Pierre et Pierre-Antoine Patel
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Patrick AULNAS
Pierre Patel. Le repos pendant la fuite en Égypte (1635)
Huile sur cuivre, 41 × 50 cm, musée du Louvre, Paris.
Biographie
Pierre Patel (1605-1676)
Pierre Patel est né à Chauny, petite commune de l’actuel département de l’Aisne, au sud de Saint-Quentin. Il a été baptisé le 14 novembre 1605. On sait peu de choses de sa famille sinon que son père était maçon. Sa formation reste également conjecturale. Entre 1610 et 1620, la construction du château de Blérancourt, à une dizaine de kilomètres de Chauny, mobilisait architectes, sculpteurs et peintres de premier plan comme Martin Fréminet (1567-1619), peintre maniériste de l’école de Fontainebleau. Il n’est pas interdit de penser que le jeune Pierre Patel se soit rendu sur le chantier. Son goût pour les paysages avec architectures antiques pourrait provenir de ce premier contact avec l’art.
Certains auteurs ont évoqué ensuite un séjour à Rome, mais comme il n’existe dans l’œuvre de Patel aucun monument antique réel pris pour modèle, mais seulement des représentations imaginaires, ce séjour à Rome paraît peu vraisemblable.
Il se marie à Paris le 23 février 1632, à l’âge de vingt-six ans, avec Marguerite Verdier. Le contrat de mariage indique qu’il exerce la profession de peintre. Cinq enfants naîtront de cette union, dont deux poursuivront l’activité paternelle : Jacques (1635-1662) et Pierre-Antoine (1648-1707). En 1635, Pierre Patel obtient la maîtrise de peinture et sculpture et entre dans la corporation des peintres et sculpteurs de Paris, dite Académie de Saint-Luc.
Pierre Patel travaille ensuite dans l’atelier de Simon Vouet (1590-1649), peintre très célèbre sous le règne de Louis XIII. Vouet réalisant de nombreux décors peints dans les hôtels particuliers de l’aristocratie parisienne, il doit employer des collaborateurs. Patel exécute les paysages.
Dans les années 1640, Patel travaille pour Eustache Le Sueur (1616-1655), toujours pour la décoration d’hôtels particuliers parisiens. Il subsiste aujourd’hui deux paysages de Patel réalisés pour l’hôtel de Jean-Baptiste Lambert de Thorigny, président de la Chambre des Comptes, qui possédait une fortune considérable.
L’Hôtel Lambert, sur l’Île Saint-Louis à Paris, aujourd’hui
Voici l’un de ces deux paysages, figurant parmi les chefs-d’œuvre de l’artiste :
Pierre Patel. Paysage composé avec ruines antiques (1646-47)
Huile sur toile, 73 × 150 cm, musée du Louvre.
Dans la décennie 1650, Patel commence à signer ses tableaux et collabore à nouveau avec Le Sueur à la décoration de la Chambre des Muses de l’hôtel Lambert. Sa renommée est importante puisqu’en 1660, il reçoit une commande royale de deux paysages destinés à orner l’appartement occupé au palais du Louvre par Anne d’Autriche (1601-1666), épouse de Louis XIII puis régente de France après le décès du roi.
Pierre Patel. Moïse enterrant sous le sable l’Égyptien qu’il avait tué (1660)
Huile sur toile, 94 × 84 cm, musée du Louvre.
Dans la dernière décennie de sa vie, Pierre Patel réalise pour la royauté une série de vues des résidences royales. Il meurt le 5 août 1676.
Pierre-Antoine Patel (1648-1707)
Pierre-Antoine est le plus jeune fils de Pierre Patel. Il naît à Paris le 22 novembre 1648 alors que son père est déjà âgé de 43 ans. Élève de son père, il se spécialise également dans les paysages avec ruines antiques. En 1677, iI devient membre de l’Académie de Saint-Luc, la corporation des peintres et sculpteurs parisiens. Il décède à Paris le 15 mars 1707.
