Antonello de Messine

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Patrick AULNAS

 

Biographie

v. 1430-1479

Né vers 1430 à Messine, en Sicile, Antonello est le fils de Giovani di Antonio, tailleur de pierres et maçon, et de Garita ou Margherita. L’écrivain italien Pietro Summonte (1453-1526) le présente comme un élève extrêmement doué du peintre napolitain Antonio Colantonio, actif entre 1440 et 1470. Naples est, au milieu du 15e siècle, une ville portuaire majeure où transitent les navires de commerce ralliant le sud et le nord de l’Europe, en particulier la Flandre. La prospérité de l’élite napolitaine lui permet d’acquérir les peintures flamandes, particulièrement novatrices du fait de l’utilisation de la peinture à l’huile. Antonello di Antonio a donc pu, encore très jeune, se familiariser avec les primitifs flamands, en particulier Jan Van Eyck, dont il s’inspirera pour l’art du portrait. Contrairement aux affirmations de Giorgio Vasari, Antonello n’a cependant jamais rencontré Van Eyck puisque celui-ci est mort le 9 juillet 1441, date à laquelle le peintre sicilien n’était encore qu’un enfant.

Antonello di Antonio deviendra célèbre sous le nom d’Antonello da Messina.

 

Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (1460-69)

Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (1460-69)
Huile sur bois, 43 × 34 cm, National Gallery, Londres.

 

Au cours de la décennie 1450, Antonello se marie avec Giovanna Cuminella et devient maître peintre. Il obtient sa première commande en 1457. Il s’agit d’un gonfalone, c’est-à-dire d’un tabernacle à faces peintes porté pendant les processions et exécuté pour une confrérie de Reggio de Calabre. Il reste en Sicile jusqu’au début de la décennie 1470 et se consacre principalement à la réalisation de peintures religieuses dont la demande était importante.

Entre 1474 et 1476, il vit à Venise. La République de Venise est alors l’entité politique la plus riche d’Italie grâce au développement du commerce maritime. Les artistes talentueux y trouvent facilement des commanditaires et Antonello de Messine connaîtra alors une intense période de créativité. Vasari signale la célébrité acquise par l’artiste, allant bien au-delà de la Sérénissime République :

« Il peignit alors un grand nombre de tableaux à l’huile que l’on voit chez les gentilshommes vénitiens, et beaucoup d’autres au dehors. Il ne tarda pas à acquérir une immense renommée. Il déploya tout son savoir dans un tableau qu’il exécuta pour l’église de San Cassiano. Les figures de cette composition, d’une beauté remarquable et d’un dessin correct, furent couvertes d’éloges. » (*)

Il ne subsiste aujourd’hui qu’une partie de ce retable :

 

Antonello de Messine. Retable de San Cassiano (1475)

Antonello de Messine. Retable de San Cassiano (1475)
Huile sur bois, 115 × 133 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

 

Antonello de Messine retourne en Sicile en 1476 et y passe les dernières années de sa vie en continuant à peindre. Il meurt à Messine en février 1479, à l’âge de 49 ans.

 

Œuvre

L’œuvre d’Antonello de Messine comporte des scènes religieuses et des portraits. C’est incontestablement dans le domaine du portrait qu’il excelle et innove. Ses chefs-d’œuvre religieux sont d’ailleurs des « portraits » de la Vierge ou du Christ et non de grands retables d’autel. Seuls des portraits masculins nous sont parvenus.

Le premier portrait connu d’Antonello est aussi le plus célèbre car le modèle sourit, chose tout à fait nouvelle et même provocatrice à cette époque.

 

Antonello de Messine. Le marin inconnu (1465-75)

Antonello de Messine. Le marin inconnu (1465-75)
Huile sur bois, 31 × 24,5 cm, musée Mandralisca, Cefalù.

