Ambrogio Lorenzetti
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Patrick AULNAS
Biographie
v. 1290-1348
La vie de cet artiste important du 14e siècle se déroule principalement entre Sienne et Florence, deux villes distantes de 70 kilomètres. Ambrogio Lorenzetti naît à Sienne vers 1290 dans une famille dont on ignore tout mais attirée par l’art de peindre puisque son frère aîné Pietro (v. 1280-1348) devint également peintre. Les historiens s’accordent sur sa formation dans l’atelier de Duccio di Buoninsegna (v. 1255-1318), artiste majeur, avec Giotto (v. 1267-1337), du renouveau de la peinture occidentale à la fin du 13e siècle. A partir de critères stylistiques, certains historiens pensent même qu’Ambrogio Lorenzetti serait l’élève de Giotto et non de Duccio.
La première œuvre attribuée à l’artiste est une Vierge à l’Enfant réalisée en 1319 pour l’église de San Casciano in Val di Pesa, commune située entre Sienne et Florence.
Ambrogio Lorenzetti. Madone de Vico l'Abate (1319)
Tempera et or sur bois, 150 × 78 cm, musée de San Casciano, San Casciano in Val di Pesa.
La vie de Lorenzetti se partage ensuite entre Sienne et Florence. Quelques documents indiquent en effet la présence du peintre à Florence dans la décennie 1320 : une dette entraînant la saisie d’une peinture en 1321, une inscription à la corporation des métiers de la ville en 1328. En 1324, Lorenzetti acquiert une maison à Sienne. Sur le plan artistique, sa réputation locale est déjà solidement établie entre 1320 et 1330 et il reçoit de nombreuses commandes en provenance de Sienne et de Florence.
Au début de la décennie 1330, l’artiste travaille beaucoup à Florence pour créer certaines de ses œuvres majeures, comme le Triptyque de saint Procule.
Ambrogio Lorenzetti. Triptyque de saint Procule (1332)
Tempera et or sur bois, 171 × 57 cm (panneau central), 141 × 43 (panneaux latéraux), Galerie des Offices Florence.
Ambrogio Lorenzetti revient à Sienne vers 1335 et réalise avec son frère des fresques, aujourd’hui disparues, dans l'hôpital Santa Maria della Scala et dans la Basilique San Francesco. Il reçoit de nombreuses commandes religieuses de la région siennoise et, en 1337, la République de Sienne lui commande un ensemble de fresques allégoriques devant évoquer les effets du bon et du mauvais gouvernement sur la ville et la campagne. Ces fresques, représentant des paysages fortement animés par la présence des hommes, figurent parmi les premières véritables peintures paysagères de l’art occidental et préfigurent les paysages-monde du 16e siècle.
Ambrogio Lorenzetti. Effets du bon gouvernement sur la campagne (1337-39)
Fresque, Palazzo pubblico, Sienne.
Dans la dernière partie de sa vie, la créativité de d’Ambrogio Lorenzetti ne faiblit pas, bien au contraire. Le peintre apparaît comme un coloriste exceptionnel, osant des associations très innovantes, comme le montre sa Présentation au temple.
Ambrogio Lorenzetti. Présentation de Jésus au temple (1342)
Tempera et or sur bois, 257 ×168 cm, Galerie des Offices, Florence.
Ambrogio Lorenzetti meurt en 1348 au cours de l’épidémie de peste (dite peste noire) qui décime l’Europe et le monde au milieu du 14e siècle. Son frère Pietro et probablement toute la famille disparaissent également cette année-là. Cette pandémie a entraîné la mort d’environ 25 millions de personnes en Europe entre 1347 et 1352.
