sens caché : « Je travaille maintenant passionnément pour arracher le secret de l'esprit de la nature. La nature dit à l'artiste le mot éternel : amour ; et la terre chante la vie au printemps et l'âme des choses se réveille. »

Le Triptyque de la vie, dernière œuvre, constitue à cet égard la synthèse la plus ambitieuse, mais inachevée, du « symbolisme naturaliste » (Robert Rosenblum) de Segantini. La sublime lumière des massifs alpins se conjugue avec la condition humaine – les travaux et les jours – dans des tableaux panoramiques qui aspirent à évoquer la transcendance. Mais c’est aussi l’immanence de Dieu qui apparaît dans ce testament pictural qui se rapproche du panthéisme. Dieu est le monde, l’univers, le tout.

 

Giovanni Segantini. La nature (1897-99)

Giovanni Segantini. La nature (1897-99)
Huile sur toile, 235 × 403 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz.
Analyse détaillée

 

Segantini n’a pas été placé par les critiques et les historiens au niveau des grands novateurs de la fin du 19e siècle. Pourtant, et c’est une exception, le critique d’art français Robert de la Sizeranne (1866-1932) a rendu visite au peintre à la fin de sa vie et lui a consacré un article très élogieux dans la Revue des Deux Mondes de mars 1898 : Le peintre de l’Engadine – Giovanni Segantini. Voici un extrait significatif de l’approche de ce critique :

« Enfin, il a pénétré toute son œuvre du sens profond de l’Humanité. Par son étreinte passionnée, il a uni l’Humanité et la Nature dans ce champ de guerre où elles semblent si hostiles l’une à l’autre, là où tout semble les séparer. Avec Vigny, il dit bien, en se tournant vers l’une :

J’aime la majesté des souffrances humaines…

mais il n’ajoute pas, en se tournant vers l’autre :

Ne me laisse jamais seul avec la Nature…

car il les aime toutes deux, et toutes deux il les a peintes non ennemies, non hostiles, non rivales, mais bien plutôt sœurs, tristes sœurs accomplissant chacune sa tâche douloureuse, soumises l’une et l’autre à la même puissance supérieure que l’une et l’autre ignorent et qui les broie toutes deux. »

 

Huiles sur toile

Giovanni Segantini. Le chœur de l’église Sant’Antonio Abato à Milan (1879)

Giovanni Segantini. Le chœur de l’église Sant’Antonio Abato à Milan (1879). Huile sur toile, 119 × 88,5 cm, Gallerie d’Italia, Milan. « En choisissant une vue en perspective d'un intérieur pour ses débuts, Segantini a suivi l'exemple de Mosè Bianchi et Filippo Carcano dans le domaine du naturalisme lombard, dont il a étudié le travail avec une attention particulière, surtout en ce qui concerne le rendu pictural des effets de lumière. C'est en effet la lumière qui joue le rôle principal dans cette composition. Elle pénètre dans l’église par une haute fenêtre, mais est atténuée par le rideau rouge ; elle laisse ensuite dans l’ombre la grande toile de Saint Antoine d’Égypte et illumine les stalles en bois du chœur. Les combinaisons habiles de différentes nuances de brun restituent l'inclinaison descendante de l'ombre, sous un angle accentué par la disposition verticale de la composition. Le résultat est un travail dans lequel le talent peu commun du jeune peintre donne une indication précoce de la carrière artistique exceptionnelle à venir. » (Commentaire Fondazione Cariplo, propriétaire de l’œuvre)

 

Giovanni Segantini. Portrait de Leopoldina Grubicy (1881)

Giovanni Segantini. Portrait de Leopoldina Grubicy (1881). Huile sur toile, 42 × 35 cm, collection particulière. Segantini n’a réalisé que peu de portraits. Celui-ci date de sa jeunesse, quelques années après sa rencontre avec le galeriste Vittore Grubicy de Dragon qui achètera ses tableaux tout au long de sa vie. Leopoldina est la sœur de Vittore. Ce portrait très resserré fait émerger le visage et l’intensité du regard dans le cadre formé par la chevelure et le col du vêtement.

 

Giovanni Segantini. Paysage avec moutons (1881)

Giovanni Segantini. Paysage avec moutons (1881). Huile sur toile, 44 × 75 cm, Museo Vincenzo Vela, Mendrisio. Ce tableau a été offert par Segantini au peintre italien Spartaco Vela (1853-1895), fils de Vicenzo Vela (1820-1891), sculpteur italo-suisse. Il date de la période que l'artiste a passée dans la Brianza.

