Retour aux sources du libéralisme

25/05/2025

Patrick AULNAS

L’évolution géopolitique mondiale suscite des craintes chez les occidentaux. Le monde occidental, qui se vivait comme le fer de lance de la lutte pour la liberté, est confronté à de puissantes résistances autocratiques. La Chine, la Russie et l’Iran apparaissent comme les leaders du rejet de la liberté. Il est évidemment impossible de déterminer l’opinion des populations de ces pays puisqu’elles vivent dans la servitude. Les sondages n’ont qu’une signification limitée : ils mesurent les orientations d’individus subissant quotidiennement la propagande officielle. Les dictateurs ne donnent la parole qu’à ceux qui défendent le pouvoir en place et ils utilisent systématiquement le mensonge.

Aucun doute n’est permis pour les occidentaux concernant le primat de la liberté. La conquête du pouvoir par des personnages peu soucieux du respect de l’État de droit et quasiment incultes dans le domaine de l’histoire des idées politiques, par exemple Donald Trump, doit conforter chez tous les libéraux leur attachement à la liberté.

 

La liberté de l’information, un trésor précaire

Les démocraties libérales sont aujourd’hui les seuls régimes politiques disposant de la liberté de l’information. Toutes les opinions peuvent être exprimées sans risque de privation de liberté. L’éventail idéologique est donc très large, du néo-nazisme de certaines factions de l’AfD en Allemagne jusqu’au radicalisme de gauche aux aspects multiples (islamogauchisme, écologie profonde, wokisme, etc.) mais ayant toujours une base économique commune issue du marxisme : l’anticapitalisme.

Les courants politiques extrêmes, de droite comme de gauche, prônent tous un renforcement de l’étatisme, c’est-à-dire une limitation des libertés publiques et un interventionnisme économique et social massif. Leurs résultats électoraux sont pourtant en progression :

France, élection présidentielle 2022 premier tour : Marine le Pen 23,15% des voix, Jean-Luc Mélenchon 21,95%.

États-Unis, élection présidentielle 2024 : Donald Trump 312 grands électeurs sur un total de 538.

Allemagne, élections législatives 2024 : Afd 20,4% des voix, Die Linke 8,8%.

Une partie importante de la population des pays occidentaux n’a donc pas conscience de la fragilité de la liberté. Les libertés sont toujours à défendre car le pouvoir a une propension naturelle à les restreindre. Mais cet élément fondamental n’est pas perçu par tous les citoyens des démocraties libérales. Le vote aux extrêmes résulte de facteurs émotionnels, voire de contre-vérités. Il repose sur la démagogie c’est-à-dire des promesses attractives mais irréalistes. La population visée cède à ces promesses par manque d’information objective, esprit critique limité, plus rarement par intérêt.

 

La petite minorité libérale

L’humanité du 21e siècle est donc constituée d’une forte majorité d’individus n’ayant pas conscience de la problématique de la liberté. The Economist Group publie un indice de démocratie permettant de situer le degré de liberté politique et économique dans les différents pays. L’indice de 2024 ne classait dans les démocraties complètes que 25 pays représentant 6,6% de la population mondiale, soit environ 0,5 milliard d’individus sur les 8 milliards d’humains. Et parmi ces 0,5 milliards, nombreux sont ceux qui n’ont pas une véritable conscience de la fragilité de la liberté.

La défense de la liberté repose ainsi sur une toute petite minorité d’êtres humains. Mais ceux-là connaissent parfaitement les raisons de leur choix pour la liberté.

 

Le choix de la liberté

L’idée d’autonomie de l’individu est née au siècle des Lumières avec Kant, Voltaire, Diderot, Rousseau et bien d’autres. L’hétéronomie, la dépendance à l’égard des pouvoirs, était le sort des êtres humains jusqu’au 18e siècle. Les hommes devaient obéir au pouvoir politique émanant de Dieu. Remettre en cause l’existence de Dieu était presque inconcevable et rarissimes étaient ceux qui s’y risquaient avant le 18e siècle. Les femmes, par nature pécheresses, vivaient dans la dépendance des hommes et leur statut juridique était proche de celui des mineurs.

Les philosophes des Lumières nous ont appris que cette hétéronomie par rapport aux pouvoirs et aux dieux pouvait laisser place à l’autonomie de l’individu. L’homme, brisant ses chaînes millénaires, pourrait désormais désigner ses gouvernants, les critiquer, croire ou ne pas croire en un dieu. Dans l’ancienne conception du monde, le mal résultait nécessairement de la liberté car la déchéance initiale, enseignée par les monothéismes (la chute), avait condamné les hommes. Ils étaient tous des pécheurs. Seule l’autorité de quelques-uns pouvait entraver la dépravation générale. Les Lumières brisent cette fatalité. L’homme nouveau, désormais libre, décidera de son avenir, pourra le construire. Le pouvoir politique résultera de la volonté générale et non d’une injonction divine.

Cette fierté et cette modestie d’être simplement un homme libre a conduit l’Occident vers une réussite sans équivalent dans toute l’histoire de l’humanité. Fierté car il construit sa propre histoire et peut promouvoir un développement économique sans précédent et vaincre la misère. Modestie car il n’est que l’égal de tous les hommes. Personne ne peut se prétendre supérieur à lui par nature, mais il ne peut regarder les autres que comme des égaux. « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui. » (Jean-Paul Sartre, Les Mots)

  

Le seul combat

Ni le socialisme, ni le communisme, ni le fascisme, ni le nazisme, ni le wokisme, ni l’écologisme ne peuvent ébranler cette conviction profonde. Notre liberté fait partie désormais de notre identité d’être humain. Homo sapiens a commencé à faire reculer l’ancestral asservissement. En vérité, notre liberté, notre autonomie individuelle par rapport aux pouvoirs, apparaît aujourd’hui comme la seule idée majeure des trois siècles écoulés. L’égalité de tous les hommes date de l’émergence du christianisme. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Bible, Marc 12 :31). L’aspiration à l’égalité économique est à l’épicentre de la pensée socialiste mais ne constitue guère plus qu’un programme politique. L’autonomie individuelle n’est pas un projet politique mais une rupture anthropologique dont nous ne percevons encore que les prémices.

La liberté est née en Occident mais elle appartient à tous les hommes. Il n’y a pas dans le domaine de la philosophie politique un Occident dominateur face à un Sud dominé. Il n’y a que des hommes libres face à des hommes asservis et voulant être libres. Quelques centaines de millions d’hommes libres doivent permettre à tous de le devenir. C’est le seul combat qui vaille.

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