Peinture grecque

 
 

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Patrick AULNAS

8e - 2e siècle avant J.-C

En l'absence de précision toutes les dates citées se situent avant J.-C.

L'Antiquité grecque représente une période de plus d'un millénaire qui commence avec la chute de la civilisation mycénienne (1600-1000 environ). Les siècles obscurs, parce que mal connus (1200-800), constituent une transition entre la civilisation mycénienne et la civilisation grecque. Celle-ci apparaît vraiment au 8e siècle lorsque se constituent de petits territoires indépendants et politiquement structurés que nous appelons les cités. L'art de la Grèce antique est surtout connu par son architecture et sa sculpture car il en subsiste de nombreux témoignages. Mais les grecs, comme les Égyptiens, aimaient décorer les murs de de leurs édifices de fresques. Il reste assez peu de chose de cette peinture murale, mais des découvertes importantes ont cependant été faites à la fin du 20e siècle. La peinture sur panneau de bois était également répandue, comme en attestent certains écrits, par exemple l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien (voir ci-dessous, quelques extraits). La peinture sur céramique a mieux résisté à l'épreuve de temps et nous avons une connaissance approfondie des différents styles qui se sont succédés. Avant d'illustrer les principales réalisations de la peinture grecque, il n'est pas inutile de rappeler les grandes étapes de l'histoire de la Grèce antique.

 

Carte de la Grèce antiqueCarte de la Grèce antique

 

Les grandes étapes de l'Antiquité grecque

 

L'époque archaïque (800 à 500)

C'est à cette époque que se constituent les cités, entités politiques et territoriales indépendantes. Deux d'entre elles se développent et acquièrent une réelle puissance économique et militaire : Sparte et Athènes. Les cités grecques colonisent le pourtour nord du bassin méditerranéen. Marseille, par exemple (Massalia) est fondée par des colons grecs vers 600. L'alphabet grec apparaît, inspiré de celui des Phéniciens. Les jeux olympiques datent également de cette époque. Le pouvoir politique est ploutocratique (les plus riches gouvernent). La fin de cette période est marquée par la prise du pouvoir par des tyrans (grec : túrannos) qui s'appuient sur le peuple contre l'ancienne classe dirigeante.

En 510, à Athènes, le tyran Hippias est renversé et l'aristocratie reprend le pouvoir. Cette date marque traditionnellement la fin de l'époque archaïque.

La peinture de l'époque archaïque a une vocation purement ornementale. Elle n'existe pas en tant qu'art indépendant. Il s'agit donc de décorer des murs de tombeaux ou de temples ainsi que des poteries en céramique.

 

Cratère aux navires et guerriers (8e s.)Cratère aux navires et guerriers (8e s.)

Hauteur, 99 cm, diamètre 94 cm, Metropolitan Museum of Art, New York

 

L'époque classique (510 à 323)

Les historiens ont qualifié d'époque classique la période de l'apogée athénienne. La cité d'Athènes domine l'ensemble du monde grec d'un point de vue militaire, politique et culturel. Elle joue un rôle déterminant lors des guerres Médiques (498-479) contre les Perses. Périclès (495-429), homme d'État, stratège et orateur athénien, s'illustre militairement au cours des guerres du Péloponnèse (431-430) contre Sparte et favorise la démocratie et la culture. Le 5e siècle sera qualifié ensuite par les historiens de siècle de Périclès. Au 4e siècle, de multiples conflits entre les cités grecques apparaissent jusqu'à ce qu'Alexandre le Grand (356-323) conquiert l'ensemble de la région.

Les plus grands noms de la culture grecque antique datent de cette époque : Socrate (v. 470-399), Platon (v. 428-348), Thucydide (v. 460-395), Aristote (384-322). Dans le domaine pictural, la céramique à figures rouges se développe.

 

Le combat des Dieux et des Géants, détail (410-400)Le combat des Dieux et des Géants, détail (410-400)

Musée du Louvre, Paris.

