L’article 49-3, une procédure démocratique et nécessaire

28/06/2022

Patrick AULNAS

L’article 49-3 de la Constitution française est souvent évoqué dans les médias. En général, il s’agit de jeter l’opprobre sur cette procédure d’adoption des lois par l’Assemblée nationale. Une présentation erronée de cet article est faite, accompagnée d’un vocabulaire excessif. La formulation la plus courante est : « Le gouvernement passe en force avec le 49-3 ». Il ne s’agit pas du tout d’utiliser la force mais de mettre les députés en face de leur responsabilité.

 

Les minorités ne doivent pas pouvoir faire obstruction

L’article 49-3 de la Constitution permet en effet de ramener à la raison des députés parfois tentés par l’obstruction. Ainsi, nous avons pu observer ces dernières années un détournement infantile du droit d’amendement. Des milliers d’amendements étaient proposés par certains groupes d’opposition pour prolonger indéfiniment la discussion d’un texte et empêcher son adoption. Le petit monde des professionnels de la politique est-il conscient du discrédit qu’il jette ainsi sur le parlementarisme ? Se rend-il compte qu’il fait le jeu des autocrates en puissance, toujours masqués, toujours présents.

L’article 49-3 est une excellente procédure qui permet d’éviter de tels débordements politiciens et d’avancer dans la mise en œuvre du programme d’une majorité démocratiquement élue. La paralysie du pouvoir législatif par une minorité ou par des minorités coalisées est évidemment profondément antidémocratique. Lorsqu’une majorité a été élue, fût-elle relative, elle doit pouvoir agir. La minorité ne doit pas pouvoir imposer sa loi. Elle doit attendre de nouvelles élections législatives pour tenter de devenir majorité. Ainsi fonctionne toute démocratie.

 

Une excellente procédure pour éviter la paralysie législative

L’article 49-3, imaginé par les constituants de 1958,  prévoit une procédure particulière d’adoption d’un texte de loi afin de lutter contre la démagogie parlementaire apparue au cours des IIIe et IVe Républiques. L’exemple le plus fréquent est celui de députés votant les dépenses publiques dans un domaine mais s’opposant à l’augmentation des recettes. La distribution d’argent public est populaire, les impôts le sont moins. On imagine très bien aujourd’hui les députés RN ou LFI adoptant la retraite à 60 ans pour tous mais s’opposant à l’augmentation considérable des cotisations sociales que suppose une telle réforme.

Contraindre par une procédure rigoureuse les élus à assumer leur responsabilité est absolument nécessaire, eu égard à leur tendance à l’infantilisme populiste. C’est tout à fait possible en respectant les principes démocratiques. Le 49-3 est une procédure particulière d’adoption d’un texte de loi en discussion au Parlement. Le Premier ministre peut utiliser cette procédure à n’importe quel stade de la discussion parlementaire, après délibération du Conseil des ministres. Le texte est alors considéré comme adopté sans vote de l’Assemblée nationale sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures qui suivent. Si la motion de censure est adoptée, le gouvernement est renversé et le texte rejeté.

Il s’agit donc de mettre les députés en face de leur responsabilité lorsque le gouvernement juge qu’un texte est absolument nécessaire pour qu’il puisse poursuivre son action. Les députés ont un choix simple :

- Ils sont en désaccord avec la politique gouvernementale et ils votent la motion de censure.

- Ils sont au contraire d’accord et ils refusent de voter la motion, ce qui revient à voter en faveur du texte de loi en discussion.

Les partis minoritaires doivent donc renverser le gouvernement s’ils veulent empêcher l’adoption du texte. Ils ne le feront qu’après mûre réflexion car si le gouvernement tombe la dissolution de l’Assemblée risque fort d’être prononcée par le président de la République. Il faut donc que les opposants soient assurés du soutien populaire puisqu’ils retourneront devant les électeurs.

Quoi de plus démocratique ?

 

La regrettable réforme de 2008

La réforme constitutionnelle de 2008 a considérablement limité la possibilité de recourir au 49-3. Ce fut une erreur majeure. Tout comme d’ailleurs auparavant le passage du septennat au quinquennat. Les cohabitations étaient aussi une excellente solution pour limiter l’excessive concentration du pouvoir politique. La légèreté avec laquelle les français réforment leurs institutions correspond bien à l’image qu’ils ont à l’étranger : un peuple frivole et volontiers éruptif.

L’article 49-3 ne peut plus être utilisé désormais que pour les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Pour les autres projets de loi, le recours au 49-3 n’est possible qu’une seule fois au cours d’une même session parlementaire.

Cette réforme, infiniment regrettable, risque d’aboutir aujourd’hui à la réapparition des comportements démagogiques et irresponsables des députés. Le gouvernement dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale, mais d’une majorité relative : 245 sièges sur 577. Sauf abstention toujours possible, il faut 289 voix pour l’adoption d’un texte. La coalition des minorités pourrait donc bloquer le travail législatif. Rappelons que les principaux partis minoritaires sont le Rassemblement national (89 sièges), La France Insoumise (72 sièges), Les Républicains (61 sièges), le Parti socialiste (24 sièges), EELV (23 sièges) et le Parti communiste (12 sièges). La fameuse NUPES, simple coalition électorale, ne jouera plus aucun rôle dans les mois à venir. La simple addition de ces sièges conduit à 281 voix pour les principaux opposants coalisés. Ils disposent ensemble d’une minorité de blocage, mais pas d’une majorité absolue.

Il est important de noter toutefois, que le budget de l’État pourra être adopté avec l’article 49-3, sauf vote d’une motion de censure. Dans ce dernier cas, évidemment, l’Assemblée serait dissoute et il appartiendrait aux électeurs de trancher.

Mais pour les lois ordinaires ou même pour les lois organiques (organisation des pouvoirs publics), un seul recours au 49-3 sera possible par session. Le risque de blocage est élevé. Si la réforme de 2008 n’avait pas eu lieu, que se serait-il passé ? La plupart des textes auraient été adoptés soit par compromis avec des groupes d’opposition, soit par utilisation de l’article 49-3. Dans ce cas, la dissolution probable de l’Assemblée empêche les élus de sombrer dans la légèreté blâmable en votant une motion de censure. Le retour devant les électeurs pourrait leur coûter leur siège. Courageux mais pas téméraires. L’obstruction oui, la révocation électorale, non !

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