 

L’art du portrait peint, qui avait connu un développement important dans l’Antiquité, s’était évanoui au Moyen Âge. Jusqu’au 15e siècle, seuls quelques portraits de profil, inspirés de ceux figurant sur les monnaies métalliques, représentent des personnages importants. Le portrait en buste, de trois quarts, c’est-à-dire dans une position intermédiaire entre le portrait de face et de profil, apparaît d’abord en Flandre. Dès la première moitié du siècle, Jan Van Eyck réalise des portraits comportant une analyse très fine du visage, par exemple celui du Cardinal Niccolò Albergati (1431-32). Les portraits flamands, à l’huile sur panneau de bois, font alors l’admiration des élites italiennes et inspirent les artistes locaux.

Antonello de Messine apparaît comme un portraitiste particulièrement original par son souci de vérité et de justesse psychologique. Le modèle regarde le spectateur, suscitant un dialogue visuel conduisant à une réflexion sur le caractère du personnage. Antonello n’idéalise pas son modèle et ne met pas en valeur son statut social, il constate sa réalité. La distance avec les chefs-d’œuvre à peu près contemporains d’artistes comme Sandro Botticelli, est tout à fait considérable. Botticelli cherche à magnifier son modèle, Antonello à saisir sa vérité profonde.

 

Sandro Botticelli. Portrait de jeune femme (1480-85)

Sandro Botticelli. Portrait d'une jeune femme (1480-85)
Tempera sur bois, 82 × 54 cm, Städelsches Kunstinstitut, Frankfurt.

Antonello de Messine. Portrait d’homme (v.1475-76)

Antonello de Messine. Portrait d’homme (v.1475-76)
Huile sur bois, 35 × 24 cm, National Gallery, Londres.

 

Les scènes religieuses de l’artiste comportent de nombreuses représentations de figures uniques du Christ et de la Vierge. Là encore, Antonello entend transmettre l’intériorité du personnage, comme dans cette Vierge de l’Annonciation (1476) où la présence de l’archange Gabriel est tout juste suggérée par un geste d’étonnement de la main, le regard restant serein mais interrogateur.

 

Antonello de Messine. Vierge de l’Annonciation (v. 1476)

Antonello de Messine. Vierge de l’Annonciation (v. 1476)
Huile sur bois, 45 × 34,5 cm, Galleria Regionale della Sicilia, Palerme.

 

On retrouve ces caractéristiques dans les grands retables, comme celui de San Cassiano (1475), pour lesquels l’influence de Giovanni Bellini doit être soulignée. Le paysage infini apparaît dans les majestueuses crucifixions du peintre, avec un souci du détail concernant tant les éléments d’architecture que les figures lointaines.

 

Antonello de Messine. Calvaire (1475)

Antonello de Messine. Calvaire (1475)
Huile sur bois, 53 × 43 cm, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen.

 

Scènes religieuses

Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (1460-69)

Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (1460-69). Huile sur bois, 43 × 34 cm, National Gallery, Londres. La National Gallery indique : « Possibly by Antonello da Massina ».
« La Vierge Marie regarde vers son petit enfant, le Christ, qui tient une grenade dans son poing. Le fruit, au jus rouge sang, symbolise la torture et la mort lors de la crucifixion.
Marie était également considérée comme la Reine du Ciel et son couronnement par le Christ était un sujet courant dans la peinture de la Renaissance. Ici, deux minuscules anges placent une couronne en or massif incrustée de perles et de pierres précieuses sur sa tête. La magnificence de la couronne s’harmonise avec celle de la robe de brocart, du manteau orné de bijoux et du voile translucide.
L’excès de détails décoratifs est inspiré des peintures des artistes néerlandais du XVe siècle, qui aimaient représenter une variété de textures et de finitions avec précision, ce qui a été rendu possible par leur grande habileté à peindre à l’huile. Ce tableau est certainement l’œuvre d’un artiste cherchant à évoquer le style de ses homologues d’Europe du Nord. » (Commentaire National Gallery)

Antonello de Messine. Christ bénissant (v. 1465)

