Eugène Boudin
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Patrick AULNAS
Portraits
Photographie d'Eugène Boudin à Deauville-Trouville (juin 1896)
Biographie
1824-1898
La jeunesse normande
Eugène Boudin naît en 1824 à Honfleur, port de Normandie, proche du Havre. Son père est marin de commerce sur la ligne maritime Le Havre-Hambourg et sa mère femme de chambre sur des bateaux de commerce. Eugène fréquente une école catholique du Havre. Lorsque la famille s’installe au Havre en 1835, le jeune Eugène a 11 ans. Son père le place comme mousse sur un bateau reliant le Havre à Honfleur, soit un trajet de 10 km.
Cette initiation à la vie de marin sera de courte durée. Dès 1836, il est employé comme commis chez l’imprimeur havrais Joseph Morlent puis chez le papetier-encadreur Alphonse Lemasle. Cette activité ne lui déplaît pas puisqu’en 1844, il décide de créer son propre commerce de papetier-encadreur avec un associé, Jean Acher, ancien contremaître de Lemasle. Le commerce est fréquenté par des artistes (écrivains, peintres, musiciens). Ce sont les arts graphiques qui vont attirer le jeune homme, qui commence à dessiner. Jean-François Millet (1814-1875), lui-même normand, de passage au Havre, l’encourage. Thomas Couture (1815-1879), grand maitre de l’académisme et professeur respecté, l’incite à apprendre la peinture.
Eugène Boudin. La plage à Trouville (1884)
Huile sur bois, 13,7 × 23,4 cm, National Galleries of Scotland, Édimbourg.
L’apprentissage
En 1846, Boudin a 22 ans. Il cède sa part du fonds de commerce pour se consacrer entièrement à son art. Il commence par s’inscrire à l’École municipale de dessin du Havre. Pour vivre, il peint des scènes de genre, des natures mortes et quelques portraits pour la bourgeoisie locale. En 1848, il voyage en Belgique et aux Pays-Bas et découvre les grands maîtres flamands et néerlandais.
Le potentiel d’Eugène Boudin a été repéré par plusieurs personnes influentes. Le conservateur du musée du Havre, Adolphe-Hippolyte Couveley (1802-1867), également peintre de marines, intervient en sa faveur auprès du conseil municipal du Havre pour l’octroi d’une bourse d’étude. Les soutiens de Thomas Couture, du peintre Constantin Troyon (1810-1865) et de l’écrivain Alphonse Karr (1808-1890) permettront l’obtention d’une bourse annuelle de 1200 francs pendant trois ans. Boudin doit, en contrepartie, faire parvenir chaque année des tableaux de sa main au musée du Havre.
En juin 1851, le jeune peintre arrive à Paris et s’inscrit dans l’atelier du peintre Eugène Isabey (1803-1886) ainsi qu’au musée du Louvre comme copiste. Outre ses copies des maîtres flamands du Louvre, Boudin continue à peindre et à vendre des natures mortes afin de compléter ses ressources.
La recherche d’un style
A partir de 1855, Eugène Boudin voyage beaucoup. Il alterne les séjours à Paris et à Honfleur, où il prend pension à la ferme-auberge Saint-Siméon, mais se rend également en Bretagne : Saint-Quay-Portrieux, Douarnenez, Tréboul. Son travail ne le satisfait pas et il détruit de nombreuses toiles mais s’oriente peu à peu vers sa vocation : la représentation des rivages marins, des bateaux, des ports. Il note dans son journal en 1855 : « Je suis enfin affranchi des plus pressants. J'ai bien encore à subir des tourments de toutes sortes mais la nécessité qui rend stupide a disparu. »
La première exposition Boudin a lieu à Paris en 1857. La même année, il vend aux enchères au Havre une trentaine de toiles représentant des paysages locaux. En 1858, il rencontre dans la boutique havraise du papetier Gravier un jeune homme qui y expose des caricatures. Il s’agit de Claude Monet, alors âgé de 18 ans. L’influence de Boudin sur Monet sera déterminante. Il emmène le jeune caricaturiste le regarder peindre sur le motif dans les environs du Havre, et c’est alors que Claude Monet comprend la peinture. « Je le regarde plus attentivement, et puis, ce fut tout à coup comme un voile qui se déchire : j’avais compris, j’avais saisi ce que pouvait être la peinture. » (*)
Le roi des ciels
En 1859, Boudin expose pour la première fois au salon annuel organisé par l’Académie des Beaux-arts. Il présente une scène de genre bretonne, Le pardon à Sainte-Anne-la-Palud, qui attire l’attention de Baudelaire (1821-1867). La même année, il rencontre Gustave Courbet (1819-1877). Les deux grands artistes sont sensibles aux paysages marins de Boudin. Courbet séjourne même à Honfleur, que Boudin lui fait découvrir, et il y peindra plusieurs toiles. Boudin fréquente également, avec Monet, le peintre hollandais Johan Jongkind (1819-891), précurseur de l’impressionnisme. Le soutien de telles personnalités ne peut que conforter l’artiste dans une voie qui ne lui permet de vivre que très pauvrement. Car le succès tarde.