 

Giovanni Segantini. Joueurs de cornemuse dans la Brianza (1883-85)

Giovanni Segantini. Joueurs de cornemuse dans la Brianza (1883-85). Huile sur toile, 192 × 107 cm, The National Museum of Western Art, Tokyo. « La Brianza est située dans le nord de l’Italie, le long de la frontière suisse. On pense que cette œuvre a été créée à l'époque où Segantini avait quitté Milan en 1881 pour s'installer dans une ville située au bord du lac de Côme. Trois fermières avec un bébé dans une poussette écoutent deux hommes jouer de la cornemuse, tandis qu’une poule et ses poussins s’éloignent et qu’une vache mange son fourrage à droite de la composition. L'artiste connaissait particulièrement bien et représentait fréquemment les scènes de la vie quotidienne et de la nature dans les régions alpines du Tyrol. » (Commentaire The National Museum of Western Art)

 

Giovanni Segantini. Première messe (1884-86)

Giovanni Segantini. Première messe (1884-86). Huile sur toile, 108 × 211 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz. « Le point focal de cette peinture grand format est la grande volée de marches baroques de l’église de Veduggio, près de Pusiano. Les marches patinées et usées conduisent directement le regard vers le rebord de la marche supérieure ; la transition vers le ciel du matin est extrêmement abrupte. Seul le prêtre, qui – perdu dans ses pensées – gravit les marches, apparaît au-dessus de l’horizon, formant ainsi un lien entre le monde terrestre et le monde céleste. La volée de marches symbolise le voyage à travers la vie, tandis que la lune pâle représente le cycle éternel du jour et de la nuit. » (Commentaire Segantini Museum)

 

Giovanni Segantini. Nature morte aux légumes (1886)

Giovanni Segantini. Nature morte aux légumes (1886). Huile sur toile, 56 × 79 cm, Fine Arts Museums of San Francisco, de Young. Les natures mortes présentent deux avantages pratiques pour l’artiste par rapport au paysage : leur réalisation à l’intérieur et leur petite dimension. Elles sont destinées à une clientèle plus large que les paysages monumentaux. Segantini a peint un certain nombre de natures mortes en se dirigeant là-aussi progressivement vers une palette plus lumineuse. L’exemple ci-dessus permet d’apprécier le rendu des formes et l’utilisation magistrale des couleurs.

 

Giovanni Segantini. Ave Maria pendant la traversée (1886)

Giovanni Segantini. Ave Maria pendant la traversée (1886). Huile sur toile, 120 × 93 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz. Intitulé Ave Maria a Trasbordo, ce tableau comporte deux versions, l’une de 1882, l’autre ci-dessus de 1886. Une famille de bergers effectue au coucher du soleil le transbordement du troupeau d’une rive à l’autre du lac de Pusiano. A cette époque, la cloche de l’église sonnait l’Angélus trois fois par jour pour appeler les fidèles à la prière. La famille doit donc réciter l’Ave Maria, prière connue de tous les chrétiens. L’artiste crée magistralement un univers symboliste qui conjugue la sérénité du paysage lacustre, le réalisme de la scène de genre et l’allégorie religieuse. La femme et son enfant symbolise pour tout observateur connaissant le titre du tableau la Vierge et Jésus. La composition en trois plans horizontaux oppose les courbes des vaguelettes et des arceaux de la barque aux horizontales du rivage lointain. La lumière vespérale englobe totalement la scène de genre paysanne pour l’investir d’une dimension spirituelle. Le peintre recherche ainsi le sacré dans le quotidien.