 

L'époque hellénistique (323-146)

Après la mort d'Alexandre le Grand en 323, son empire est partagé et l'on entre dans une période de déclin relatif sur le plan politique. Cependant, l'usage de la langue grecque s'étend. C'est la raison pour laquelle certains historiens ont qualifié cette période d'hellénistique. Elle correspond en effet à une diffusion plus large de la langue et de la culture grecques, en particulier en direction de la République romaine. L'expansion militaire romaine va aboutir en 146 à la transformation de la Grèce et de la Macédoine en provinces romaines. Commence alors la dernière période de l'Antiquité grecque qualifiée couramment époque romaine. Si la culture et la langue subsistent, le pouvoir politique et la puissance militaire appartiennent désormais entièrement à Rome.

 

Tombe des palmettes, plafond (début 3e s)Tombe des palmettes, plafond (début 3e s)

 

 

La peinture grecque sur céramique

 

La terre cuite résiste beaucoup mieux au temps que le bois. S'il ne reste rien de la peinture sur bois de l'Antiquité grecque, nous disposons de vastes collections de céramique peinte réparties dans de très nombreux musées à travers le monde. Dès la Renaissance, certains artistes italiens s'étaient intéressés aux poteries antiques. Ainsi, au 15e siècle, les ancêtres de Giorgio Vasari fabriquaient des poteries en imitant celles de l'Antiquité découvertes dans la région d'Arrezzo en Italie. Mais les recherches ont surtout été actives à partir du 18e siècle. La décoration des récipients en terre cuite permet de remonter très loin dans le temps, avant même l'Antiquité grecque, puisque des objets décorés de la civilisation mycénienne (1600-1000) ont traversé le temps. On distingue couramment quatre styles successifs pour la décoration des poteries grecques antiques : géométrique, orientalisant, à figures noires, à figures rouges. Il ne faut cependant pas imaginer des ruptures brutales et des changements de style s'apparentant aux mouvements ou courants de l'art des 20e et 21e siècles. Les évolutions sont lentes et le passage d'un style à l'autre est progressif. Les dates fournies sont donc indicatives.

 

Le style géométrique (9e et 8e s.)

Dans un premier temps, seuls des motifs géométriques sont utilisés. Puis apparaissent des figures animales et humaines très stylisées.

 

Cratère-pyxis géométrique moyen (v. 800)Cratère-pyxis géométrique moyen (v. 800). Hauteur 55,5 cm, diamètre 38, 2 cm, cimetière du Dipylon (Athènes), musée du Louvre, Paris.  « Cette grande pyxis semble être plus un vase cinéraire qu'un coffret. La sphère parfaite de la panse est flanquée de deux anses. La surface du vase est couverte de motifs géométriques (méandres, dents de loup, zigzags, chevrons) disposés en zones séparées par des filets. La partie entre les anses est décorée d'un méandre à créneau hachuré flanqué de deux chevaux. » (Notice musée du Louvre)


Jarre attique (v. 740)Jarre attique (v. 740). Staatliche Antikensammlungen, Munich. Le style géométrique tardif se caractérise par des décors recouvrant l'ensemble de la surface du récipient.


Vase du Dipylon (8e s.)Vase du Dipylon (8e s.). Hauteur, 108 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Découvert dans le cimetière du Dipylon, à Athènes, ce vase de grande dimension est une urne funéraire qui contenait des offrandes faites au défunt. Les motifs géométriques subsistent, mais deux frises représentent un cortège funèbre. Par contre, aucune évocation de l'au-delà n'apparaît, contrairement à la peinture égyptienne.


Cratère aux navires et guerriers (8e s.)Cratère aux navires et guerriers (8e s.). Hauteur, 99 cm, diamètre 94 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. La décoration de ce cratère indique, selon les historiens, qu'il a été utilisé pour un rite funéraire. On y aperçoit un navire (un autre figure de l'autre côté) et des guerriers. Le style géométrique s'accompagne ici de décorations figuratives stylisées.


 

 

Le style orientalisant (7e siècle)

Avec l'expansion géographique de la Grèce, le commerce avec le Moyen-Orient se développe et des vases égyptiens sont commercialisés en Grèce, influençant la création locale. Ce style a donc été qualifié d'orientalisant par les historiens, mais en réalité il se caractérise principalement par le développement de scènes figuratives et le recul des motifs géométriques. La cité grecque de Corinthe est un des principaux centres de production de ces poteries dites orientalisantes. Une des variantes de ce style se développe dans les cités de Rhodes et de Milet. Elle a été qualifiée de style de la chèvre sauvage en raison des animaux stylisés, principalement des chèvres, constituant les motifs.