Œuvre
Spécialisé dans le paysage, Pierre Patel peut être rattaché à un sous-courant du classicisme français qualifié d’atticisme par les historiens de l’art. Le mot provient du terme Attique, qui désignait le territoire de la cité antique d’Athènes, mais aussi d’un courant littéraire de l’Antiquité grecque recherchant une expression fine et épurée. En peinture, l’atticisme est épris de pureté des lignes et de limpidité de l’atmosphère. La référence à l’Antiquité se manifeste par la présence de ruines dans les paysages. La modération esthétique et expressive, la rigueur de la composition caractérisent ce courant dont le chef de file fut Eustache le Sueur (1616-1655) et l’un des représentants principaux Laurent de la Hyre.
Nous connaissons aujourd’hui une cinquantaine de tableaux de Pierre Patel ainsi que des dessins. Pierre-Jean Mariette (1694-1774), historien de l’art et collectionneur, avait appelé Pierre Patel le « Claude Lorrain de la France ». Il est vrai que Patel s’inspire de Claude Lorrain pour le traitement de la lumière. Mais l’utilisation systématique de ruines antiques ne correspond pas au registre esthétique de Claude Lorrain. Selon Natalie Coural, Pierre Patel appartient à un groupe de paysagistes parisiens de la première moitié du 17e siècle qui « développent alors une formule originale de représentation de la nature : l’accord subtil entre le végétal et la ruine, avec des effets savants de perspective atmosphérique, en est l’un des traits les plus originaux. » (*)
Pierre-Antoine Patel ou Patel le Jeune réalise également des paysages avec ruines antiques en accentuant parfois le côté mystérieux de la nature : arbres aux branches tortueuses et ciels menaçants. Il est aussi l’auteur d’une série de douze tableaux représentant les mois de l’année.
Pierre-Antoine Patel. Paysage d'hiver avec pont et château (1693)
Gouache sur parchemin, 15,9 × 27 cm, University Art Museum, Princeton.
Comme tous les paysages idéalisés, ceux des Patel cherchent à représenter le locus amoenus antique, lieu idyllique de pure harmonie entre les hommes et la nature. Les ruines indiquent que cet âge d’or appartient au passé. Cette peinture infiniment poétique continue de nous charmer. Elle retrouvera la faveur des amateurs d’art à la fin du 18e siècle, avec le courant néoclassique. En France, Hubert Robert, lointain successeur de Pierre Patel, fut surnommé Robert des ruines.
Pierre Patel |
Pierre Patel. Paysage avec chasse aux canards (1632-1676). Huile sur bois de chêne, 13,4 × 17,2 cm, musée Thomas Henry, Cherbourg. Ce paysage non daté est considéré comme la première peinture connue de Pierre Patel. L’influence des peintres flamands, en particulier Paul Bril (1554-1626), apparaît dans le choix du sujet (un paysage animé par une scène réaliste) et dans la composition (scène de chasse au premier plan avec arbres, milieu aquatique, architecture, ciel). Ces petits tableaux étaient très appréciés de la bourgeoisie parisienne au 17e siècle.
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Pierre Patel. Paysage avec trois personnages devant une cascade (1632-1676). Huile sur bois de chêne, 13,3 × 17,1 cm, musée Thomas Henry, Cherbourg. Cette peinture, également non datée et très similaire à la précédente, appelle les mêmes remarques.
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Pierre Patel. Paysage avec ruines (1632-76). Huile sur toile, 59 × 85,5 cm, Museum of Fine Arts, Springfield. Non daté. D’inspiration très proche du précédent, ce paysage se caractérise par une vue panoramique et le puissant contraste ombre-lumière. L’horizon s’évanouit dans une lumière vespérale. Patel juxtapose des couleurs complémentaires pour accentuer la luminosité : bleu du ciel et jaune du soleil couchant.
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Pierre Patel. Paysage de ruines avec un grand escalier (1632-76). Huile sur toile, 46 × 67 cm, musée des Beaux-arts de Valence. Non daté. La composition de ce paysage sera souvent reprise par l’artiste. Une perspective profonde vers l’horizon est encadrée par une ruine et des arbres. De petits personnages apparaissent pour animer le tableau et donner une idée des proportions. L’élément aquatique peut être présent ou non.