Antonello de Messine. Christ bénissant (v. 1465). Huile sur bois, 39 × 30 cm, National Gallery, Londres. « Le Christ bénit le spectateur de la main droite. Antonello a modifié la position originale des doigts et de la main, les raccourcissant – c’est-à-dire comprimant leur longueur réelle – de sorte qu’ils semblent se projeter hors de l’image. Si vous regardez attentivement, vous pouvez voir les contours de leur position initiale, maintenant visibles car la peinture s’est amincie au fil du temps.
Ce type de représentation du Christ s’inspire des peintures néerlandaises devenues fréquentes au XVe siècle. La vue de face est basée sur l’empreinte du visage du Christ qu’il aurait laissée, selon la légende, sur le voile de sainte Véronique alors qu’il approchait du site de la crucifixion. Antonello utilise des couches de glacis de peinture à l’huile pour représenter une gamme de textures, peignant l’image du Christ aussi nettement que s’il s’agissait d’un portrait. » (Commentaire National Gallery)

Antonello de Messine. Christ couronné d’épines (v. 1470)

Antonello de Messine. Christ couronné d’épines (v. 1470). Huile et tempera sur bois, 42,5 × 30,5 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. « Artiste d’une étonnante originalité, Antonello a combiné la maîtrise néerlandaise de la description et l’art italien de la présentation formelle et de l’expression. Ce tableau peut être daté de 1470. Pour accroître l’incitation à la méditation, le Christ est représenté derrière un parapet, convention qu’Antonello a transposée à partir du portrait. Cet accessoire renforce l’effet de présence physique et de souffrance du Christ : « Homme de douleur et habitué à la souffrance » (Esaïe 53:3). » (Commentaire MET)

Antonello de Messine. Ecce Homo (v. 1473)

Antonello de Messine. Ecce Homo (v. 1473). Huile sur bois, 48,5 × 38 cm, Collegio Alberoni, Piacenza. Selon la tradition chrétienne, Jésus Christ a été battu et couronné d’épines. Il doit être crucifié. Ponce Pilate, préfet de Judée, le présente à la foule en disant : Ecce homo (Voici l’homme). Le peintre reprend le thème traité en 1470 (ci-dessus) et accentue la puissance expressive en renonçant à un certain sentimentalisme.

Antonello de Messine. Retable de San Cassiano (1475)

Antonello de Messine. Retable de San Cassiano (1475). Huile sur bois, 115 × 133 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne. « Le retable de l’église de San Cassiano à Venise, scié au 17e siècle et donc conservé uniquement comme fragment, montrait à l’origine la Vierge et huit saints trônant dans un intérieur d’église (aujourd’hui : Nicolas de Bari, Anastasia (?), Ursula, Dominique et Hélène). Ce type de retable était tout aussi novateur par le sujet (Conversation sacrée) que par la technique. La peinture à l’huile, qu’Antonello avait découverte à Naples par l’intermédiaire de peintres franco-flamands, était utilisée pour la première fois à Venise. » (Commentaire Kunsthistorisches Museum)

Antonello de Messine. Calvaire (1475)

Antonello de Messine. Calvaire (1475). Huile sur bois, 53 × 43 cm, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen. « Les deux larrons, le bon et le méchant, sont attachés fermement sur deux arbres tronqués. Les corps sont représentés de manière très réaliste. Sur le sol, Marie et Jean, l’apôtre préféré du Christ, sont en deuil. Le crâne représente Adam […]
L’œuvre contient de nombreux symboles traitant de la mort et de la résurrection. Ainsi, le hibou représente les Juifs et les pécheurs qui se sont détournés de la vraie foi. L’oiseau de la nuit se détourne de la lumière du jour. Les serpents qui se glissent à travers le crâne évoquent la mort et le diable. Derrière la croix, une nouvelle brindille jaillit d’un vieux tronc, symbolisant la relation entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. L’œuvre, réalisée avec la technique de la peinture à l’huile, indique l’influence des Primitifs flamands sur le peintre sicilien. » (Commentaire Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen)

Antonello de Messine. Saint Jérôme dans son étude (v. 1475)