 

Giovanni Segantini. A l’abreuvoir (1888)

Giovanni Segantini. A l’abreuvoir (1888). Huile sur toile, 84,1 × 141,2 cm, Kunstmusem, Bâle. « A l’abreuvoir a été réalisé au printemps 1888 à Savognin, dans les Grisons, où [Segantini] s'était installé avec sa famille en 1886. La scène de l’abreuvoir entoure un paysage panoramique avec de forts contrastes entre ciel, montagnes enneigées et verts sombres et frais. Pour la représentation de l'herbe au premier plan, Segantini a travaillé avec une nouvelle technique. Il a placé les couleurs sur la toile par petites touches denses, côte à côte et superposées, de sorte que l’œil les perçoive à distance comme mélangées. Il obtint en particulier des informations sur les tendances artistiques nouvelles par l'intermédiaire de son ami, le peintre et marchand milanais Vittore Grubicy de Dragon (1851-1920), qui l'accompagna entre novembre 1886 et mars 1887. Ce style de peinture est appelé divisionnisme. » (Commentaire Kunstmusem)

 

Giovanni Segantini. Les deux mères (1889)

Giovanni Segantini. Les deux mères (1889). Huile sur toile, 280 × 157 cm, Galleria Moderna d’Arte di Milano. « Présenté à la première Triennale de Milan en 1891, aux côtés de Maternité de Gaetano Previati , Les deux mères est une des œuvres les plus célèbres et les plus commentées de Segantini, qui utilise la nouvelle technique révolutionnaire appelée divisionnisme. Cette scène de genre, d'apparence traditionnelle, représente en réalité le premier pas dans la progression de Segantini vers une peinture symboliste. La femme avec son bébé et la vache avec son veau sont érigées en symboles universels de la maternité.
L'étude de l’effet de lumière artificielle, particulièrement le rendu de l'écurie éclairée à la lanterne, confère à cette humble scène une intensité qui ne peut être atteinte que par la technique divisionniste. Inspirée par un sens profond et sincère de l'observation, cette scène est traitée par des touches filamenteuses de couleurs distinctes, des couleurs pures appliquées directement sur la toile. L'effet final est une œuvre dont la signification dépasse la réalité et aspire à représenter une image universelle des origines de la vie. » (Commentaire Galleria Moderna d’Arte)

 

Giovanni Segantini. Labour (1890)

Giovanni Segantini. Labour (1890). Huile sur toile, 116 × 227 cm, Neue Pinakothek, Munich. « Deux agriculteurs labourent un champ avec un attelage de chevaux, qui s'étend au premier plan du paysage ensoleillé. Au fond de la vallée apparaissent les maisons du village de Savognin, derrière lesquelles les montagnes enneigées s'élèvent dans le ciel bleu sans nuages. Le long format horizontal de l'image est accentué par la structure du paysage qui ressemble à un panorama. Le thème du labour difficile et de la rude traction des chevaux soulignent également le caractère horizontal de la composition.
Segantini a axé sa peinture sur les conditions de luminosité, l'air de la montagne et la fraîcheur de la haute montagne. Cependant, les principes de peinture néo-impressionniste, développés peu avant 1890 en France, ne lui suffisent plus pour décrire l'atmosphère claire. Il a appliqué les couleurs par touches courtes ou plus longues, individuellement et non mélangées les unes aux  autres, de manière à ce que la surface produise déjà à une courte distance une unité lumineuse inondée de lumière. »  Commentaire Neue Pinakothek)

 

Giovanni Segantini. Midi dans les Alpes (Journée venteuse) (1891)

Giovanni Segantini. Midi dans les Alpes (Journée venteuse) (1891). Huile sur toile, 77,6 × 71,5 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz. « La lumière rayonnante du soleil, qui atteint son apogée à midi, fait miroiter le paysage. Dans le ciel bleu vibrant, deux oiseaux volent contre le vent, ce qui a inspiré le titre original du tableau, Journée venteuse. La faucille pâle de la lune constitue une allusion à la nuit. La figure de la jeune bergère forme un contrepoint vertical aux plans horizontaux qui composent le paysage. Ce paysage semble extrait d'une image beaucoup plus grande – un panorama avec figure s'étendant du centre vers le haut. Le regard scrutateur de la bergère vers les lointains suggère la vue panoramique. » (Commentaire Segantini Museum)

 

Giovanni Segantini. Midi dans les Alpes (1892)

Giovanni Segantini. Midi dans les Alpes (1892). Huile sur toile, 80 × 86 cm, Ohara Museum of Art. La composition en deux plans horizontaux juxtapose l’herbage à dominante jaune et le ciel bleu. Ces couleurs complémentaires accentuent la luminosité. Les ombres étroites de la bergère, de l’arbre et des moutons indiquent la quasi-verticalité du soleil. Il est midi. Le peintre a choisi un horizon élevé et un effet de contreplongée, comme s’il observait la scène en contrebas, sur la pente de la montagne. L’harmonie entre l’homme et la nature n’est pas absente. Mais elle n’est pas une idéalisation totalement rêvée comme dans la peinture paysagère arcadienne, tradition italienne de plusieurs siècles. Segantini évoque le dur labeur des montagnards profitant d’un instant de repos et d’un rayon de soleil. Il utilise en l’adaptant librement la toute récente technique divisionniste, particulièrement apparente dans le traitement de la prairie herbeuse. La tonalité jaune-vert provient de la juxtaposition de touches longues comme des filaments de peinture, et non d’un mélange.

