Présidentielles 2022 : premières manœuvres

24/09/2020

Patrick AULNAS

Le spectacle politicien n’est jamais très enthousiasmant, mais on peut s’en amuser un peu. Les préparatifs de la présidentielle 2022 ont commencé dans le cadre d’une reconfiguration du paysage politique français. Le gaullisme traditionnel, qui avait dominé la droite depuis les années 1960, fait désormais partie de l’Histoire. La social-démocratie, qui jouait un rôle important à gauche depuis 1945, s’est désormais dissoute dans une atomisation de petits partis.

Le macronisme élitaire de LREM, assez mal défini, s’oppose donc au nationalisme populiste du RN, caractérisé par son manque de cohérence. Il y a des chances non négligeables, quoiqu’on en dise, que le second tour de la présidentielle oppose à nouveau leurs deux leaders : Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ils représentent chacun un courant puissant de l’opinion et pour l’instant aucune reconquête ne se fait jour du côté de la droite et de la gauche traditionnelles. C’est ce point que nous allons examiner.

Des constantes subsistent : la droite cherche un chef ; la gauche cherche des idées.

 

LR à la recherche du leader perdu

Après la présidence de Nicolas Sarkozy et l’échec de François Fillon en 2017, aucune personnalité n’a émergé à droite. Laurent Wauquiez a tenté l’aventure mais totalement échoué. Apparaissant comme un opportuniste sans convictions, il est retourné gérer sa région Rhône-Alpes. Il n’a aucune chance de devenir candidat à la présidentielle.

Xavier Bertrand a quitté le parti Les Républicains (LR) pour se consacrer à la présidence de la région Hauts-de-France. Ce gaulliste social réussit plutôt bien dans une région traditionnellement de gauche mais, n’appartenant plus à LR, il peut difficilement être son candidat à la présidentielle. Pourtant, il se prépare sérieusement. Le défaut de leader interne à LR pourrait lui porter chance, mais il ne vaincra pas l’hostilité à son égard d’une partie de la droite.

Valérie Pécresse a également l’étoffe d’une candidate, mais n’appartient plus à LR et on ignore ses intentions. François Baroin apparaît comme l’un des seuls profils de présidentiable de LR, mais, politicien aguerri, il mesure bien les chances réduites de réussite de son parti. Il apparaît d’ailleurs comme particulièrement Macron-compatible.

Plus fondamentalement, pourquoi la droite aurait-elle un candidat ? La politique économique et sociale de Macron est celle qu’elle aurait voulu faire sans jamais en avoir le courage. La droite en est donc réduite à chercher de petites divergences d’analyse avec Macron dans le domaine régalien (immigration, sécurité). Mais comme il s’agit de la spécialité de Marine Le Pen, les leaders de droite manquent cruellement de crédibilité.

Les chances de la droite traditionnelle sont donc faibles. Cela s’explique aisément. L’électorat de droite veut désigner un chef. Il adore le leadership et ne se sent en sécurité que lorsqu’une personnalité charismatique lui montre le chemin de l’avenir. La droite n’a pas besoin d’idées fortes. Un homme fort lui suffit. Elle n’en a plus.

 

La gauche : « cherche idées éperdument »

Il en va tout autrement à gauche. La fonction politique de la gauche consiste à proposer un modèle de société pour le futur. Elle a, de ce point de vue, connu une réussite exceptionnelle au cours du 20e siècle. Le monde occidental dans son ensemble est désormais constitué de sociétés de type sociales-démocrates. Enseignement, prestations de santé, retraites, prestations familiales, prestations chômage, fiscalité progressive constituent un puissant ensemble redistributif dont n’aurait pas rêvé le plus utopiste des socialistes utopistes du 19e siècle. Autrement dit, le socialisme a accompli sa mission historique avec l’aide particulièrement précieuse de l’efficacité économique du capitalisme. Il n’a plus rien à proposer et il s’est donc effondré électoralement.