Giorgio Vasari évoque assez longuement l’œuvre d’Ambrogio Lorenzetti et il le décrit comme un homme cultivé et aimable :
« Ambrogio se retira ensuite à Sienne, où il passa le reste de ses jours. Dans sa jeunesse, il s’était adonné aux lettres avec succès ; aussi ses talents et son caractère aimable le firent rechercher par les gens de bien et de mérite, et lui procurèrent des emplois utiles et honorables dans sa patrie. Il vivait plutôt en gentilhomme et en philosophe qu’en artiste, et supportait avec une égale sérénité d’esprit le bien et le mal que lui envoyait la fortune » (*)
Œuvre
Avec Florence, Sienne était le principal centre économique, politique et culturel de la Toscane à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance. Les historiens ont donc qualifié École siennoise les réalisations picturales des artistes de cette ville du 13e au 15e siècle. Ambrogio Lorenzetti se classe, avec Duccio di Buoninsegna et Simone Martini, parmi les plus grands artistes de cette école au cours de la pré-Renaissance.
La peinture d’Ambrogio Lorenzetti se détache progressivement de l’austérité encore présente de l’art byzantin pour investir les figures religieuses de véritables émotions humaines. Fresques, polyptyques et œuvres de petit format sont l’occasion de représenter la Vierge, les saints et les scènes bibliques comme une idéalisation de l’humanité. La couleur, associée au fond or, joue un rôle majeur dans cette recherche. Dans ce domaine, Lorenzetti se libère progressivement de la rigueur de ses devanciers et devient l’un des plus grands coloristes du siècle.
Ambrogio Lorenzetti. Maestà (1335-36)
Tempera sur bois, 161 × 206,5 cm, Museo d’Arte Sacra di San Pietro all’Orto, Massa Marittima.
Le second aspect de l’œuvre du peintre l’amène, de façon très originale pour l’époque, sur le terrain politique. Quels sont les effets visibles du gouvernement des hommes sur le paysage urbain et sur la campagne ? Voilà la question à laquelle Ambrogio Lorenzetti a répondu avec brio dans ses fresques allégoriques sur le bon et le mauvais gouvernement.
Ambrogio Lorenzetti. Effets du mauvais gouvernement sur la campagne (1337-39)
Fresque, Palazzo pubblico, Sienne.
Tempera sur bois
Ambrogio Lorenzetti. Madone de Vico l'Abate (1319). Tempera et or sur bois, 150 × 78 cm, musée de San Casciano, San Casciano in Val di Pesa. « La Madonna di Vico l'Abate réalisée pour l'église de Sant'Angelo di Vico l'Abate près de San Casciano in Val di Pesa, et exposée au musée Giuliano Ghelli de San Casciano, est considérée comme la première œuvre parmi celles attribuables à Ambrogio Lorenzetti […] |
Ambrogio Lorenzetti. Vierge à l’Enfant avec Marie Madeleine et sainte Dorothée (v. 1325). Tempera sur bois, 90 × 53 cm (panneau central), 88 × 39 cm (chaque panneau latéral), Pinacoteca Nazionale di Siena. Les trois tableaux se trouvaient à l’origine dans l’église de l’ancien couvent de Santa Petronilla à Sienne et ils ont été recomposés en un triptyque conservé à la Pinacothèque de Sienne. Le peintre a voulu humaniser la Vierge à L’Enfant en représentant la tendresse maternelle. |
Ambrogio Lorenzetti. Triptyque de saint Procule (1332). Tempera et or sur bois, 171 × 57 cm (panneau central), 141 × 43 (panneaux latéraux), Galerie des Offices Florence. La Vierge à L’Enfant, à mi-corps, est entourée de saint Nicolas (à gauche) et de saint Procule (à droite). La Vierge, vêtue comme une femme de la noblesse du 14e siècle, a un geste de tendresse envers son Enfant, qui l’observe avec la bouche entrouverte. L’humanisation des figures divines, encore rare au début du 14e siècle, reste l’apanage des plus grands artistes. Le pendentif de corail rouge au cou de Jésus préfigure le sang de la Passion. Le soin exceptionnel apporté aux détails apparaît tout particulièrement dans les vêtements des trois personnages. |
Ambrogio Lorenzetti. Scènes de la vie de saint Nicolas (v. 1330-35). Tempera sur bois, 96 × 52 cm, Galerie des Offices, Florence. « Les deux épisodes représentés sont tirés de la vie de saint Nicolas, évêque de Myre (270-343), racontée dans La Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe siècle). Sur le tableau, les épisodes s’observent de bas en haut. |