 

Les chèvres sauvages (640-630)Les chèvres sauvages (640-630). Œnochoé ionienne orientalisante, Rhodes (?) Milet (?), hauteur 39,50 cm, diamètre 30 cm, musée du Louvre, Paris. « La représentation de la "chèvre sauvage" donne son nom à ce style dont les formes privilégiées sont l'œnochoé, vase à verser le vin dérivant de modèles en bronze, et les plats avec ou sans pied. Le dessin au trait est accentué par des rehauts appliqués sur un engobe ivoire qui couvre la surface. Le décor animalier très stylisé, animaux fantastiques et réels, est réparti sur plusieurs zones. La surface est couverte d'éléments stylisés, triangles, svastikas, rosettes, motifs floraux abstraits. » (Notice musée du Louvre)


Cratère d'Eurytios (v. 600)Cratère d'Eurytios (v. 600). Hauteur 46 cm, diamètre 28,20 cm, Cerveteri (Caeré), Corinthe, musée du Louvre, Paris. « Le  "cratère d'Eurytios", exceptionnel par sa taille et la qualité de son décor, doit son nom à une aventure mineure d'Héraclès représentée sur sa face principale. Héraclès, de passage chez le roi Eurytios, participe à un concours de tir à l'arc ayant pour prix la main de la fille du roi, Iole, et tue accidentellement le frère de celle-ci, Iphitos ». (Notice musée du Louvre)


 

 

Le style à figures noires (7e et 6e siècles)

Les figures noires prennent naissance à Corinthe et il s'agit d'abord d'une manière de traiter les motifs représentés sur les poteries orientalisantes. La cité d'Athènes portera le style à son apogée. Il présente deux caractéristiques :

- des figures stylisées (végétales, animales ou humaines) noires sur fond d'argile ocre ou rouge ;

- éventuellement des incises, c'est-à-dire des lignes creusées dans l'argile sur les figures noires, faisant ainsi ressortir à nouveau la couleur de la terre cuite (voir ci-après Achille et Ajax jouant aux dés).

Techniquement, trois cuissons sont nécessaires et le potier doit faire preuve d'un savoir-faire précis en ce qui concerne le temps de cuisson, sinon les figures noires peuvent virer au rouge.

 

Coupe à l'oiseleur (v. 550)

Coupe à l'oiseleur (v. 550). Coupe ionienne à figures noires, Etrurie (?), hauteur 15 cm, diamètre 23,5 cm, musée du Louvre, Paris. « La scène qui décore toute la surface à l'intérieur de la vasque, très riche en petits détails pittoresques, semble être purement décorative. Un homme barbu, vêtu d'un pagne, se trouve entre deux arbres ou plutôt, en raison de la forme des feuilles, entre deux ceps de vigne présentés en perspective plongeante. Il tient les branches dans ses mains. Sur l'arbre, derrière lui, nous voyons un nid d'oiseau contenant quatre oisillons peints au vernis dilué. [...] C'est peut-être le dieu de la vigne et de la nature lui-même. D'autres voient en lui un oiseleur. » (Notice musée du Louvre)


Achille et Ajax jouant aux dés (v. 540)

Achille et Ajax jouant aux dés (v. 540). Hauteur 61 cm, signé par Exekias, musée du Vatican, Rome. Achille et Ajax sont des héros légendaires de la guerre qui opposa Sparte à Troie. Ils jouent aux dés tout en gardant leurs lances à portée de la main. A cette époque (6e siècle avant J.-C.), les scènes mythologiques sont devenues un motif dominant de la décoration des amphores. Les personnages restent encore représentés de profil comme dans la peinture égyptienne.