Mais au début des années 1860 apparaît la mode des bains de mer. L’aristocratie et la haute bourgeoisie parisiennes se rendent l’été sur la côte normande. Deauville et Trouville deviennent des stations très prisées. Boudin commence alors à réaliser des tableaux de petites dimensions, saisis sur le motif, représentant les promenades, les conversations, les activités de ces personnes fortunées. Si le public représenté ne comprend absolument rien à cette peinture exquise, mais trop novatrice à son goût, la critique remarque aussitôt le jeune peintre et l’applaudit. Tant et si bien que Boudin se prend à rêver de fortune et écrit en 1863 : « On aime mes petites dames sur la plage et d’aucuns prétendent qu’il y a là un filon d’or à exploiter. »
Eugène Boudin. Sur la plage, coucher de soleil (1865)
Huile sur bois, 38,1 × 58,4, Metropolitan Museum of Art, New York.
Analyse détaillée
Certains de ces tableaux sont des œuvres magistrales, comme ce coucher de soleil associant les estivants conversant sur la plage et une étude remarquable de la lumière vespérale. Les ciels de Boudin feront l’admiration des plus grands et Jean-Baptiste Corot (1796-1875) l’appellera « le roi des ciels ».
En janvier 1863, Eugène Boudin épouse Marie-Anne Guédès, rencontrée à Hanvec, commune bretonne proche de Brest. Le mariage a lieu en Bretagne, mais le couple vient vivre à Paris dès février.
Un impressionniste qui s’ignore
Boudin parvient désormais à vivre de son travail de peintre. La critique le remarque et Zola lui-même, défenseur de Claude Monet, est élogieux à son égard. Il participe à la première exposition impressionniste en 1874, mais ne se considère pas comme un membre du mouvement. L’aisance financière lui permet de voyager en Belgique, aux Pays-Bas et en Italie. Il expose régulièrement à Paris. En 1886, le grand marchand d’art Paul Durand-Ruel (1831-1922) organise à New York une exposition destinée à faire connaître les impressionnistes aux États-Unis. Plusieurs toiles de Boudin sont sélectionnées.
Lors de l’exposition universelle de Paris en 1889, ses tableaux Les lamaneurs et Coucher de soleil obtiennent la médaille d’or. Le décès de son épouse, la même année, l’affecte profondément. La dernière décennie de sa vie restera cependant très productive. Il passe les hivers dans le sud de la France et travaille en plein air. En 1895, il visite Venise. En 1898, malade, il demande à être transporté dans sa villa de Deauville où il décède le 8 août. Selon ses vœux, il est inhumé au cimetière Saint-Vincent de Montmartre.
Œuvre
La rencontre d’Eugène Boudin et de la peinture est-elle le fruit du hasard ou de la nécessité ? Nul ne peut répondre à cette question. Mais le jeune papetier de Honfleur était, de par sa profession, en contact avec des peintres venant acheter du matériel et même exposer dans son magasin. Le magnifique paysage maritime environnant et la profonde évolution de la peinture au milieu du siècle feront le reste. La vocation d’Eugène Boudin repose ainsi sur la conjonction du talent qu’il sentait en lui et du milieu, qui le portait vers une des peintures paysagères les plus poétiques de l’histoire.
