De l’indignité des élus aux rêves de révolution

02/11/2024

Patrick AULNAS

L’examen du budget par l’Assemblée nationale permet d’apprécier une nouvelle fois le degré d’irresponsabilité des élus. Face à une situation des finances publiques très dégradée, les partis se positionnent en fonction de leur intérêt électoral. Il en résulte évidemment que beaucoup de députés ne pensent qu’à leur situation personnelle dans leur circonscription. L’intérêt général, qui impose une restauration des équilibres financiers publics, les intéresse fort peu. Au demeurant, le niveau de formation de certains élus dans ce domaine assez technique s’approche du néant. Ils font de la politique, pas de la gestion. Voilà précisément ce qu’il faut leur reprocher.

 

Des principes de gestion très simples

De ce point de vue (gestion) les choses sont assez simples. Il n’est pertinent de s’endetter que pour investir. Une seule exception : les ajustements de trésorerie à court terme qui nécessitent parfois un crédit remboursable en quelques mois. Or, la France s’endette pour payer les salaires de ses fonctionnaires, les pensions de ses retraités et les remboursements des frais médicaux.

L’investissement public ne représente en effet qu’une faible partie des dépenses. Selon le site FIPECO, il peut être évalué à environ 5,5% du PIB et à 9% du total des dépenses publiques. Rappelons que le total des dépenses publiques en France s’élevait à 1608 milliards d’€ en 2023, soit 57% du PIB. Il est parfaitement clair que les 9% de dépenses d’investissement ne peuvent pas être la cause principale de l’énorme déficit public.

Ce déficit était de 154 milliards d’€ en 2023 soit 5,5% du PIB. La dette publique accumulée par suite des emprunts comblant les déficits s’élevait à 3100 milliards d’€ en 2023 soit 110,6% du PIB.

 

L’affrontement des clans politiciens

La dérive des comptes publics en 2024 n’est donc que le dernier épisode d’une série comportant de nombreuses saisons s’échelonnant sur plus d’un demi-siècle. L’immoralité absolument révoltante des politiciens consistant à mettre à la charge de nos enfants et petits-enfants des avantages payés par l’endettement résulte tout simplement du clanisme. Chaque parti se comporte comme un clan mafieux devant faire face à la concurrence d’autres clans. Outre la conquête de la présidence de la République, la compétition porte, en France, sur les sièges à l’Assemblée et sur l’argent public. Le résultat des élections législatives détermine en effet le montant du financement public de chaque parti.

La pagaille régnant à l’Assemblée, les éructations des députés LFI en séance publique proviennent du jeu sordide de la politique politicienne. Les députés d’extrême-gauche sont des militants ne vivant que du militantisme et regardant leur pays et le monde à travers le kaléidoscope du catastrophisme et de la radicalité. Leur vécu n’est fait que de conflits, d’affrontements, de luttes. Pourquoi alors devrait-on se montrer courtois et réceptif au compromis à l’Assemblée nationale ? Quand il s’agit de supprimer le capitalisme, le compromis n’est pas de mise. La vieille idéologie marxiste, complètement dépassée aujourd’hui, règne encore sur les esprits prétendument insoumis. La dictature du prolétariat, concept d’une rare stupidité mais ayant eu ses heures de gloire, reste leur rêve inavoué.

 

L’anticapitalisme militant

La colère latente qui résulte de cet étouffement lent de la démocratie libérale par la démagogie généralisée se manifeste aujourd’hui dans l’ensemble du monde occidental. Cette colère des peuples provient principalement du rejet des thèmes actuels fondant la lutte anticapitaliste de la gauche extrême : théorie du genre, racialisme, féminisme radical, catastrophisme écologiste. Cet anticapitalisme militant ne concerne qu’une infime minorité d’individus, mais ils disposent de relais médiatiques puissants et savent, par le scandale et la violence, attirer l’attention du grand public. Leur audience est donc disproportionnée. En France, quelques dizaines de milliers de militants tout au plus déterminent les thèmes de l’époque, qui doivent être le plus conflictuels possible. Autrement dit, une petite aristocratie de militants professionnels choisit les axes de rupture favorisant la radicalité et générant les conflits.

 

L’ennemi de la gauche : l’occidental ordinaire

La montée de la droite radicale apparaît comme la contrepartie politique de l’addiction de la gauche à la révolution. Les peuples d’Occident, méprisés par l’intelligentsia internationaliste de gauche, se sont réfugiés dans le nationalisme : Rassemblement national en France, Fratelli d'Italia en Italie, Parti républicain dominé par la tendance Trump aux États-Unis. La gauche occidentale s’est placée idéologiquement du côté de toutes les misères du monde, ce qui lui ouvre un champ illimité de conflits et de luttes. Méprisés, car embourgeoisés, les occidentaux ordinaires, ceux qui travaillent et produisent, permettent au capitalisme de prospérer. Leur mode de vie et leurs aspirations ne sont nullement de gauche. Ce sont les ennemis des militants révolutionnaires.

 

Ils n’ont rien compris !

La problématique principale que devra affronter cette gauche radicale n’est jamais abordée. Les peuples aspirent d’abord et avant tout à une amélioration de leurs conditions matérielles de vie. C’est encore plus vrai pour les plus déshérités de la planète, ceux du sud global, selon le jargon géopolitique actuel. Seule la croissance économique permet d’améliorer le niveau de vie d’une population et seul le capitalisme a réussi cette gageure depuis que le monde est monde. Echec de l’URSS, échec de Cuba, échec du Venezuela. La Chine reste un point d’interrogation mais il est assez invraisemblable qu’une dictature communiste puisse assurer durablement la prospérité de sa population puisque sa classe dirigeante est tétanisée par l’obéissance au parti et la rigidité idéologique. La croissance repose sur la liberté d’entreprendre et la souplesse d’adaptation du marché.

Par quoi la gauche veut-elle aujourd’hui remplacer le capitalisme ? Mystère absolu. Chez Marx, il était possible de comprendre. Il réduisait la société du 19e siècle à deux classes sociales : la bourgeoisie, petite minorité de possédants, et le prolétariat, énorme masse exploitée. Il n’existait pas vraiment de classe moyenne. L’armée de masse du prolétariat annihilerait la petite cohorte des capitalistes.

La réussite du capitalisme a fait naître au 20e siècle une classe moyenne patrimoniale (immobilier, placements), ce qui n’était pas imaginable entre 1850 et 1900. Le capitalisme du 21e siècle n’est pas financé par les grandes familles de la bourgeoisie mais par une infinité de placements (OPCVM, Fonds de pension, SCPI, etc.) et par… l’État, qui dispose de participations très importantes dans des sociétés de droit privé et représente un client majeur (exemple en France : Dassault Aviation).

Les militants d’extrême-gauche ne semblent pas vraiment disposer des connaissances nécessaires pour analyser objectivement la réalité économique actuelle. Par quoi remplacer le mode de financement capitaliste de l’économie ?  La seule réponse possible est : le monopole étatique. Le totalitarisme en résulte nécessairement, comme l’a montré Friedrich Hayek dans La route de la servitude.

Décidément, la gauche rêve toujours de société idéale et nous conduit toujours à la tyrannie.

 Publié sur Contrepoints le 12/11/2024

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