Labours et semailles (v. 530)

Labours et semailles (v. 530). Coupe à bande à figures noires, Athènes, hauteur 15 cm, diamètre 21,5 cm, musée du Louvre, Paris. « Plusieurs activités agricoles se déroulent autour de la vasque. Une scène de labour et deux scènes de semailles sont décrites sur la face principale. Au centre, un laboureur pousse une charrue tirée par une paire de bœufs. À droite, deux jeunes hommes sèment les graines contenues dans un petit panier tandis qu'à gauche, un homme les recouvre de terre à l'aide d'une pioche. » (Notice musée du Louvre)


 

Le style à figures rouges (6e et 5e siècles)

Visuellement, il y a inversion par rapport au style précédent : les motifs sont représentés en rouge ou ocre sur le fond noir de la céramique. La technique utilisée est différente puisqu'il faut noircir à la cuisson le fond et garder les figures de la couleur de l'argile. Sans entrer dans les détails de la technique de la poterie en terre cuite, il est nécessaire d'indiquer que la liberté créative du peintre est beaucoup plus importante avec les figures rouges. Il peut utiliser un pinceau fin pour affiner les détails et chercher un certain réalisme par des effets de représentation comme le raccourci. Le style à figure rouge, par la souplesse même de la technique, induit ainsi une évolution majeure dans l'art de peindre. Les personnages stylisés de profil des figures noires peuvent progressivement être remplacés par de véritables scènes à la composition complexe. En comparant, par exemple, les profils à figures noires d'Achille et Ajax et la composition subtile des Euménides d'Eschyle, on mesure le chemin parcouru.

Selon les connaissances actuelles, l'initiateur de la technique est un artiste anonyme que les historiens ont appelé le Peintre d'Andokidès, du nom d'un potier avec lequel il collaborait. Cet artiste était actif de 535 à 515 environ.

 

Héraclès et Athéna (v. 510)Héraclès et Athéna (v. 510). Amphore, hauteur 54 cm, diamètre 22,5 cm, peintre d'Andokidès, Staatliche Antikensammlungen, Munich. Héraclès (Hercule pour les romains) est l'un des grands héros de la mythologie grecque. Fils de Zeus et d'Alcmène, il participe à de multiples aventures au cours de ses voyages, son exploit le plus connu étant les douze travaux. Athéna (Minerve pour les romains), fille de Zeus et de Métis, est la déesse de la guerre et de la sagesse. On la nomme aussi Pallas Athéna. L'une de ses attributions consiste à conseiller les héros (elle est déesse de la stratégie militaire) et à les protéger. L'association d'Héraclès et d'Athéna sur cette amphore est donc totalement orthodoxe.


Le départ du guerrier (v. 510-500 avant J.-C.)Le départ du guerrier (v. 510-500 avant J.-C.). Hauteur 60 cm, signé par Euthymidès, Staatliche Antikensammlungen und Glyptithek, Munich. Un guerrier se prépare à partir pour la guerre et revêt son armure. Les personnes qui assistent le guerrier sont représentées de profil, mais le guerrier lui-même est de face. Son pied droit est de profil, mais le gauche est de face. Il est alors nécessaire d'utiliser la technique du raccourci pour se rapprocher de ce que capte l'œil humain.


Le départ du guerrier, détail (v. 510-500 avant J. C.)Le départ du guerrier, détail (v. 510-500 avant J. C.). L'invention du raccourci. Le pied gauche du guerrier est raccourci conformément à la vision humaine. Les orteils sont figurés par cinq petits cercles. L'artiste ne s'est pas contenté des formes conventionnelles,  compréhensibles par l'observateur de l'époque. Il a cherché à dépasser la narration par l'image pour montrer ce que l'on voit véritablement en regardant un pied de face. Ce détail marque une étape essentielle, mais il faudra attendre la Renaissance au 15e siècle pour en développer les conséquences. Le raccourci n'est pas la perspective.


La consultation médicale (480-470)La consultation médicale (480-470). Aryballe à figures rouges, Athènes, hauteur 8,80 cm, diamètre 8,60 cm, Peintre de la Clinique, musée du Louvre, Paris.  « Le décor de cet aryballe (vase à parfum) nous offre l'illustration unique d'une consultation médicale. Nous y voyons un médecin, assis, pratiquer une saignée dans le bras d'un patient debout devant lui. Celui-ci, peu rassuré, regarde avec inquiétude l'outil tranchant que tient le praticien. Un grand bassin, certainement destiné à recueillir le sang, se trouve à ses pieds. » (Notice musée du Louvre)