Antonello de Messine. Saint Jérôme dans son étude (v. 1475). Huile sur bois, 46 × 36 cm, National Gallery, Londres. « Antonello a peint ce portrait de saint Jérôme alors qu’il était au sommet de ses capacités techniques et artistiques. Rendant hommage aux peintres néerlandais du XVe siècle, il a construit pour le saint un vaste décor à plusieurs niveaux, regorgeant d’accessoires. Chaque détail est peint avec précision, son habileté dans la technique de la peinture à l’huile lui permettant d’imiter toute une gamme de textures et de finitions.
Né au IVe siècle, Jérôme a eu une excellente éducation en théologie et en littérature classique à Rome avant de quitter la ville pour échapper à de nombreuses tentations et de se rendre à Bethléem. Il a vécu dans le désert entourant la ville pendant un certain temps, se familiarisant avec un lion, et plus tard il a créé un monastère où il a commencé son travail de traduction de la Bible du grec au latin. Sa traduction, qui permettait aux non-hellénistes d’accéder au texte sacré, est connue sous le nom de Vulgate et est encore utilisée par l’Église catholique aujourd’hui. Il est généralement représenté habillé comme un cardinal dans de longues robes rouges et un chapeau à large bord correspondant à son statut et à son importance dans l’Église catholique.
Cette œuvre a très probablement été réalisée pour un mécène important qu’Antonello tenait à impressionner et à ravir. Il a soigneusement réfléchi à la composition du tableau, ainsi qu’au sujet lui-même : un mur de pierre fictif, percé d’une large arche, crée un espace d’étude solitaire pour Jérôme tout en invitant le spectateur à jeter un coup d’œil dans l’environnement, comme s’il regardait dans une maison de poupée. Un rebord sépare le spectateur du saint et de son domaine, fournissant une frontière visible entre le monde réel et le monde peint. Il est gardé par deux oiseaux : une perdrix, qui symbolise la vérité – on pensait qu’une perdrix reconnaissait toujours l’appel de sa mère – et un paon, symbolisant l’immortalité – leur chair ne se décomposait jamais.
Le bureau de Jérôme est placé sur un espace surélevé sous un haut plafond voûté inspiré d’une cathédrale. Le cadre austère, gothique, ecclésiastique, avec ses colonnes élancées et ses arcs, qui pourraient représenter le monastère du saint, est animé par les carreaux colorés. Le lion, compagnon du saint, marche dans l’allée et nous voyons un paysage pastoral ensoleillé à travers les fenêtres rectangulaires. Jérôme est assis à son bureau sur une chaise arrondie appelée cathedra, normalement réservée aux clercs de haut rang, généralement des évêques, afin d’affirmer leur statut. L’étude ressemble à un ensemble actuel, construit à cet effet avec des étagères et un bureau intégrés, l’ensemble de la structure étant surélevé sur une plate-forme accessible par une petite volée de marches intégrées. Nous savons que ce genre d’étude existait réellement au XVe siècle ; la description de l’étude de Lorenzo di Pierfrancesco de Medicis dans l’inventaire de 1498 est étonnamment similaire : " un grand bureau ... avec des planches et un dossier, et avec un placard avec une corniche en noyer, et des compartiments décorés d’incrustations. Sous le bureau, où l’on met les pieds, se trouve une plate-forme en bois surélevée. "
Sur les étagères de l’étude sont posés des objets appartenant à Jérôme, créant un ensemble de natures mortes miniatures comprenant des livres ouverts et fermés, un vase en céramique et un pot. Un crucifix est suspendu au-dessus du bureau. L’imitation minutieuse par Antonello de la texture des surfaces, qu’elles soient rugueuses ou brillantes, froides ou chaudes, rappelle l’approche de Jan van Eyck lorsqu’il peint les accessoires insérés dans son portrait de Giovanni Arnolfini et de sa femme. Il y avait à Naples, où Antonello a travaillé pendant un certain temps en 1456, une peinture de van Eyck représentant Saint Jérôme dans son bureau. Il est possible qu’il l’ait vue là-bas. » (Commentaire National Gallery)

Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (v. 1475)

Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (v. 1475). Huile et tempera sur bois, 58 × 43 cm, National Gallery of Art, Washington. Cette Vierge très maternelle, peinte sur un fond paysager, préfigure la peinture du 16e siècle. D’autres grands artistes s’étaient engagés dans cette voie à la même époque, par exemple Filippo Lippi (Vierge à l'enfant et deux anges, 1465), mais le dépouillement des figures d’Antonello n’a pas d’équivalent. Il refuse l’abondance décorative pour se concentrer exclusivement sur l’émotion émanant des visages et des gestes, c’est-à-dire sur l’intériorité.

