Afghanistan : tyrannie, où est ta victoire ?

22/08/2021

Patrick AULNAS

La culpabilisation de l’Occident a encore fait florès avec l’arrivée des talibans à Kaboul. La presse titre sur l’échec américain et la victoire express des fondamentalistes islamistes. Le retrait occidental était prévu, mais il semble avoir été imposé par la victoire des talibans. De là à évoquer la défaite des États-Unis il n’y a qu’un pas. Il a été immédiatement franchi. A tort.

 

Effet d’image ou défaite occidentale ?

Les professionnels des médias se focalisant toujours sur l’image que produit un évènement ou un discours, ils peuvent effectivement considérer que le retrait précipité des États-Unis altère leur image de puissance dominante. On ajoute évidemment que les chinois jubilent, que les russes sourient et que les fondamentalistes de tout poil espèrent d’autres victoires.

Un effet négatif d’image est-il une défaite historique ? Voilà la véritable question. Que s’est-il passé véritablement ? Tout simplement une tentative américaine de construire en Afghanistan un État moderne et démocratique. L’expression utilisée à outrance par la presse est « nation-building » : la construction d’une nation.

Le projet initial, après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, était beaucoup plus modeste : traquer les terroristes d’Al-Qaïda et les empêcher de faire de l’Afghanistan une base arrière. Mais pour des raisons complexes, la dérive vers la construction d’un État démocratique a eu lieu. Le fameux droit d’ingérence a même été invoqué puisqu’évidemment les droits de l’homme figurant dans la Déclaration universelle ne sont absolument pas respectés en Afghanistan, comme d’ailleurs dans tous les pays sous domination islamiste.

 

Du Moyen Âge au 21e siècle en 20 ans ?

Que de généreuses intentions ! Mais quelle naïveté ! Les sociétés moyenâgeuses ne sont pas moins complexes politiquement et sociologiquement que les sociétés développées d’Occident. Elles ne peuvent pas évoluer en quelques décennies vers la modernité, alors qu’il nous a fallu des siècles pour effectuer le parcours. Voilà une évidence que les occidentaux ont négligée. Il n’est pas infâmant de se tromper en cherchant à faire le bien.

L’Afghanistan restera encore longtemps une société tribale reposant sur un droit à caractère religieux. La charia sera à la base des normes de droit civil et pénal avec une domination totale des hommes sur les femmes et des châtiments corporels rappelant le 12e siècle occidental. La structure socio-économique du pays ne permet pas une évolution rapide. 85% des Afghans sont des paysans. La moitié des hommes et 80% des femmes ne savent pas lire. La démocratie de type occidental suppose d’abord et avant tout l’émergence d’une classe moyenne alphabétisée représentant la majorité de la population.

 

Échec historique de l’Afghanistan

Les États-Unis avaient la puissance militaire nécessaire pour écraser les talibans. Mais à quoi bon ? Une victoire militaire ne change rien à la réalité socio-économique du pays. On n’impose pas la liberté par la force. Le peuple doit la conquérir.

Contre toute évidence, nous avons donc essayé d’implanter une démocratie dans ce pays et nous avons échoué. Mais nous n’avons pas failli. L’échec géopolitique occidental n’est pas un échec historique. Nous avons mille fois raison. Le Moyen Âge, c’est le passé. Pour toute la planète, pas seulement pour les occidentaux. L’échec est du côté de l’Afghanistan puisque le nouveau pouvoir veut pétrifier la société traditionnelle au nom d’une interprétation littérale d’un vieux texte religieux datant de 1300 ans.

Le parallèle avec le Vietnam a parfois été tenté. Il a ses limites mais d’un point de vue idéologique, il est pertinent. Le retrait américain du Vietnam en 1975 ne signifiait pas que le communisme avait gagné historiquement. On l’a bien vu par la suite, avec l’effondrement de l’URSS. Et la Chine pourra-t-elle maintenir longtemps la féroce dictature de Xi Jinping si elle veut poursuivre son développement économique ?

 

Notre victoire : la liberté

L’autoflagellation constante des occidentaux par leurs propres médias n’est qu’une façon d’attirer l’attention du public. Elle ne  constitue pas une analyse historique. Notre liberté est notre plus grande victoire. Elle a désormais plusieurs siècles et nous a conduit vers le progrès scientifique et le développement économique. Nous avons foi en elle mais il ne nous appartient pas de l’imposer à quiconque. Nous sommes gens de bonne compagnie et nous partons si nous sommes de trop.

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