Démagogie politicienne et dette publique

06/06/2025

Patrick AULNAS

Les gouvernants français sont incapables de gérer avec la rigueur nécessaire les finances publiques. Après un demi-siècle de dérive, le risque de crise majeure devient probable à moyen terme si personne ne réagit. Un sentiment de déréliction s’empare d’ailleurs de tous les citoyens qui ne militent pas dans un parti politique. Car voilà bien le sujet. Qui est responsable de la situation financière catastrophique du pays ? La réponse est connue : les partis politiques. Il faut même être plus précis : les dirigeants des partis, car le pauvre colleur d’affiches n’est pas en cause. Cela fait peu de monde. Sur cinquante ans, il serait facile d’établir une liste des quelques milliers de démagogues qui ont mené le pays au bord du gouffre. Il serait élémentaire de cibler les responsables des dix dernières années.

Mais passons… Il ne s’agit pas de délation. Il s’agit de prendre conscience du degré de démagogie de nos gouvernants.

 

Le cœur du problème : la démagogie politicienne

La démocratie devrait consister à élaborer des compromis pour établir un modus vivendi acceptable par une grande majorité de citoyens. Or, les dirigeants des partis ont une approche toute différente. Ce sont des ambitieux avides de pouvoir. Ils ne pensent qu’à la conquête du pouvoir lorsqu’ils sont dans l’opposition et à leur maintien au pouvoir quand ils gouvernent. Le mot dirigeant doit être compris au sens large. Les députés, les sénateurs, les conseillers régionaux, départementaux, les conseillers municipaux des grandes villes en font partie. Les apparatchiks recalés de l’élection mais tenant des postes importants dans les partis également.

Tout ce petit monde rêve de gouverner. Et pour gouverner en démocratie, il faut convaincre les électeurs. Avec des prélèvements obligatoires de 43% du PIB en 2024 (1500 milliards d’€ selon l’INSEE) et des dépenses publiques de 57% du PIB 1670 milliards d’€), le sujet devient essentiellement financier. Sur qui prélever et à qui distribuer ces montants colossaux ? La médiocrité prend alors le dessus car les espèces sonnantes et trébuchantes constituent un argument bien plus puissant que toute idéologie. Il s’agit d’acheter des électeurs en se parant du somptueux costume du chevalier blanc luttant pour l’intérêt général.

 

Le vocabulaire flou des démagogues

Pour rééquilibrer les comptes, il faut réduire les dépenses ou augmenter les recettes. Mais réduire les dépenses revient à perdre les électeurs qui bénéficiaient de la manne publique. Par exemple, diminuer les retraites, c’est toucher 17 millions de personnes sur 49 millions d’inscrits sur les listes électorales. Alors, diminuer les retraites des « riches » selon le vocabulaire type de la démagogie ? Mais les vrais riches sont très peu nombreux et ne toucher qu’eux ne rapporterait pas grand-chose. Ou peut-être les classes moyennes supérieures ? Mais où commence le niveau dit « supérieur ».

Ce type de polémique absurde consiste à utiliser des mots à connotation quantitative (riche, supérieur) sans jamais parler chiffres. Rester dans le flou semble préférable dans le milieu politique car en politique « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment », selon la formule du cardinal de Retz. Cette détestable façon de s’exprimer permet d’écarter toute rigueur de raisonnement. On retrouve donc la faiblesse majeure qui mène la France à la catastrophe financière : le refus de la rigueur de gestion, qui commence par le vocabulaire des professionnels de la démagogie. Quand il est possible d’interpréter de trois ou quatre façons une déclaration politique, celui qui la prononce est nécessairement un incompétent ou un démagogue.

 

Too big to fail ?

Sortir de cet enlisement est impossible sans une crise grave. En 1958, il a fallu que la crise algérienne devienne incontrôlable par les gouvernants de la IVe République pour que le général de Gaulle accède au pouvoir. L’assainissement des comptes publics eut rapidement lieu avec le plan Armand-Rueff. Le « nouveau franc » valant 100 anciens francs sera créé à cette occasion le 1er janvier 1960.

La crise qui conduira au redressement des comptes dans les années 2020 ne sera pas du même ordre. Elle proviendra de la défiance des prêteurs à l’égard de la France. Les taux d’intérêt des emprunts d’État deviendront alors si élevés que la charge de la dette sera insoutenable. Le risque de défaut de paiement amènera la Banque centrale européenne à intervenir en imposant des conditions drastiques de redressement financier. L’exemple de la Grèce à partir de 2008 constitue un précédent. Pour se rassurer, on peut appliquer à la France la célèbre formule : too big to fail (trop gros pour échouer). Certes, mais l’Europe ne se laissera pas entraîner vers le gouffre par des gouvernants français irresponsables. Il faudra se soumettre et ne plus vivre au-dessus de ses moyens.

 

Commentaires

  • Cassandre
    • 1. Cassandre Le 07/06/2025
    Vous avez parfaitement raison. Mais à cette démagogie des politiques,il faut ajouter le peu de responsabilité des citoyens pour la plupart desquels l'intérêt général ou à long terme pèse peu face à la revendication consumériste immédiate.

Ajouter un commentaire