Pierre Mignard. La Vierge à la grappe (1655-57)

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Patrick AULNAS

Pierre Mignard, l’un des plus grands artistes du classicisme français, connut le succès en Italie avec ses Vierges à l’Enfant, qui furent qualifiées de Mignardes. La Vierge à la grappe du Louvre est très représentative de cette production. 

 

Pierre Mignard. La Vierge à la grappe (1655-57)

Pierre Mignard. La Vierge à la grappe (1655-57)
Huile sur toile, 121 × 94 cm, musée du Louvre, Paris
Image HD sur MUSÉE DU LOUVRE

Contexte historique

Lorsqu’il peint ce tableau, Pierre Mignard vit encore à Rome. Il revient en France en 1658, rappelé par Louis XIV, qui n’acceptait pas qu’un peintre français célèbre dans toute l’Europe échappât à son pouvoir. Nicolas Poussin y parvint, mais pas Mignard. Ce dernier a choisi la tradition classique du 16e siècle et rejeté le baroque. La célébrité de ses Vierges résulte de ce choix qui correspondait à une esthétique connue et appréciée des amateurs d’art.

Le Louvre fournit des informations détaillées sur La Vierge à La grappe. Il existe trois autres versions du même sujet. Les deux premières ont été peintes par Mignard pour le roi d’Espagne et pour Jacques François Léonor de Goyon (1689-1751), comte de Matignon et duc de Valentinois. La troisième était mentionnée dans l’inventaire après décès de Pierre Mignard. La version du Louvre appartenait à la collection de Louis XIV.

Le sujet a été abondamment traité au 16e siècle sous forme de peintures et de sculptures. La grappe de raisin évoque pour les chrétiens le sang du Christ et donc sa crucifixion.

 

Analyse de l’œuvre

L’inspirateur du style de cette Vierge à la grappe est Raphaël (1483-1520). Le grand artiste a peint de multiples Vierges à l’Enfant au cours de sa brève carrière. En voici trois :

Raphaël. Madone Conestabile (1504)       Raphaël. La Vierge à la chaise (1513-14)       Raphaël. La Vierge à la rose (1518-20)

Raphaël. Madone Conestabile (1504)
Tempera sur bois transférée sur toile,
diamètre 17,9 cm,
musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg.

Raphaël. La Vierge à la chaise (1513-14)
Huile sur bois, diamètre 71 cm,
Palais Pitti, Florence.

Raphaël. La Vierge à la rose (1518-20)
Huile sur bois transférée sur toile,
103 × 84 cm,
musée du Prado, Madrid.

 En partant d’une composition encore proche de celles du 15e siècle avec la Madone Conestabile, Raphaël parvient à une Vierge très douce et très maternelle à la fin de sa vie. La Vierge de Pierre Mignard semble directement inspirée de La Vierge à la rose : voile couvrant les cheveux, paupières baissées, enfant jouant avec un objet, gestuelle de tendresse. Mignard sécularise complètement l’image de la Vierge en abandonnant l’auréole au-dessus de la tête des figures saintes. La Mignarde ne comporte donc plus aucune symbolique explicite permettant de rattacher les personnages à la religion. Un non chrétien, ignorant tout du récit biblique, pourrait y voir une mère proposant du raisin à son enfant. Le cadre (chaise, table, corbeille de fruit) correspond à un intérieur de la noblesse ou de la haute bourgeoisie de l’époque. L’enfant écarte le voile maternel pour observer fixement l’observateur du tableau, comme sur La Vierge à la chaise de Raphaël où l’on retrouve également la même oreille en bois sculpté à l’extrémité supérieure du montant de la chaise.

 

Pierre Mignard. La Vierge à la grappe, détail

Pierre Mignard. La Vierge à la grappe, détail

 

Pour les chrétiens du 17e siècle, il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait d’une Vierge. Pour eux, le raisin évoquait le sacrement de l’Eucharistie, rite catholique selon lequel le corps et le sang du Christ sont représentés par le pain et le vin. Au cours de la messe catholique, le prêtre présente à Dieu le pain et le vin pour célébrer cette Eucharistie. Les croyants eux-mêmes communient en ingérant une hostie (petite rondelle de pain azyme) représentant le corps du Christ. Ces pratiques religieuses étant tout à fait courantes au 17e siècle, la symbolique du tableau de Mignard ne pouvait échapper à personne.

Il n’en demeure pas moins que l’humanisation complète de la Vierge et de l’Enfant rapprochait la scène religieuse de la vie quotidienne et permettait une identification. Cette complexité émotionnelle comportant à la fois l’évocation d’un sacrement religieux bien connu et la présence esthétique de la tendresse maternelle a conduit à la gloire internationale des Mignardes. Le musée du Louvre cite à cet égard l’abbé Mazière de Monville, auteur en 1745 d’une Vie de Pierre Mignard :

« Il y a peu de bons cabinets tant en Italie qu’en France où l’on ne conserve quelques-unes des Vierges que Mignard peignit à son retour de Venise. François de Poilly en a gravé plusieurs : partout où l’on estime les arts, elles sont estimées ; on les a appelées les Mignardes du nom de leur auteur »

 

Autres compositions sur le même thème

Le thème de la Vierge à l’Enfant avec une grappe de raisin est très présent dans la peinture et la sculpture du 16e siècle, mais remonte certainement à une période antérieure. Voici quelques exemples de ces réalisations pour le 16e siècle. Pierre Mignard reprend donc une composition bien connue, mais il a l’habileté de la traiter comme un tableau de Raphaël, considéré par les classiques du 17e siècle comme le maître absolu.

 

Cranach l'Ancien. Vierge à l'Enfant avec une grappe de raisin (1509-1510)

Cranach l'Ancien. Vierge à l'Enfant avec une grappe de raisin (1509-1510). Huile sur bois, 72 × 44 cm, musée Thyssen-Bornemisza, Madrid. Cette Vierge pensive au visage rond, très différente des madones italiennes, permet à Cranach d'associer avec brio les couleurs chaudes et les couleurs froides.

Maître au Perroquet. La Vierge à l'Enfant à la grappe de raisin (1500-1550)

Maître au Perroquet. La Vierge à l'Enfant à la grappe de raisin (1500-1550). Huile sur bois, 32,5 × 26,5 cm, collection particulière. Le Maître au Perroquet est un peintre non identifié, actif à Anvers pendant la première moitié du 16e siècle. Son appellation provient du perroquet représenté sur certaines de ses peintures.

Quentin Metsys. Vierge aux raisins (1500-1600)

Quentin Metsys. Vierge aux raisins (1500-1600). Huile sur bois, 54 × 39 cm, musée du Louvre, Paris. Le Louvre n’attribue pas formellement le tableau à Metsys, mais peut-être à un suiveur de l’artiste.

Marcellus Coffermans. Vierge au raisin (v. 1570)

Marcellus Coffermans. Vierge au raisin (v. 1570). Huile sur bois, 98 × 73 cm, musée d’Art et d’Histoire, Genève. « Le peintre que l’on retrouve à Anvers entre 1549 et 1578-1579, se spécialise dans la production de série de panneaux de dévotion privée. » (Commentaire musée d’Art et d’Histoire)

Sculpteur inconnu. Vierge à l'Enfant dite au raisin (v. 1530)

Vierge à l'Enfant dite au raisin (v. 1530). Bois sculpté, polychromé et doré, dos ébauché, hauteur 110 cm, Val de Loire, collection particulière.

 

 

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