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Pierre Patel. Paysage avec deux hommes ensevelissant un cadavre (1632-76). Pierre noire, craie blanche, encre brune sur papier, 14 × 21,1 cm, musée du Louvre, Paris. Comme Claude Lorrain, Patel était un dessinateur de grand talent. Ce dessin pourrait être en rapport avec l’épisode religieux de l’ensevelissement des morts par Tobie (ou Tobit), obscure anecdote extraite du Livre de Tobie (Ancien Testament)
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Pierre Patel. Le repos pendant la fuite en Égypte (1635). Huile sur cuivre, 41 × 50 cm, musée du Louvre, Paris. Il s’agit à nouveau d’un épisode biblique mille fois représenté depuis le 15e siècle. Le roi Hérode Ier de Palestine, ayant appris la naissance à Bethléem du roi des Juifs, donne l’ordre de tuer tous les enfants de moins de deux ans se trouvant dans la ville. Prévenu par un songe, Joseph s’enfuit en Égypte avec l’enfant Jésus et sa mère Marie. Ils y resteront jusqu’à la mort d’Hérode. La perspective atmosphérique est ici très apparente : le ciel et la terre s’éclaircissent progressivement en approchant de la ligne d’horizon et ils deviennent d’un bleu-gris pâle rendant le paysage lointain indistinct. |
Pierre Patel. Paysage dans la campagne romaine (v. 1635). Huile sur toile, 40,7 × 60,6 cm, Ashmolean Museum, Oxford. Pierre Patel n’ayant probablement jamais été à Rome, il s’agit d’une campagne romaine imaginaire. Il est inutile de chercher à préciser le lieu exact. Il n’existe pas. A la même époque exactement, Claude Lorrain peignait aussi des paysages romains (par exemple Le Campo Vaccino de Rome,1636), mais inspiré de la réalité, car il vivait à Rome.
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Pierre Patel. Paysage de ruines avec la chute d'Antiochus (1640-45). Huile sur toile, 93,5 × 140,5 cm, musée de Picardie, Amiens. Il s’agit d’un paysage idéalisé. Mais le 17e siècle plaçant la peinture mythologique et religieuse au sommet de la hiérarchie des genres, Patel utilise un épisode biblique (Maccabées 9, 1-7) comme anecdote. Antiochus est un souverain séleucide qui « veut faire payer aux juifs l’injure de ceux qui l’avaient mis en fuite ». Monté sur son char, il proclame : « Arrivé à Jérusalem, je ferai de cette ville la fosse commune des Juifs ». Mais, rapporte la légende biblique, « le Dieu d’Israël le frappa d’une plaie incurable et invincible ». Malgré son arrogance, « il tomba soudain du char qui roulait avec fracas, le corps entraîné dans une chute malheureuse, et tous les membres tordus. » Sur la toile de Patel, on aperçoit sur la gauche le char et Antiochus gisant à terre.
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Pierre Patel. Paysage composé avec ruines antiques (1646-47)
Pierre Patel. Paysage composé-le voyageur (1646-47)
Ces deux tableaux décoraient le Cabinet de l’Amour de l’hôtel Lambert où Pierre Patel a travaillé avec toute une équipe réunie par Eustache Le Sueur. Voici, à leur sujet, le commentaire de Natalie Coural, l’une des plus éminentes spécialistes de la famille Patel : « Ces deux paysages de Patel […] comptent parmi les chefs-d’œuvre de l’artiste et contiennent l’essentiel de ses qualités picturales : une organisation de l’espace fondée sur une rigoureuse répartition entre les horizontales et les verticales, une place prépondérante concédée aux ruines antiques, aux sculptures et bas-reliefs évoquant une antiquité fictive ; les plans d’eau, les marais parsemés de joncs et de roseaux, les arbres, au feuillage ciselé comme une dentelle, adoucissent l’ensemble. L‘utilisation de la lumière est particulièrement subtile et Patel rejoint les recherches de certains de ses contemporains sur la perspective atmosphérique en essayant de faire sentir l’air autour des formes ; il en résulte une atmosphère limpide avec des effets lumineux doux et froids, une lumière claire et légèrement bleutée, une gamme colorée chantante avec des tons sonores de bleu myosotis, de rouge ou de jaune qui contrastent avec des blancs, des beiges, des gris-vert. » (*)
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Pierre Patel. Paysage avec le Christ et un centurion (1652). Huile sur toile, 77 × 134 cm, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. Ce paysage est illustré par un épisode biblique rapporté dans le Nouveau Testament. « Un centurion avait un serviteur auquel il était très attaché, et qui se trouvait malade, sur le point de mourir ». Le centurion envoya à Jésus un groupe de juifs afin de lui demander de guérir son serviteur : « Seigneur, ne prends pas tant de peine; car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. C’est aussi pour cela que je ne me suis pas cru digne d'aller en personne vers toi. Mais dis un mot, et mon serviteur sera guéri ». Jésus répondit : « "Je vous le dis, même en Israël je n'ai pas trouvé une aussi grande foi". De retour à la maison, les gens envoyés par le centurion trouvèrent guéri le serviteur qui avait été malade ». (Évangile selon saint Luc, chapitre 7, versets 1 à 10)
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Pierre Patel. Paysage italien (1656). Huile sur cuivre, 31 × 45 cm, collection particulière. Ce tableau, signé et daté en bas à gauche, (P. PATEL / 1656) n’est pas plus italien que les paysages du peintre avec scène religieuse. Mais Patel remplace ici les personnages bibliques par paysans conduisant leurs animaux.