Il faudrait des idées nouvelles. Mais ce n’est pas le think tank trucmuche qui peut les élaborer. Les idées fortes sont rares et n’émergent pas comme les fleurs au printemps. Pour avoir des idées, il faut des penseurs. La gauche traditionnelle n’en a pas. Elle se contente donc d’écologiser ses propositions. Mais, productiviste par nature, elle se heurte au tropisme anti-technicien des militants écologistes. Le ralliement de la gauche sociale-démocrate à l’écologie est largement électoraliste.

L’idéologie écologiste a été déclinée politiquement de multiples façons de telle sorte que chaque parti possède désormais son écologisme grand public, depuis le localisme de l’extrême-droite (avatar contemporain du nationalisme) jusqu’au culte de la décroissance de la deep ecology.

Conformisme oblige, les propositions de gauche sont toutes désormais socio-écologiques. Le refrain de la transition écologique et solidaire est bien connu, mais évidemment il ne signifie pas du tout la même chose pour Jean-Luc Mélenchon et pour Julien Bayou, secrétaire national d’EELV, sans évoquer les radicaux d’Extinction Rebellion. Le repas écolo est à la carte. La gauche flotte donc sur l’air de temps sans concepts qui lui soient propres.

Quelles sont les certitudes et les conjectures actuelles ? Deux certitudes : les petits candidats trotskystes seront présents pour profiter de l’accès aux médias, Jean-Luc Mélenchon sera candidat. Ce sera la troisième fois, la fois de trop probablement car son image s’est dégradée.

Du côté des conjectures, il est possible de citer deux noms : Yannick Jadot, déjà candidat en 2017, et Anne Hidalgo, maire de Paris. Jadot pourrait être éliminé par ses pairs d’EELV au profit d’une personnalité plus radicale, par exemple le maire d’une des villes conquises en 2020 (Lyon, Grenoble, etc.) ou alors un obscur apparatchik d’EELV. Sans Jadot, désormais bien connu du grand public et conscient des réalités politiques, les écologistes perdraient probablement toute chance de faire un score honorable. Mais les militants choisiront et ils ont un goût prononcé pour l’échec.

Quant à Anne Hidalgo, son électorat de parisiens aisés supporte de plus en plus mal les inconvénients inhérents aux concentrations urbaines excessives. Elle s’est donc adaptée à la demande politique locale avec une lutte acharnée contre l’automobile. Elle a brillamment été réélue aux municipales de 2020 avec 49% des suffrages exprimés. Mais entre le bobo parisien et le provincial bien enraciné il n’y a pas seulement une différence de degré mais une différence de nature. La reine de Paris a de ce point de vue deux lourds handicaps : l’image de Paris, très négative en province ; l’écologisme bobo, abhorré par «  les territoires », pour reprendre la détestable expression dont se repaissent les élites.

 

Tactiques politiques

La droite traditionnelle est coincée entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ses chances dépendent surtout de la capacité de Macron à mordre ou non sur l’électorat de droite. Jusqu’à présent, il y parvient très bien, les soutiens actuels de Macron étant plus à droite qu’en 2017. La droite a donc des chances réduites de figurer au second tour.

Le sort de la gauche dépendra du nombre de candidats en lice au premier tour. Si aucun accord n’intervient entre les socio-démocrates et les écologistes pour une candidature unique, la gauche perd toutes ses chances par dispersion de l’électorat. Si une candidature unique sur une personnalité crédible se fait jour, par exemple Yannick Jadot ou Anne Hidalgo, la présence au second tour est envisageable, dans la mesure où Macron s’est déporté à droite et ne pourra sans doute pas remobiliser en sa faveur l’électorat de gauche.

Le phénomène Macron de 2016-2017, c’est-à-dire le surgissement d’une personnalité inconnue deux ans auparavant, ne peut se reproduire deux fois de suite. Vous pouvez donc en conclure que le futur président figure parmi les noms suivants : Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, François Baroin, Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Marine Le Pen, Emmanuel Macron. Les paris sont ouverts.

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