Ambrogio Lorenzetti. Maestà (1335-36). Tempera sur bois, 161 × 206,5 cm, Museo d’Arte Sacra di San Pietro all’Orto, Massa Marittima. « Dans une composition pyramidale qui culmine au centre du retable se détachent, représentées à une échelle qui surpasse tous les autres personnages, les figures de la Vierge et de l’Enfant autour desquelles s’articule le programme iconographique complexe de cette Maestà. La typologie de la Vierge peinte par Ambrogio est inspirée du modèle byzantin de la Glikophilosa (**) déjà adopté dans les précédents grands modèles que sont la Maestà de Duccio ou celle de Simone Martini. Dans le cas présent, l’artiste renouvelle le thème en unissant dans une plus grande étroitesse les visages et les regards mutuels de la mère et de l’enfant, tout en évoquant une formule mise en œuvre plus discrètement par Duccio. Tous deux sont assis sur un trône hissé au sommet de trois marches. Ces marches, qui montent vers le trône marial, se distinguent les unes des autres par leur couleur respective, blanc, vert, rouge ; sur chacune d’elles, ont pris place trois figures féminines dont les ailes signalent le caractère allégorique : il s’agit des trois Vertus théologales – Foi, Espérance, Charité – que l’on peut identifier grâce à leurs attributs symboliques […] |
Ambrogio Lorenzetti. Vierge à l'enfant avec les saints Cécile, Pierre, Paul et Michel Archange (v. 1340). Tempera et or sur bois, 79 × 50 cm (Vierge à l’Enfant), 108 × 35 cm (les quatre saints), 55 × 20 cm (Rédempteur bénissant), Museo diocesano, Sienne. « Grâce à l’exposition qui a eu lieu à Sienne en 2017-2018, le polyptyque restauré a retrouvé la séquence originaire de ses différents compartiments, de part et d’autre de la Vierge à l’Enfant qui en occupe le panneau central, conformément à la description donnée par Uberto Benvoglienti […] |
Ambrogio Lorenzetti. Présentation de Jésus au temple (1342). Tempera et or sur bois, 257 ×168 cm, Galerie des Offices, Florence. Selon l’apôtre Luc, l’Enfant Jésus fut présenté au temple de Jérusalem où l’accueillit Syméon, qui avait été averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Christ. Syméon est le deuxième chef de l’église de Jérusalem et le cousin de Jésus-Christ selon la tradition. |
Ambrogio Lorenzetti. Annonciation (1344). Tempera et or sur bois, 130 × 150 cm, Pinacoteca Nazionale di Siena. L’archange Gabriel (à gauche) annonce à la Vierge Marie la naissance prochaine du Christ (maternité divine de la Vierge selon le dogme chrétien). Les paroles échangées ont été peintes, sortant de la bouche des protagonistes. L’archange prononce ces mots : "Je te salue Marie, toi comblée de grâce, le Seigneur est avec toi". La Vierge répond : "Je suis la servante du Seigneur." Cette Annonciation a été commandée au peintre par l’Office de la Gabelle de Sienne pour décorer un mur du Palais communal. |
Ambrogio Lorenzetti. La Charité de saint Nicolas de Bari (1342-44). Tempera sur bois, 30 × 20,5 cm, musée du Louvre, Paris. « La scène se déroule dans espace extérieur étroit qui s’ouvre vers l’intérieur d’une pièce dont l’une des parois s’enfonce dans la profondeur grâce à un effet de perspective crédible. Cet effet, d’une grande nouveauté, est renforcé par la présence du pilastre blanc qui, sur la droite, cache une grande partie des trois jeunes filles allongées dans le lit dont Gina Lullo dit que l’on "pourrait presque le toucher tant la couverture, le drap brodé et la douceur du long édredon semblent vrais". |
Les fresques des effets du bon et du mauvais gouvernement, Sienne (1337-1339)
En 1337, la République de Sienne commande à Ambrogio Lorenzetti un ensemble de fresques ayant pour thème les effets du bon et du mauvais gouvernement et devant orner la Sala dei Nove (la salle des Neuf) du Palazzo Pubblico de Sienne. Dans cette salle se réunissaient les neuf citoyens qui gouvernaient la République. Les fresques sont exécutées entre 1337 et 1339 et comportent plusieurs tableaux ayant pour thème successifs les effets du gouvernement sur la ville et la campagne, selon qu’il soit bon ou mauvais. Cette thématique offre l’occasion de peindre des paysages avec une approche morale.
