Le conglomérat anti-pass sanitaire

09/08/2021

Patrick AULNAS

Les manifestants contre le pass sanitaire représentent numériquement une très petite minorité. Ce qui caractérise ce petit nombre est l’hétérogénéité. Les opposants actifs aux mesures de contrôle sanitaire ne manifestent pas tous pour les mêmes raisons, mais la politique et la santé se mêlent souvent de façon confuse dans leur esprit. Petite synthèse non exhaustive des motivations des manifestants.

 

Les opposants par principe aux vaccins

Sans doute très peu nombreux et souvent proche du complotisme, leur argumentation repose sur l’immunité naturelle ou des préceptes religieux. Pour certains, il est préférable de laisser le système immunitaire agir contre la maladie. La vaccination affaiblit l’organisme. Les personnes en bonne santé ne risquent pas grand-chose. Pourquoi devraient-elles restreindre leur liberté pour protéger les plus faibles ?

Cette position rappelle le surhomme des fascistes ou la race aryenne des nazis. De façon sous-jacente, il s’agit en effet de considérer que les forts doivent survivre et les faibles disparaître. La vaccination repose évidemment sur le principe opposé puisqu’elle cherche à protéger l’ensemble de l’humanité de la maladie.

Les grandes religions instituées (judaïsme, christianisme, islam) ne sont pas opposées par principe à la vaccination. Mais il existe des courants minoritaires ou des sectes qui rejettent toute vaccination : le mouvement radical Science chrétienne ou encore le mouvement anthroposophique, dont font partie les écoles Steiner. Les maladies sont pour eux des punitions divines qu’il convient d’accepter comme telles. Sans commentaire !

 

Les opposants aux vaccins à ARN messager

L’innovation vaccinale les effraie. Les arguments invoqués sont très basiques : les vaccins à ARN messager viennent d’apparaître et nous manquons de recul sur les effets à long terme ; ils pourraient modifier le code génétique ou provoquer des cancers ; leurs effets indésirables sont plus dangereux que la maladie ; ce ne sont pas de véritables vaccins. Evidemment, la réponse est simple : plusieurs centaines de millions de doses de ces vaccins ayant été injectées dans le monde, l’expérience accumulée est déjà considérable et la pharmacovigilance n’a sans doute jamais été aussi minutieuse pour un produit pharmaceutique.

 

Les opposants aux contrôles

Ils considèrent qu’il n’appartient pas au pouvoir politique de sélectionner les personnes pouvant fréquenter tel ou tel lieu (restaurant, bars, salles de spectacle, etc.). Ce fameux passeport sanitaire, dit pass ou passe, interdit en effet aux personnes ne pouvant pas prouver qu’elles ne présentent pas de risque potentiel de contamination (non vaccinées et non testées négativement) d’accéder à certains lieux. Les opposants invoquent la liberté individuelle.

Une politique sanitaire en période épidémique concernant par définition l’ensemble de la collectivité, il s’agit d’une question de frontière entre liberté individuelle et coercition étatique. Doit-on privilégier exceptionnellement la lutte contre l’épidémie ou continuer à privilégier les libertés individuelles ? La plupart des scientifiques et une large majorité de la population française répondent qu’il faut privilégier la lutte contre l’épidémie.

Certains ajoutent que nous ne retrouverons pas nos libertés, qu’il s’agit d’une opportunité pour le pouvoir de les restreindre. Pure hypothèse à relents complotistes.

 

Les victimes des rumeurs complotistes

Il est difficile de déterminer l’ampleur du phénomène. Les restrictions aux libertés et les incitations publiques à la vaccination résulteraient d’un vaste complot associant les dirigeants politiques et les dirigeants du capitalisme, en particulier ceux des grands groupes pharmaceutiques (qualifiés Big Pharma). La défiance à l’égard du pouvoir politique est à son zénith dans ces populations qui se croient victimes d’une gigantesque machination des gouvernants.

Il ne faut pas trop s’étonner d’une telle perception puisqu’il y a quelques décennies les communistes considéraient volontiers les gouvernants des démocraties occidentales comme des serviteurs zélés du capitalisme. Avec l’idéologie marxiste, le complotisme avait une petite allure intellectuelle. Aujourd’hui, il devient le refuge commode des mécontents les moins avertis du fonctionnement de nos sociétés.

 

Les opposants à Emmanuel Macron

La politique politicienne ne perd pas ses droits en période épidémique. Des leaders de second ordre cherchent à profiter de la crise sanitaire pour drainer un électorat. Ces politiciens opportunistes dirigent de petits partis politiques dits souverainistes, se situant à l’extrême-droite de l’échiquier politique : Florian Philippot (Les Patriotes), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), François Asselineau (Union populaire républicaine).

L’extrême-gauche est moins volubile, mais des membres de La France insoumise participent également aux manifestations, essentiellement pour s'opposer au pouvoir. Il est bien difficile de distinguer chez ces manifestants la lutte contre une politique sanitaire et la haine de la personne du président de la République, Emmanuel Macron.

 

Un conglomérat sans avenir

Ce conglomérat de manifestants n’a aucun avenir politique en tant que tel. Son extrême hétérogénéité ne permet pas de construire un discours politique cohérent. Ce mouvement rappelle celui des gilets jaunes, certains de ceux-ci participant d’ailleurs aux manifestations. L’extrême-droite est fortement représentée et elle entretient la contestation. La sensibilité politique de la plupart des manifestants correspond aux thèmes traditionnels de la droite radicale : anti-intellectualisme, rejet de l’action collective en faveur des plus faibles, manipulations complotistes. Le thème des libertés, vraiment peu menacées dans nos démocraties, n’est pour les activistes du mouvement, qu’un prétexte pour s’opposer au pouvoir en place.

 

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