Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Deux paysages néoclassiques : Cava et Grenoble (1785-90)

 
 

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Patrick AULNAS

Grand artiste du paysage néoclassique, Jean-Joseph-Xavier Bidauld devint célèbre dans toute l’Europe au tout début du 19e siècle. Les deux petits tableaux présentés ci-après ont sans doute été peints lors de son séjour en Italie de 1785 à 1791 ou sur la route du retour.

 

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Vue du pont et de la ville de Cava (1785-90)

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Vue du pont et de la ville de Cava (1785-90)
Huile sur toile, 20,5 × 27,5 cm, J. Paul Getty Museum, Los Angeles.
Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE

 

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Grenoble (v. 1790)

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Grenoble (v. 1790)
Huile sur toile, 40 × 52 cm, collection particulière.
Image HD sur WIKIMEDIA

Contexte historique

Au début du 18e siècle, le classicisme français, qui avait dominé sous le règne de Louis XIV (1638-1715), est supplanté par le style rococo, sorte de baroque revisité par la légèreté française. Le rococo restera le style officiel pendant tout le règne de Louis XV (1710-1774). Mais le classicisme fait son retour dans la décennie 1760 à la suite des découvertes archéologiques importantes faites en Italie (Pompéi en particulier) et de l’influence de certains historiens de l’art, comme Johann Joachim Winckelmann (1717-1768), qui considèrent l’art de l’Antiquité comme insurpassable. On parlera de néoclassicisme.

La peinture de paysage suit l’évolution générale. Alors que le rococo s’accompagnait de paysages inspirés de la peinture baroque nordique (par exemple, Antoine Watteau. Pèlerinage à l'Île de Cythère, 1717), le néoclassicisme retrouve la prééminence du dessin et la recherche de la beauté idéale. Mais ce ne fut qu’un intermède de courte durée. Le paysage idéalisé, qui devait être plus beau que nature, ne résistera pas aux assauts du réalisme pictural à partir de la décennie 1830.

Les tableaux de Bidauld, comme ceux de Pierre-Henri de Valenciennes, représentent donc le dernier instant du paysage idéal. Même lorsqu’ils concernent des sites existants, ces paysages doivent se rapprocher du locus amoenus antique, chanté par les poètes, lieu idyllique où règne une nature accueillante et une parfaite concorde entre les hommes.

Ces deux toiles voient le jour à la fin de la monarchie ou au tout début de l’ère révolutionnaire. Les révolutionnaires de 1789 voyaient dans le rococo le signe de la décadence monarchique et dans le néoclassicisme le retour de la rigueur à la fois esthétique et morale. Nous sommes bien loin de ces appréciations ancrées dans une époque révolue et pouvons désormais apprécier les deux.

 

Analyse des œuvres

Cava de’ Tireni est une petite ville de l’actuelle province de Salerne, rattachée au 18e siècle au royaume de Naples. Le magnifique panorama montagneux qui l’entoure a séduit Bidauld, qui en a fait des esquisses et plusieurs peintures. Il présente en effet les caractéristiques recherchées par les néoclassiques : une nature généreuse accueillant les réalisations humaines dans une parfaite harmonie. Le massif montagneux majestueux domine la composition, les éléments d’architecture apparaissant noyés dans le milieu naturel.

 

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Vue du pont et de la ville de Cava, détail

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Vue du pont et de la ville de Cava, détail

 

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Vue du pont et de la ville de Cava, détail

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Vue du pont et de la ville de Cava, détail

L’artiste privilégie les couleurs froides, les nuances de vert n’étant atténuées que par quelques feuillages jaunes et le brun des troncs d’arbres. Paradoxalement, ce paysage italien transmet une impression de fraîcheur qui ne résulte ni de l’altitude de Cava (seulement 200 mètres), ni du climat typiquement méditerranéen, mais de la pluviosité plus forte dans cette vallée et probablement du choix de la saison par le peintre.

Le second paysage représente la petite ville de Grenoble, située comme Cava, à une altitude de 200 mètres. A la fin du 18e siècle, la commune comptait environ 20 000 habitants. Bidauld choisit pour Grenoble une vue urbaine, mettant en évidence l’Isère, la rivière qui traverse l’agglomération. Alors que la vue de Cava est un panorama lointain, dépourvu de figures humaines, l’agglomération grenobloise se découpe nettement derrière un premier plan où apparaissent des promeneurs, des baigneurs et des travailleurs.

 

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Grenoble, détail

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Grenoble, détail

Les berges de l’Isère encadrent la petite ville rose et blanche. Une allée d’arbres à droite et un bosquet à gauche soulignent la perspective. Le massif montagneux, à l’arrière-plan, permet de comprendre que nous sommes dans une vallée. Le chromatisme est plus diversifié que celui du paysage italien : rose pâle de la ville, ocre de la terre, vert des arbres, gris des massifs, bleu du ciel. Ce paysage de montagne produit ainsi une impression de douceur estivale, ce que confirme la baignade dans l’Isère.

 

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Grenoble, détail

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Grenoble, détail

Bidauld a choisi pour les deux compositions une luminosité douce venant du fond du tableau, technique du contre-jour, qu’il emprunte à Claude Lorrain. Il recouvre les lointains d’un léger voile brumeux lui permettant d’atténuer la source lumineuse et d’accentuer ainsi l’impression de quiétude. La perspective atmosphérique apparaît également dans les deux cas par l’éclaircissement progressif des tonalités de vert ou de gris lorsque l’on se dirige vers l’horizon. La ligne d’horizon, jonction lointaine entre ciel et terre, est l’élément le plus clair des tableaux.

 

JJean-Joseph-Xavier Bidauld. Vue du pont et de la ville de Cava, détail

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Vue du pont et de la ville de Cava, détail

 

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Grenoble, détail

Jean-Joseph-Xavier Bidauld. Grenoble, détail

Au début du 21e siècle, ces petits paysages néoclassiques possèdent tout le charme des pays lointains, tels que les rêvent les enfants et les poètes. D’abord parce qu’ils témoignent d’un savoir-faire artisanal qui s’est largement perdu ; ensuite parce qu’ils reposent sur le concept artistique d’idéalisation de la beauté de la nature, également évanoui ; enfin parce qu’ils symbolisent une mentalité positive, une volonté de s’élever, qui contraste avec l’épouvantable négativité de l’art contemporain, dont nous devons aujourd’hui subir les méfaits.

 

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Huile sur toile, 60,5 × 92 cm, Musée de Grenoble.

 

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