Le combat des Dieux et des Géants (410-400)Le combat des Dieux et des Géants (410-400). Amphore à figures rouges, Mélos, hauteur 69,50 cm, diamètre 32,40 cm, Peintre de Suessula, musée du Louvre, Paris. « Cette belle amphore aux anses torsadées et aux proportions élégantes, typique de la fin du Ve siècle av. J.-C., illustre la Gigantomachie, le combat des dieux contre les Géants. La légende raconte que les Géants, fils de Gaïa (la terre), s'étaient un jour rebellés contre les dieux et avaient tenté d'envahir l'Olympe à coups de rochers et d'arbres embrasés. Un oracle prédit alors que les dieux vaincraient, à la condition qu'un mortel leur soit associé. Zeus choisit son fils, Héraclès, qui fut chargé d'achever les Géants de ses flèches. » (Notice musée du Louvre)


Le combat des Dieux et des Géants, détail (410-400)

Le combat des Dieux et des Géants, détail (410-400)


Les Euménides d'Eschyle (380-370)

Les Euménides d'Eschyle (380-370). Cratère en cloche à figures rouges, Armento ( ?), hauteur 48,7 cm, diamètre 52 cm, Peintre des Euménides,  musée du Louvre, Paris. « Ce cratère est un très beau témoignage de l'importance de la tragédie attique du Ve siècle av. J.-C. dans le répertoire figuré de la céramique grecque produite en Italie du sud et dite "italiote". Le Peintre des Euménides doit son nom à son goût pour la scène d'ouverture des Euménides d'Eschyle, troisième volet de l'Orestie. Sur la scène principale, on voit la purification d'Oreste par Apollon à Delphes ainsi que l'ombre de Clytemnestre tentant de réveiller les Érinyes. » (Notice musée du Louvre)


Les Euménides d'Eschyle, détail 1 (380-370)

Les Euménides d'Eschyle, détail 1 (380-370). « Ce grand cratère en cloche, aux dimensions exceptionnelles, représente très précisément le début de la tragédie d'Eschyle, Les Euménides. La scène s'ouvre sur le sanctuaire d'Apollon à Delphes, symbolisé par un autel surmonté de l'Omphalos, le nombril du monde. Là s'est réfugié Oreste, fuyant les Érinyes, terribles déesses de la vengeance. Il tient encore le poignard avec lequel il a tué sa mère, Clytemnestre, vengeant ainsi son père. Derrière lui se tient Apollon qui d'une main tient une branche de laurier et de l'autre agite un porcelet au-dessus de la tête du jeune homme en un geste de purification. Artémis, sœur du dieu, se tient à ses côtés. » (Notice musée du Louvre)


Les Euménides d'Eschyle, détail 2 (380-370)Les Euménides d'Eschyle, détail 2 (380-370). « À gauche se déroule une autre scène, l'ombre de Clytemnestre essaie en vain de réveiller trois Érinyes dont deux endormies. » (Notice musée du Louvre)


 

 

La peinture murale grecque

 

Jusqu'à une époque récente, on croyait la peinture murale grecque à peu près disparue et seules les sources littéraires permettaient de se la représenter. Mais à la fin du 20e siècle, un certain nombre de monuments funéraires comportant des peintures assez bien conservées ont été découverts, permettant aux historiens spécialisés de se faire une idée plus précise des techniques et de l'esthétique picturales grecques (1) .

Il ne fait plus de doute que les grecs avaient acquis un savoir-faire de haut niveau dans le domaine pictural. La peinture sur céramique, eu égard à son caractère ornemental, ne peut en donner qu'une idée incomplète. Les parois des édifices, les sculptures, les tombeaux étaient revêtus d'une riche polychromie. Les spécificités des monuments funéraires (accès interdit, température constante du fait de leur implantation souterraine), ont permis une relative bonne conservation de certains décors intérieurs. De tels monuments étaient évidemment réservés aux riches et aux puissants. Il s'agit donc des tombes des familles royales ou de la haute aristocratie.