 

Giovanni Segantini. Pâturages alpestres. (1893-94)

Giovanni Segantini. Pâturages alpestres. (1893-94). Huile sur toile, 278 × 169 cm, Kunsthaus, Zurich. « Le tableau Pâturages alpestres est la dernière représentation monumentale des hautes Alpes réalisée pendant les années passées à Savognin, dans les Grisons. Pour parvenir à saisir le lac de Tigiel, Segantini s’est astreint à faire chaque jour une marche de plusieurs heures. Malgré ces efforts, le résultat n’a rien d’une simple copie de la nature, et c’est en vain qu’on chercherait sur place ces espaces extrêmement vastes, ces paysages qui s’étendent à perte de vue, ni même les sommets représentés.
Pourtant, à partir de ces éléments, Segantini crée un paysage majestueux, presque cosmique. La répartition des ombres et des lumières souligne la composition horizontale du tableau. Une ligne de crête ensoleillée traverse l’image dans toute sa largeur et crée une sensation d’infini, où l’homme paraît perdu. Le personnage du berger épuisé renvoie à cette nature impitoyable et immuable. Une chaleur brûlante accable les animaux et la végétation. Pour obtenir cet effet, Segantini a utilisé sa propre technique picturale, forgée sous l’influence de la théorie divisionniste. » (Commentaire Kunsthaus)

 

Giovanni Segantini. Retour à la maison (Le dernier voyage) (1895)

Giovanni Segantini. Retour à la maison (Le dernier voyage) (1895). Huile sur toile, 161,5 × 299 cm, Staatliche Museen, Berlin. « Retour à la maison revient sur une expérience personnelle de Giovanni Segantini : dans les Grisons, il avait vu "comment une famille avait ramené son fils mort à la maison sur un chariot" (F. Servaes, Giovanni Segantini, Vienne 1902, p.170). A l’arrière-plan apparaît une chaîne de montagnes près de Maloja dans la Haute Engadine, où Segantini séjourne depuis 1894. Comme dans beaucoup de ses dernières peintures, il a associé la représentation de la nature de haute montagne et des habitants qui y vivent et y travaillent pour créer des paraboles symboliques et existentielles de l'intériorité religieuse. Dans le cadre horizontal de Retour à la maison, tout symbolisme superficiel s’écarte au profit d’une conception scénique simple mais à grande échelle. L’expressivité de l’image repose sur la rigueur de la composition, avec les parallèles entre le chemin et le groupe au premier plan, par ailleurs vide, et la chaîne de montagnes enneigée, majestueuse et très lointaine. » (Commentaire Staatliche Museen)

 

Giovanni Segantini. Printemps dans les Alpes (1897)

Giovanni Segantini. Printemps dans les Alpes (1897). Huile sur toile, 116 × 227 cm, The J. Paul Getty Museum, Los Angeles. « Contrairement aux touches pointillistes de Seurat, Segantini emploie de longs et minces traits de couleur contrastante. La richesse de l'empâtement et la qualité tactile, presque tissée, de la surface peinte restituent à merveille la transparence croustillante de l'atmosphère, la dureté des rochers, l'épaisseur de l'herbe et la rugosité de la peau des animaux.
"Printemps dans les Alpes est un joyeux hymne au cycle de la vie et au réveil de la nature au printemps, après un hiver long et difficile", a déclaré Davide Gasparotto, conservateur en chef des peintures au Getty. "C’est un travail extraordinairement accompli où le symbolisme et le naturalisme sont inextricablement liés. Segantini lui-même l’a compté parmi ses chefs-d'œuvre absolus. Panoramique par son ampleur et sa luminosité étonnante, Printemps dans les Alpes est l’un des plus grands tableaux du 19e siècle italien en Amérique. Il s’agit d’une œuvre emblématique qui élargit notre capacité à raconter l’histoire de la peinture européenne du 19e siècle". » (Communiqué de presse J. Paul Getty Museum)

 

Triptyque des Alpes

En 1897, Segantini forme le projet d’un vaste panorama des Alpes, de dimensions monumentales, destiné à être présenté en 1900 à l’Exposition universelle de Paris, dans un pavillon conçu par l’artiste. Faute de moyens financiers, le projet ne pourra être mené à son terme. Mais trois toiles subsistent, dénommées Triptyque des Alpes ou Triptyque de la vie, de la nature et de la mort.