Ambrogio Lorenzetti. Vue générale des fresques du bon gouvernement
La photographie représente les fresques concernant les effets du bon gouvernement dans la ville et la campagne. La taille de la Sala dei Nove (Salle du conseil des Neuf) est de 14 × 7,7 mètres.
Ambrogio Lorenzetti. Effets du bon gouvernement sur la ville (1337-39). Fresque, Palazzo pubblico, Sienne. L’opulence règne sur la ville et les artisans sont occupés par leurs activités productives. Un groupe de danseurs vient cependant égayer l’espace public. Ce paysage urbain est évidemment extrêmement idéalisé et ne comportent que palais et belles demeures. Les commanditaires étant les responsables politiques de Sienne, il était nécessaire de louer à l’excès leur réussite. |
Ambrogio Lorenzetti. Effets du bon gouvernement sur la ville, détail (1337-39). Des maçons travaillent à la construction d’un nouveau bâtiment. |
Ambrogio Lorenzetti. Effets du mauvais gouvernement sur la ville, détail (1337-39). Le mauvais gouvernement conduit au relâchement. Les bâtiments de la ville ne sont plus entretenus et se dégradent. |
Ambrogio Lorenzetti. Effets du bon gouvernement sur la campagne (1337-39). Fresque, Palazzo pubblico, Sienne. Ce vaste paysage permet de mettre en évidence les possessions de Sienne et la richesse de sa production agricole. Un tel paysage est une rareté à cette époque. Il préfigure le paysage-monde dans lequel excellera Joachim Patinir au début du 16e siècle. |
Ambrogio Lorenzetti. Effets du bon gouvernement sur la campagne, détail (1337-39). Lorenzetti ne cherche pas à restituer la réalité de la vie campagnarde. Il fait coexister des activités qui sont en réalité dissociées : semailles, moisson, battage du grain, vendanges. Le lien entre ville et campagne est symbolisé par le groupe de cavaliers à gauche qui sort de la ville pour aller chasser (un faucon est perché sur le bras tendu d’un cavalier). Il s’agit également de marquer le pouvoir de la noblesse sur le territoire : elle seule possède le droit de chasser. |
Ambrogio Lorenzetti. Effets du mauvais gouvernement sur la campagne (1337-39). Fresque, Palazzo pubblico, Sienne. La campagne subit les affres de la guerre. Les soldats parcourent les champs et détruisent les cultures. Les habitations sont incendiées |
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(*) Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (première édition 1550, remaniée en 1568, traduction Leclanché, 1841)
(**) La Madone Glycophilousa (terme grec : du doux baiser) ou Vierge de tendresse est une représentation de la Vierge à l’Enfant mettant l’accent sur la tendresse de la mère à l’égard de son enfant. La Vierge tient son enfant et lui donne ou s’apprête à lui donner un baiser sur la joue.
(***) Federico Carlini, Ambrogio Lorenzetti (cat. d’exp.), Silvana Editoriale, 2017.
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