 

Tombe des palmettes, plafond (début 3e s)Tombe des palmettes, plafond (début 3e s.). Fresque. Sur le territoire de la petite ville de Lefkadia en Macédoine, située à proximité d'Édessa, se trouve le site archéologique de l'antique Miéza où enseigna Aristote. La tombe des Palmettes a été découverte par hasard en 1971 par des trafiquants d'antiquités et a fait depuis l'objet d'une fouille systématique par Katerina Rhômiopoulou. Des peintures murales réalisées en utilisant la technique de la fresque couvrent le plafond et les parois. Le plafond de l'antichambre est décoré « de six palmettes, ou anthémia, alternant avec de grosses fleurs qui rappellent des nénuphars aux immenses vrilles. » (Katerina Rhômiopoulou)


Tombe de Perséphone (v. 350)Tombe de Perséphone (v. 350). Fresque. À proximité de Vergina, dans le nord de la Grèce, se trouve l'ancienne Aigai, première capitale du royaume de Macédoine. De nombreux vestiges y ont été découverts, dont plusieurs tombes royales de l'époque de Philippe II (382-336), le père d'Alexandre le Grand. Dans une de ces tombes, une fresque représente l'enlèvement de Perséphone par Hadès. Dans la mythologie grecque, Hadès est le dieu des enfers, le roi des morts, alors que Zeus gouverne le ciel et Poséidon la mer. Hadès est marié à Perséphone qu'il enleva alors qu'elle était occupée à cueillir des fleurs. Selon Hésiode, « le prudent Zeus la lui accorda ». On distingue nettement, sur la fresque, Hadès sur son char qui tient Perséphone se débattant. A droite, une compagne de Perséphone assiste, effrayée, à l'enlèvement.


Tombes d'Amphipolis  (fin 4e s.)

Tombes d'Amphipolis  (fin 4e s.). Fresque. Amphipolis est une cité grecque de Macédoine orientale fondée par les athéniens en 437 av. J.-C. Elle fut abandonnée dans le courant du 8e siècle après J.-C. Des fouilles réalisées en 1999-2000 ont permis de découvrir près de huit cents tombes. Seules les tombes des plus hauts personnages comportent une décoration murale. Dans l'une de ces tombes, « une figure féminine est représentée assise sur un diphros (*), le corps légèrement tourné vers la gauche du spectateur. Elle semble refermée sur elle-même et une tristesse diffuse se lit dans son regard. » (Pénélope Malama)

(*) Tabouret à quatre pieds utilisé dans la Grèce antique.


 

 

Quelques peintres grecs vus par Pline l'Ancien

 

Pline l'Ancien (23-79), dans son Histoire naturelle (2), évoque longuement l'art de « la peinture et des couleurs » dans l'Antiquité. Il cite également de nombreux peintres et certaines de leurs œuvres les plus marquantes. Toutes ces peintures, qui ont disparu, suscitaient l'admiration de Pline.

 

Polygnote de Thasos est un peintre grec du milieu du 5e siècle av. J.-C. (470-440) qui aurait, selon Pline, introduit sur les visages l'expression des sentiments. « ...d'autres furent célèbres, comme Polygnote de Thasos, qui le premier peignit les femmes avec des vêtements brillants, leur mit sur la tête des mitres de différentes couleurs: il contribua beaucoup aux progrès de la peinture, car le premier il ouvrit la bouche des figures. Il fit voir des dents, et introduisit l'expression dans les visages, à la place de l'ancienne roideur. Il y a de lui, dans le portique de Pompée, un tableau placé jadis devant la curie de Pompée. Ce tableau représente un homme avec un bouclier; on ne sait si cet homme monte ou descend. Il a peint le temple de Delphes ; à Athènes, le portique appelé Pœcile ; et il a travaillé gratuitement à ce dernier avec Micon qui, lui, se faisait payer. »

 

Apollodore d'Athènes (5e siècle av. J.-C.) fut, selon Pline, le premier grand peintre. « Le premier il sut rendre la physionomie ; le premier, à juste titre, il contribua à la gloire du pinceau. Il y a de lui un prêtre en adoration, et un Ajax foudroyé ; cet ouvrage est aujourd'hui à Pergame. Il n'y a pas avant lui un tableau qui puisse attacher les regards. »

 

Zeuxis d'Héraclée (464-398 av. J.-C.) est un des plus célèbres peintres de la Grèce antique. Il est probable qu'il utilisait le trompe-l'œil et parvint à produire des effets de perspective en représentant des éléments d'architecture. Pline est très élogieux à son égard.  « Apollodore, ci-dessus nommé, fit sur ce peintre un poème où il disait que Zeuxis gardait pour lui l'art qu'il avait ravi aux autres. Zeuxis acquit tant de richesses, que, dans la parade qu'il en fit, il parada à Olympie avec son nom brodé en lettres d'or dans les tessères (compartiments carrés) de ses manteaux. Plus tard il se détermina à donner ses ouvrages, parce que, disait-il, aucun prix n'était suffisant pour les payer. C'est ainsi qu'il donna une Alcmène aux Agrigentins, un Pan à Archélaüs. Il fit une Pénélope, dans laquelle respire la chasteté [...]

