Présidentielles 2022 : Macron-Le Pen ?

19/05/2021

Patrick AULNAS

A un an du scrutin présidentiel de 2022, il serait périlleux de faire des pronostics. Mais il est utile d’ausculter l’opinion par la technique des sondages. Ils sont concordants : si l’élection avait lieu aujourd’hui, Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteraient au deuxième tour. On peut s’en désoler, mais mieux vaut s’en consoler. La démocratie est d’abord un art du compromis, ce que nos concitoyens semblent oublier.

 

Les français veulent du neuf mais se résolvent à ne pas l’avoir

Selon un sondage réalisé du 5 au 8 février 2021 par l'Ifop pour Le Figaro, 67% des français anticipent un duel Macron Le Pen, mais 70% souhaiteraient une autre configuration. Les deux chiffres ne sont pas contradictoires. L’émotion supplantant toujours la raison en politique, le désir un peu vague de renouvellement se heurte au réalisme sociologique. Ce duel représente en effet le clivage politique majeur existant aujourd’hui dans l’opinion publique.

Car sondage après sondage, il ne fait aucun doute que l’état actuel de l’opinion conduit à un second tour Macron-Le Pen. Par exemple, un sondage Ipsos-Sopra Steria d’avril 2021 publié par Le Monde place Marine Le Pen en tête au premier tour (26%) et Emmanuel Macron en seconde position (25%). Étant donné la marge d’erreur, on peut considérer que les deux politiciens sont à égalité. Les autres candidats sont très loin derrière, Xavier Bertrand arrivant en troisième position avec 16% des intentions de vote.

 

Le duel Macron-Le Pen est le plus représentatif

Le duel Macron-Le Pen représente donc l’hypothèse de deuxième tour reflétant le mieux l’état de l’opinion. Si, à eux deux, ils recueillent plus de 50% des intentions de vote au premier tour, c’est évidemment que les nombreux autres candidats potentiels ne parviennent pas à rassembler les électeurs sur leur nom.

Nous sommes loin de certaines élections du passé comportant un candidat rassemblant largement dès le premier tour. En 1965, Charles de Gaulle atteint 44,65% des suffrages et François Mitterrand 43,25% en 1974, mais il est battu par Valéry Giscard d’Estaing au second tour. En 2007, Nicolas Sarkozy réalise un score de 31,18%.

Mais ce sont là des exceptions. Les candidats capables de rassembler largement à droite ou à gauche sont rares. En 1995, Lionel Jospin arrive en tête au premier tour (23,3%) et Jacques Chirac second (20,84%). En 2012, François Hollande (28,63%) devance Nicolas Sarkozy (27,18%). Et en 2017, Emmanuel Macron (24,01%) devance Marine Le Pen (21,3%).

Les chiffres actuels ne s’écartent donc pas sensiblement de plusieurs élections présidentielles précédentes.

 

De l’idéologie au marketing politique

Quelle est alors la spécificité de l’élection de 2022 ? La même que celle de 2017. L’affrontement gauche-droite, qui caractérisait l’élection présidentielle depuis le début de la Ve République, a disparu. Il a été remplacé par un clivage qui peut être appréhendé de multiples façons. Centre contre droite nationale (extrême-droite selon certains) ? Ouverture au monde contre repli identitaire ? Anywhere contre somewhere ? Modérés contre radicaux ? Les réponses appartiennent à chacun mais doivent être nuancées.

L’aspect idéologique ayant disparu, le pragmatisme domine et une partie de l’électorat se sent perdue. Gauche et droite portaient, du moins dans les discours, deux visions du futur (libérale contre socialiste). Ce clivage idéologique n’existe plus dans l’affrontement Macron-Le Pen qui oppose deux pragmatismes. Les deux politiciens cherchent à conquérir des segments de l’électorat avec des propositions adaptées. Une optique marketing en quelque sorte. Par exemple, Marine Le Pen a considérablement adouci son discours sur l’Europe (on ne la quitte plus). Emmanuel Macron a durci ses positions sur la sécurité (il doit mordre sur la droite classique).

Les positionnements purement émotionnels deviennent dans ce contexte un élément majeur. La haine ou l’adulation de Macron ou de Le Pen représentent pour les citoyens les moins avertis un médiocre substitut à un choix idéologique. Les idéologies sont de gigantesques subterfuges mais la manipulation politique des sentiments est le degré zéro du fonctionnement d’une démocratie. Seul un pragmatisme raisonné et raisonnable est compatible avec le nécessaire compromis démocratique. Il ne faut ni aimer ni haïr les dirigeants mais seulement apprécier froidement leur action.

 

Le gauche s’effondre

L’électorat de droite se partagera assez facilement entre Macron et Le Pen. Les dirigeants nationaux de LR (Les Républicains) renâclent mais ne convainquent personne. Ils semblent même jouer un mauvais rôle puisque leurs propositions empruntent aussi bien à Macron qu’à Le Pen. Des alliances commencent déjà à se nouer entre LREM et LR à l’échelon local, comme on le voit en région PACA.

Il en ira différemment pour la gauche, très divisée sur de multiples questions, qui n’intéressent d’ailleurs qu’un tout petit nombre de militants. L’électorat de la gauche modérée pourra facilement voter Macron au deuxième tour de la présidentielle. Mais à partir d’un certain niveau d’idéologisation, cela devient impossible. Ces gens-là s’imaginent que la politique doit construire une autre société et ne supportent pas le pragmatisme macronien. L’abstention de gauche risque donc d’être très élevée dans le cas d’un duel Macron-Le Pen.

Certains hurleront à la non représentativité de l’élu, voire à son illégitimité. Cette rengaine est désormais bien connue. Elle vient de personnes n’ayant rien compris à la démocratie représentative, qui n’est bien souvent que la sélection du candidat le moins rejeté. C’est en définitive une excellente solution. Rien n’est pire en démocratie que l’enthousiasme pour un dirigeant politique.

Publié sur Contrepoints le 18/05/2021 : Présidentielles 2022 : Macron – Le Pen ?

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