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Pierre Patel. Moïse enterrant sous le sable l’Égyptien qu’il avait tué (1660). Huile sur toile, 94 × 84 cm, musée du Louvre. Ce paysage servait de dessus de porte dans l’appartement d’Anne d’Autriche au palais du Louvre, résidence royale. Patel construit sa composition comme un jeu de lumière. L’ombre du premier plan contraste fortement avec la luminosité intense provenant de l’horizon, assurant également un effet de perspective atmosphérique. Claude Lorrain, établi à Rome, était le grand spécialiste des cet éclairage en contre-jour.
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Pierre Patel. Vue du château et des jardins de Versailles, prise de l'avenue de Paris (1668). Huile sur toile, 115 × 161 cm, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles. Réalisé sur commande royale, ce paysage topographique conserve toute la limpidité caractéristique de Patel, avec une animation par une multitude de petits personnages. Le château est loin d’être achevé en 1668 puisque Louis XIV poursuivra les travaux jusqu’en 1710.
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Pierre-Antoine Patel |
Pierre-Antoine Patel. Paysage avec Diane chasseresse (1683). Huile sur carton, 27 × 55 cm, musée du Louvre, Paris. Ce paysage est construit comme les paysages-monde des artistes flamands du début du 16e siècle (par exemple, Joachim Patinir, Paysage avec saint Jérôme, 1515-19). P-A Patel utilise une divinité antique pour animer son paysage. Diane (Artémis pour les grecs) est la déesse de la chasse et de la lune. Elle est la fille de Jupiter (Zeus) et de Latone (Léto) et la sœur jumelle d’Apollon. Son père Jupiter l’arma d’un arc et de flèches.
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Pierre-Antoine Patel. Paysage d'hiver avec pont et château (1693). Gouache sur parchemin, 15,9 × 27 cm, University Art Museum, Princeton. Ce paysage d’hiver, très inspiré de la peinture flamande et hollandaise, se rapproche des paysages fantastiques du 16e siècle (Paul Bril).
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Pierre-Antoine Patel. Le mois d’avril. Pêcheurs et chasseurs (1699). Huile sur toile, 44 × 64 cm, musée du Louvre, Paris. Le début du printemps est illustré par les activités traditionnelles de l’époque. La nature n’est pas seulement belle, elle est aussi utilitaire.
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Pierre-Antoine Patel. Le mois de janvier. Effet de neige (1699). Huile sur toile, 44 × 65 cm, musée du Louvre, Paris. Les ruines cèdent ici la place à des bâtiments fonctionnels appartenant à une petite agglomération.
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Pierre-Antoine Patel. Paysage avec ruines et personnages (1700-07). Huile sur toile, 104 × 86 cm, musée national de Varsovie. Proche des peintures paternelles, ce paysage s’en différencie par son format vertical et l’importance accordée à la partie sombre du tableau, qui recouvre presque les deux-tiers de la composition.
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(*) Natalie Coural. Pierre Patel, peintre des ruines (1605-1676). Société académique de Chauny.
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