L’artiste cherche dans les vastes paysages alpins une symbolique spirituelle autour des thèmes du devenir (La vie), de l’être (La nature) et de la disparition (La mort). Le travail exceptionnel sur la lumière associé à un divisionnisme très maîtrisé hisse ces œuvres au plus haut niveau de l’art du paysage.

Analyse détaillée

Giovanni Segantini. La vie (1896-99)

Giovanni Segantini. La vie (1896-99). Huile sur toile, 190 × 322 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz. « Ce paysage est un panorama de Soglio, du côté opposé de la vallée, avec la chaîne de montagnes Sciora et le glacier Bondasca en arrière-plan. Les derniers rayons du soleil du soir tombent sur les sommets des montagnes. Le premier plan est déjà dans une ombre profonde ; la lune qui se lève se reflète dans le petit étang au milieu de l’image. Une jeune femme avec un enfant est assise sur les racines d’un grand arbre. Au centre de la scène, un berger utilise son bâton pour ramener un veau vers le troupeau, tandis qu'à droite, deux femmes portant leurs bébés sur le dos se frayent un chemin. Selon Segantini, la scène dépeint "la vie avec tous les éléments qui ont leurs racines dans la Terre Mère". » (Commentaire Segantini Museum)

 

Giovanni Segantini. La nature (1897-99)

Giovanni Segantini. La nature (1897-99). Huile sur toile, 235 × 403 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz. « L'horizon bas et régulier délimite la terre et le ciel. Le soleil vient de se coucher derrière les montagnes et ses derniers rayons se diffusent à travers la vaste étendue de ciel et l'inondent de lumière. Ils introduisent une atmosphère de piété dans la scène tranquille et paisible d’une journée de travail presque terminée. Au premier plan, un couple de paysans conduit les vaches et leurs veaux sur un sentier de montagne pour les ramener à l’étable. La vue s'étend depuis le Schafberg, au-dessus de Pontresina, jusqu’à la chaîne de montagnes et plonge dans la vallée jusqu'aux lacs et aux maisons de Saint-Moritz. » (Commentaire Segantini Museum)

 

Giovanni Segantini. La mort (1896-99)

Giovanni Segantini. La mort (1896-99). Huile sur toile, 180 × 322 cm, Segantini Museum, Saint-Moritz. « Selon Segantini, cette image est destinée à représenter "l’évidence de la mort de toute chose". Le choix de la saison souligne le thème de la mort. Dans le paysage enneigé de Maloja, en direction du Val Maroz dans la région de Bregaglia, des femmes en deuil et un enfant attendent tandis qu’un cadavre, enveloppé dans un linceul de lin, sort de la maison. Un cheval attelé à un traîneau se tient prêt à porter le corps au cimetière. Le soleil du matin vient de se lever au-dessus des montagnes et rayonne sur un étrange et mystérieux groupe de nuages, évoquant une présence céleste et une nouvelle vie après la mort. » (Commentaire Segantini Museum)

 

Dessins

Giovanni Segantini. La bergerie (1887)

Giovanni Segantini. La bergerie (1887). Fusain et craie sur papier, 32 × 45,5 cm, Dublin City Gallery The Hugh Lane.

 

Giovanni Segantini. Le soir (Pâturages) (1886-88)

Giovanni Segantini. Le soir (Pâturages) (1886-88). Craie noire et blanche sur papier, 52 × 93 cm, Galerie nationale, Prague.

 

Giovanni Segantini. Le dernier labeur du jour (1891)

Giovanni Segantini. Le dernier labeur du jour (1891). Crayon et crayon de couleur sur papier vélin, 36,5  × 56 cm, musée d’Orsay, Paris.

 

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GIOVANNI SEGANTINI

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