Il commence par vendre quelques portraits et surtout des natures mortes, très appréciées à l’époque. Mais le succès viendra des scènes de plage prises dans les stations balnéaires normandes, devenues des royaumes de l’élégance parisienne, selon le souhait du duc de Morny, le demi-frère de Napoléon III. Des figures d’estivants chics apparaissent sous un ciel immense à la Jacob van Ruisdael, la plage et la mer n’occupant que le tiers inférieur du tableau, le tout dans une ambiance lumineuse translucide. Le style est nettement impressionniste, même si l’artiste n’appartient pas au mouvement contestataire de l’époque. Trop discret, trop modeste pour hausser le ton, la personnalité de Boudin le limite, mais, en même temps, donne à son œuvre une dimension émotive unique.
Eugène Boudin. La plage à Trouville (1893)
Huile sur toile, 56 × 91 cm, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
La tradition veut que ce soit Corot qui le fasse « roi des ciels », mais Boudin écrit lui-même que telle était son ambition. « C’était mon idéal faire des grands ciels… mais le peintre propose et le ciel s’y oppose. Et dire que les gens croient la peinture facile. » (**) Son goût pour l’étude de la lumière précède celui de Claude Monet, de même que la pratique des séries, consistant à peindre le même paysage à différents moment de la journée ou de la saison afin de restituer les variations de la lumière.
Eugène Boudin. Barques et estacade (1890-1897)
Huile sur toile, 40 × 55 cm, musée d’art moderne André Malraux (MuMa), Le Havre.
Sur le plan chromatique, les œuvres les plus caractéristiques sont dominées par les nuances de gris, de gris-bleu et d’ocre de la plage et une atmosphère vaporeuse. Dans les années 1890, les formes se dissolvent, les touches rapides suggèrent le mouvement et la gamme chromatique se diversifie. Le peintre évolue, comme son disciple Claude Monet, vers la non figuration.
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Eugène Boudin. Le Pardon de Sainte-Anne-la-Palud au fond de la baie de Douarnenez (1858). Huile sur toile, 91,5 × 151,5 cm, musée d’art moderne André Malraux (MuMa), Le Havre. « Eugène Boudin (1824-1898) découvre la Bretagne en 1855 et y séjourne de manière régulière pendant trois ans. […] Lors de son second séjour, effectué en 1857, l'artiste assiste au spectacle du pardon de Sainte-Anne-la-Palud, l'une des fêtes religieuses et populaires les plus importantes de la région, qui se tient traditionnellement le dernier week-end d’août. Il voit là l'occasion de peindre son premier tableau de Salon. […] L'œuvre est présentée au Salon de Paris de 1859, où elle est remarquée par Baudelaire, qui en parle comme d' « un fort bon et fort sage tableau ». Premier envoi de l'artiste, cette peinture marque son entrée sur la scène artistique officielle. » (Commentaire MuMa)
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Eugène Boudin. Sur la plage, coucher de soleil (1865). Huile sur bois, 38,1 × 58,4, Metropolitan Museum of Art, New York. « La magistrale et convaincante représentation des effets de lumière par Boudin, comme sur ce coucher de soleil, a profondément influencé le jeune Claude Monet. » (Notice Metropolitan Museum of Art)
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Eugène Boudin. Le quai du Havre (1887). Huile sur bois, 32 × 41 cm, Fitzwilliam Museum, Cambridge. Les voiliers à quai sont superbement suggérés par quelques lignes verticales et horizontales.
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(*) Daniel Wildenstein, Monet ou le triomphe de l’impressionnisme, éditions Taschen.
(**) Musée Jacquemart-André, dossier de presse, exposition Boudin 22 mars - 22 juillet 2013
Commentaires
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- 1. Philippe GIESBERGER Le 04/03/2020
remarquable exposé . Serions nous autorisés en vous citant à reprendre des parties de votre recherche en vue de présenter le peintre au cours d'une activité culturelle ?-
- rivagedebohemeLe 04/03/2020
Bien sûr. En citant l'auteur.
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