Antonello de Messine. Vierge de l’Annonciation (v. 1476)

Antonello de Messine. Vierge de l’Annonciation (v. 1476). Huile sur bois, 45 × 34,5 cm, Galleria Regionale della Sicilia, Palerme. Le thème de l’Annonciation était courant à la fin du 15e siècle, mais Antonello le traite d’une manière très personnelle.  Selon la tradition chrétienne, l’archange Gabriel annonce à la Vierge Marie la naissance prochaine du Christ (maternité divine de la Vierge selon le dogme chrétien). L’archange apparaît donc aux côtés de la Vierge sur presque toutes les représentations de la scène. Ici, l’artiste a voulu étudier la réaction de surprise de Marie, occupée à lire et qui se rend compte de la présence de l’archange, qui n’apparaît pas sur le panneau.
Le choix atypique d’Antonello ne se limite pas là. La Vierge, très simplement vêtue, n’a qu’un geste d’étonnement avec la main, son visage restant parfaitement serein. Le regard n’est pas tourné vers le spectateur mais intériorisé, pour signifier une apparition. La palette réduite et l’arrière-plan sombre contribuent également à placer ce petit tableau au niveau des chefs-d’œuvre de l’époque.

Antonello de Messine. Le Christ à la colonne (v. 1476)

Antonello de Messine. Le Christ à la colonne (v. 1476). Huile sur bois, 30 × 21 cm, musée du Louvre, Paris. « Avec le développement de la piété individuelle, le XVe siècle voit se multiplier partout en Europe des images dites de dévotion dont la fonction première était de conduire le fidèle à la prière et à la méditation. Conçues pour des intérieurs domestiques, ces images peintes étaient le plus souvent de petite taille. La plupart d'entre elles présentaient une seule effigie sacrée tronquée aux épaules, ce cadrage favorisant l'idée de proximité avec le spectateur. » (Commentaire ministère de la Culture)

Antonello de Messine. Saint Sébastien (v. 1478)

Antonello de Messine. Saint Sébastien (v. 1478). Huile sur bois, 171 × 85 cm, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde. « Antonello da Messina a placé le martyre de Saint Sébastien à Venise, comme l’indique l’arrière-plan avec la lagune et les cheminées typiques. Venise était l’une des plus grandes villes commerciales européennes, un centre d’échange des produits de luxe exotiques. C’est par ce trafic commercial que les deux tapis représentés ont atteint la ville. Fabriqués en Anatolie, ils étaient un élément de décoration recherché dans toute l’Europe. On les retrouve également dans les peintures d’artistes néerlandais, par exemple Johannes Vermeer.
Antonello da Messina a peint ce tableau pour la Confrérie de Saint-Roch à Venise. Cette scuola a été fondée en 1478, lorsque la cité lacustre a de nouveau été frappée par la peste. Au centre de l’autel de l’église de San Giuliano se trouvait une sculpture de saint Roch. Cette sculpture était flanquée du panneau de saint Sébastien et d’une représentation aujourd’hui perdue de saint Christophe. Les trois saints étaient vénérés dans la lutte contre la peste.
L’artiste, venu de Sicile, séjourna à Venise en 1475-76. Ce Saint Sébastien a été créé peu de temps après son retour à Messine. Avec la perspective très profonde, la représentation du supplicié encore vivant et le traitement sculptural du nu, l’artiste réalise une véritable prouesse artistique du début de la Renaissance. Avec ce tableau, Antonello da Messina cherche délibérément à se confronter (italien paragone) à ses pairs, les peintres vénitiens. (Andreas Henning) ». (Commentaire Gemäldegalerie Alte Meister)

NB : Le paragone (comparaison), était un débat de la Renaissance italienne au cours duquel il s’agissait de prouver la supériorité de la peinture ou celle de la sculpture, parfois même de l'architecture.

