Il ne faut pas aimer les gouvernants

22/09/2025

Patrick AULNAS

Le dévoiement des politiciens des démocraties s’est accentué avec l’hypermédiatisation. Des frasques de Donald Trump aux grossièretés des députés de La France insoumise, le milieu politique actuel n’est pas peuplé de gens de bonne compagnie. C’est encore pire, bien entendu, dans les dictatures où la mafia des gouvernants se maintient au pouvoir par la violence. Quelle attitude avoir dans nos démocraties à l’égard des gouvernants ? Doit-on partager l’enthousiasme parfois intéressé des militants ou garder en toute circonstance une grande réserve ?

 

Respecter parfois mais ne jamais aimer

Nous sommes condamnés à être gouvernés. Une société complexe ne peut exister qu’avec des institutions politiques et des personnes les faisant fonctionner. C’est ainsi. C’est un mal nécessaire. Nombreux sont les citoyens des démocraties à ressentir ainsi la malédiction du pouvoir. Les passionnés de politique sont statistiquement rares. Il suffit de consulter les effectifs des partis politiques pour s’en rendre compte. En France, ils représentent largement moins de 1% de la population.

L’information politique se déploie pourtant dans les médias, de la presse écrite la plus sérieuse aux réseaux sociaux les plus orduriers. Il est tout à fait souhaitable que les citoyens des démocraties s’intéressent à la politique, ne serait-ce que pour ne pas laisser la bride sur le cou aux dirigeants. Mais faut-il aimer les gouvernants, se laisser circonvenir par leurs discours, leur habileté rhétorique, leurs manœuvres politiciennes ? En aucun cas. Le citoyen des démocraties doit se comporter en résistant face au pouvoir. Il ne doit adhérer qu’avec réserve et conserver son esprit critique en toutes circonstances. Bref, il vaut mieux traîner les pieds face aux initiatives gouvernementales qu’adhérer avec ferveur.

Il convient de respecter les gouvernants s’ils sont respectables. Mais il ne faut jamais les aimer. Pourquoi aimerait-on quelqu’un ou quelqu’une prétendant nous diriger au lieu de se placer à égalité avec nous ? Nous devons tenir d’abord et avant tout à notre indépendance, à notre autonomie, à notre liberté. Et le pouvoir est évidemment un carcan limitant la liberté individuelle pour permettre la vie en société. Faisons donc contre mauvaise fortune bon cœur. Acceptons un pouvoir limité et contrôlé, mais ne nous enthousiasmons jamais pour ceux qui l’exercent.

 

Les passionnés de politique

Pourtant, certains d’entre nous, peu nombreux, sont totalement subjugués par le pouvoir et n’aspirent qu’à le conquérir. En général, ils deviennent d’abord des militants de partis politiques puis, s’ils y parviennent, des cadres de ces partis. Mais ce n’est pas toujours le cas. Le général de Gaulle détestait les partis. Il a dû en créer un en 1947 (le RPF, Rassemblement du peuple français) pour pouvoir participer à la vie politique du pays, mais l’a mis en sommeil en 1955. Cela ne l’a pas empêché d’accéder au pouvoir en 1958. Cette exception ne fait que confirmer la règle. Les politiciens sont presque toujours des apparatchiks (Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande) ou des compagnons de route d’un parti (Emmanuel Macron et le Parti socialiste).

Les images des campagnes électorales permettent de voir des foules en délire au cours des grands meetings organisés par les partis. Ce sont évidemment les militants qui applaudissent et s’égosillent, fascinés semble-t-il par leurs leaders. Jouent-ils la comédie ou sont-ils payés pour la jouer ? Cela est déjà arrivé. Les images de ces passionnés de politique ne semblent pas tout à fait réelles aux yeux de tout individu se défiant du pouvoir. Est-ce l’intérêt qui anime ces exaltés ? Parfois mais rarement, car il faut être rationnel et même calculateur pour bien défendre ses intérêts. La passion est toujours mauvaise conseillère. Est-ce la haine de l’adversaire ? Probablement en partie. Est-ce tout simplement l’admiration pour le leader, la satisfaction de faire partie des collaborateurs d’une personnalité jugée charismatique ? Certainement. Tout cela relève de l’émotionnel. La raison n’a pas sa place dans l’engouement pour les dirigeants politiques. 

Le soir des résultats des élections importantes, en particulier celles des présidents des États-nations, est un moment de liesse pour les victimes de la fascination pour le pouvoir. Un joyeux délire s’empare des partisans du vainqueur et l’abattement frappe les partisans du vaincu. La passion politique se manifestent par des gestes, des mimiques, des paroles, des cris. Ces excès reflètent rarement un idéalisme. Il s’agit plutôt d’une pulsion collective provenant de la puissance inconsciente de la foule. Se laisser entraîner, quel plaisir pour certains…

 

Passion du pouvoir et manipulation des gouvernés

Les humains sont très facilement manipulables lorsque les grandes passions sont en jeu : le pouvoir, l’argent, l’amour. Il faut une telle volonté et un tel déploiement d’activité pour accéder à une fonction de gouvernant politique que seule la passion du pouvoir peut permettre de suivre cette voie. Nous sommes gouvernés par des individus passionnés alors que la démocratie supposerait idéalement un gouvernement de sages.

Cette addiction au pouvoir est de mauvais augure pour le citoyen car elle mène inéluctablement à la croissance du pouvoir. Il suffit d’ailleurs d’observer l’évolution des démocraties occidentales depuis un siècle pour le comprendre. Il est évident que la puissance des pouvoirs publics a explosé. Ils interviennent dans tous les domaines de notre vie par une réglementation et une fiscalisation toujours plus denses. Ils disposent de moyens financiers gigantesques se chiffrant en dépenses publiques représentant entre 40 et 57% du PIB selon les pays.

Ce pouvoir écrasant dans des États de droit résulte de la subtile manipulation des citoyens par les gouvernants : promettre toujours plus pour accumuler toujours plus de pouvoir. Non, nous ne devons pas aimer ces gens-là.

Ajouter un commentaire