Les égarements de Mélenchon

24/05/2024

Patrick AULNAS

Certains vins de qualité se bonifient en vieillissant. Mélenchon non. Il s’égare aujourd’hui dans une posture révolutionnaire d’un autre âge. Social-démocrate modéré dans la décennie 1990, il approuve le traité de Maastricht (1992) qui conduira en particulier à la monnaie unique européenne. Il participe au gouvernement de Lionel Jospin entre 2000 et 2002 comme ministre délégué à l’Enseignement supérieur. Après la défaite de Jospin à la présidentielle de 2002, il évolue vers l’extrême-gauche tout en restant au Parti socialiste. Puis il fonde le Parti de Gauche après la défaite de Ségolène Royal à la présidentielle de 2007 et enfin La France insoumise (LFI) en 2016. Candidat malheureux aux élections présidentielles de 2012, 2017 et 2022, il ne parvient jamais au second tour et en conçoit une certaine amertume.

Le désormais révolutionnaire Mélenchon aura 76 ans en 2027. Sera-t-il à nouveau candidat à la présidentielle dans l’espoir, très improbable, de figurer au second tour ? Il n’a évidemment aucune chance d’être élu. Alors, que cherche ce vieil apparatchik qui aurait l’âge de prendre sa retraite ?

 

La domination de la gauche ?

Avec la création de la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) après les législatives de 2022, une union de la gauche d’une nouvelle tendance était envisagée. Regroupant les socialistes, les écologistes, les communistes et les insoumis, cette coalition de partis politiques aspirait à proposer un programme commun et des candidatures communes aux élections. Le projet a fait long feu. La distance idéologique est trop importante entre le parti dominant (LFI) et les autres. LFI cherche à capter les voix des électeurs se rattachant à des minorités se jugeant défavorisées (principalement musulmans issus de l’immigration, LGBTxx, écologistes radicaux). Les autres formations n'ont pas du tout le même électorat. La base électorale induisant le programme du parti, la NUPES ne fut qu’une rêvasserie de stratège médiocre.

 

La révolution ?

Selon certains analystes, la stratégie de Jean-Luc Mélenchon consisterait précisément à être battu au second tour en 2027 face à Marine Le Pen. Le pays serait alors mûr pour un soulèvement avec grève générale et renversement du pouvoir en place. Pure hypothèse, mais qui peut faire partie des scénarios à envisager. Cette analyse est cependant extrêmement fragile. Une prise du pouvoir par la force suppose au moins la passivité de la police et de l’armée, qui est loin d’être garantie si une frange très minoritaire de militants extrémistes tente d’attiser un soulèvement. Les leaders seraient très facilement mis hors d’état de nuire.

 

Finir en beauté ?

Les personnes se prétendant « de gauche » ont une haute idée de leur valeur morale. Aucun doute dans leur esprit : ils représentent le camp du bien. Altruisme redistributif, main tendue à tous les dominés, idéal social idéologiquement construit fondent leurs propositions. Un homme politique de gauche vieillissant peut relativiser son idéal de jeunesse (s’il a existé !) et se plier aux tristes réalités du pouvoir politique. Mais certains se raidissent et se replient encore davantage sur des fantasmes idéologiques. Une autosatisfaction onirique leur permet de juger ce comportement plus pur, plus noble.

François Mitterrand n’avait pas hésité à composer avec le réel pour accéder au pouvoir et encore davantage pour l’exercer. Mélenchon, plus rigoriste, moins brillant et, qui plus est, recalé de l’accession au pouvoir, veut visiblement faire la démonstration de son courage et de sa ténacité sans faille face aux adversaires politiques, aux ennemis de classe ou aux dominants sans scrupules.

Autrement dit, pour un homme de gauche, deux destins peuvent exister : conquérir le pouvoir et accepter le pragmatisme inhérent à l’exercice du pouvoir ou échouer dans cette conquête et rester droit dans son idéologie. Il faudra alors nécessairement se présenter comme un pur jusqu’à la fin. Mélenchon n’a pas d’autre solution que de finir plus à gauche, de tenir jusqu’au bout face à l’ennemi fabriqué par le récit politique presque fictif de la gauche. Ensuite l’histoire jugera.

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