Il eut pour contemporains et pour émules Timanthès, Androcyde, Eupompe, Parrhasius. Ce dernier, dit-on, offrit le combat à Zeuxis. Celui-ci apporta des raisins peints avec tant de vérité, que des oiseaux vinrent les becqueter ; l'autre apporta un rideau si naturellement représenté, que Zeuxis, tout fier de la sentence des oiseaux, demande qu'on tirât enfin le rideau pour faire voir le tableau. Alors, reconnaissant son illusion, il s'avoua vaincu avec une franchise modeste, attendu que lui n'avait trompé que des oiseaux, mais que Parrhasius avait trompé un artiste, qui était Zeuxis. »

 

Parrhasios d'Éphèse (ou Parrhasius) est un contemporain de Zeuxis. Pline le tient en grande estime mais le dépeint comme très fantaisiste. « Parrhasius d'Éphèse contribua beaucoup, lui aussi, au progrès de la peinture. Il a le premier observé la proportion, mis de la finesse dans les airs de tête, de l'élégance dans les cheveux, de la grâce dans la bouche, et, de l'aveu des artistes, il a remporté la palme pour les contours. C'est dans la peinture l'habileté suprême : rendre, en peignant les corps, le milieu des objets, c'est sans doute beaucoup, mais c'est en quoi plusieurs ont réussi ; au lieu que faire les extrémités des corps, bien terminer le contour de la peinture finissante, se trouve rarement exécuté avec succès ; car l'extrémité doit tourner et finir à promettre autre chose derrière elle, et, à faire voir même ce qu'elle cache. Tel est le mérite que lui ont accordé Antigone et Xénocrate, qui ont écrit sur la peinture ; et en beaucoup d'autres points ils ne confessent pas, ils exaltent son habileté [...] Il a peint un Archigalle, tableau que Tibère aima beaucoup. Ce prince, d'après Déclus Éculéon, le paya 60 000 sesterces et le plaça dans sa chambre à coucher. Il a peint une nourrice crétoise qui tient un enfant dans ses bras, Philiseus, Bacchus, avec la Vertu debout, à côté ; deux enfants, dans lesquels on voit la sécurité et la simplicité de leur âge ; un prêtre, qui a près de lui un enfant avec un encensoir et une couronne. [...] Artiste fécond, mais qui a usé avec plus d'insolence et d'orgueil que nul autre de la gloire de ses talents. Il se donna des surnoms, s'appelant Abrodiète (vivant dans le luxe), et, dans d'autres vers, se déclarant prince de la peinture, conduite par lui, disait-il, à la perfection. Surtout il se prétendait un rejeton d'Apollon, et se vantait d'avoir peint l'Hercule qui est à Linde tel qu'il lui était souvent apparu dans le sommeil. »

 

Timanthe est également un contemporain de Zeuxis et de Parrhasios. « Quant à Timanthe, il eut surtout de l'esprit. Son Iphigénie a été célébrée par les éloges des orateurs (Cic. de Orat. 22, §74) : l'ayant représentée debout, près de l'autel où elle va périr, il peignit la tristesse sur le visage du père, ne trouvant plus possible de lui donner l'expression convenable. On a encore d'autres preuves de son esprit, par exemple, son petit tableau du Cyclope dormant : pour faire sentir la taille du géant, il a peint des Satyres qui en mesurent le pouce avec un thyrse. C'est le seul dont les ouvrages donnent à entendre plus qu'il n'a peint ; et quoique le plus grand art s'y manifeste, on sent cependant qu'il y a encore plus d'esprit. Il a peint un héros, qui est un ouvrage très parfait, et a porté au plus haut point l'art de peindre les figures héroïques: cet ouvrage est actuellement à Rome, dans le temple de la Paix. »

 

Apelle de Cos (4e siècle av. J.-C.) est, pour Pline, le plus talentueux de tous les peintres grecs. «  Mais tous les peintres précédents et suivants ont été surpassés par Apelle de Cos, dans la cent-douzième olympiade. À lui seul presque il a plus contribué au progrès de la peinture que tous les autres ensembles ; et il a publié des livres sur les principes de cet art. Il eut surtout la grâce en partage. Il y avait de son temps de très-grands peintres : il admirait leurs ouvrages, il les comblait d'éloges, mais il disait qu'il leur manquait cette grâce qui était à lui (ce que les Grecs nomment charis) ; qu'ils possédaient tout le reste, mais que pour cette partie seule il n'avait point d'égal. Il s'attribua encore un autre mérite : admirant un tableau de Protogène d'un travail immense et excessif, il dit que tout était égal entre lui et Protogène, ou même supérieur chez celui-ci ; mais qu'il avait un seul avantage, c'est que Protogène ne savait pas ôter la main de dessus un tableau : mémorable leçon, qui apprend que trop de soin est souvent nuisible. [...]

Apelle avait une habitude à laquelle il ne manquait jamais : c'était, quelque occupé qu'il fût, de ne pas laisser passer un seul jour sans s'exercer en traçant quelque trait; cette habitude a donné lieu à un proverbe. Quand il avait fini un tableau, il l'exposait sur un tréteau à la vue des passants, et, se tenant caché derrière, il écoutait les critiques qu'on en faisait, préférant le jugement du public, comme plus exact que le sien. On rapporte qu'il fut repris par un cordonnier, pour avoir mis à la chaussure une anse de moins en-dedans. Le lendemain, le même cordonnier, tout fier de voir le succès de sa remarque de la veille et le défaut corrigé, se mit à critiquer la jambe : Apelle, indigné, se montra, s'écriant qu'un cordonnier n'avait rien à voir au-dessus de la chaussure ; ce qui a également passé en proverbe. Apelle avait de l'aménité dans les manières, ce qui le rendit particulièrement agréable à Alexandre le Grand : ce prince venait souvent dans l'atelier, et, comme nous avons dit (VII, 38), il avait défendu, par un décret, à tout autre artiste de le peindre. Un jour, dans l'atelier, Alexandre parlant beaucoup sans s'y connaître, l'artiste l'engagea doucement au silence, disant qu'il prêtait à rire aux garçons qui broyaient les couleurs ; tant ses talents l'autorisaient auprès d'un prince d'ailleurs irascible. Au reste, Alexandre donna une marque très mémorable de la considération qu'il avait pour ce peintre : il l'avait chargé de peindre nue, par admiration de la beauté, la plus chérie de ses concubines, nommée Pancaste ; l'artiste à l'œuvre devint amoureux ; Alexandre, s'en étant aperçu, la lui donna : roi grand par le courage, plus grand encore par l'empire sur soi-même, et à qui une telle action ne fait pas moins d'honneur qu'une victoire ; en effet, il se vainquit lui-même. Non seulement il sacrifia en faveur de l'artiste ses plaisirs, mais encore ses affections, sans égard même pour les sentiments que dut éprouver sa favorite en passant des bras d'un roi dans ceux d'un peintre. Il en est qui pensent qu'elle lui servit de modèle pour la Vénus Anadyomène. »

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(1) Le livre de référence dans ce domaine est Peinture et couleur dans le monde grec antique, sous la direction de Sophie Descamps-Lequime, coédition Musée du Louvre et 5 Continents.

Peinture et couleur dans le monde grec antique

 

(2) Pline l'Ancien, Histoire naturelle, Livre XXXV, Traitant de la peinture et des couleurs

- Livre XXXV complet :  http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre35.htm

- Livre XXXV, chapitres XXXV à XXXVII concernant les peintres grecs :

http://agora.qc.ca/documents/grece_antique--histoire_de_la_peinture_dans_la_grece_antique_des_origines_a_apelle_par_pline_lancien

 

Commentaires

  • A. M.
    Très bien. Bravo.
    AM
  • Guini Ania
    Bonjour,
    J'aimerais savoir ce que Giotto (et les peintres qui lui succèdent) connaissait de la peinture romaine antique, à part les textes de Pline l'Ancien ? Pompéi n'ayant été découverte qu'au XVIIIème s...
    Merci beaucoup, si vous avez des titres d'ouvrages sur ce sujet, je suis preneuse !
    Bonne journée et bravo pour votre site,
    Ania

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