 

Portraits

Antonello de Messine. Le marin inconnu (1465-75)

Antonello de Messine. Le marin inconnu (1465-75). Huile sur bois, 31 × 24,5 cm, musée Mandralisca, Cefalù. « Le Portrait d’un homme ou Portrait du Marin Inconnu est le deuxième sourire le plus célèbre au monde, après celui de La Joconde. Cette peinture à l’huile sur bois (31×24,5 cm) peinte par Antonello da Messina, datée entre 1460 et 1475, a été offerte par le baron philanthrope Pirajno de Mandralisca, qui s’intéressait grandement à la peinture, et qu’il reçut lors de l’un de ses voyages à Lipari (tout du moins c’est l’histoire racontée à ce jour).
Le Baron se trouva face à une peinture sur bois représentant un homme au profil marqué, un étrange sourire aux lèvres. Un sourire ironique, cinglant et en même temps amer, comme si derrière cette expression il y avait un monde intérieur à découvrir. Un sourire moqueur de celui qui, conscient du présent, entrevoit le futur, un tableau mystérieux qui renferme encore aujourd’hui des secrets, en partie révélés dans une récente étude réalisée par Sandro e Salvatore Varzi e Alessandro Dell’Aira., étude dans laquelle il est dit que le visage peint n’est pas celui d’un marin de Lipari.
C’est un sceau, un emblème épiscopal, à l’arrière du tableau, qui a ouvert une piste pour arriver à l’identité du protagoniste du chef-d’œuvre d’Antonello da Messina. Loin d’être celle d’un marin, l’énigmatique expression appartient à un puissant évêque-ambassadeur, précepteur de Ferdinand II d’Aragon, roi d’Espagne et de Sicile, celui qui, avec sa femme Isabelle de Castille, finança l’entreprise de Colomb. Il s’appelle Francesco Vitale, originaire des Pouilles, et a dirigé le diocèse de Cefalù de 1484 jusqu’à sa mort en 1492.
Seule certitude, l’auteur du tableau est bien Antonello da Messina comme certifié en 1860 dans l’expertise menée par Giovan Battista Cavalvaselle. » (Commentaire musée Mandralisca)

Antonello de Messine. Portrait d’un jeune homme (v. 1470)

Antonello de Messine. Portrait d’un jeune homme (v. 1470). Huile sur bois, 27 × 21 cm, Metropolitan Museum of Art. « Formé à Naples à la technique néerlandaise de la peinture à l’huile, Antonello a établi la norme du portrait lorsqu’il est venu de Sicile à Venise en 1475. Bien avant Léonard de Vinci, il a introduit le sourire naissant comme une indication de la vie intérieure du modèle, enveloppant ses traits d’une douce lumière et engageant le spectateur avec son regard direct. L’image contredit ainsi l’opinion négative souvent exprimée selon laquelle la peinture était une simple représentation de l’apparence extérieure d’une personne, et non de son caractère. » (Commentaire MET)

Antonello de Messine. Le condottiere (1475)

Antonello de Messine. Le condottiere (1475). Huile sur bois, 36 × 30 cm, musée du Louvre, Paris. Un condottiere est un chef militaire employant des mercenaires et se mettant au service des familles nobles détenant le pouvoir politique. Le musée du Louvre signale une hypothèse d’identification du modèle : « Selon Favilla et Rugolo (2019), le modèle pourrait être Giorgio Corner (1452-1527), frère de Catherine Corner (ou Cornaro) (née le 25 novembre 1454 à Venise, morte le 10 juillet 1510), reine de Chypre. »
Théophile Gautier appréciait beaucoup ce portrait et le décrit avec des éloges : « Il a imprimé, à cette dure et farouche physionomie, un tel cachet de vie, de force et de réalité, qu'il vous semble avoir l'homme devant les yeux, l'homme physique et l'homme moral. C'est l'absolu du portrait. Le style le plus fier s'y allie admirablement à la vérité la plus exacte. Le dessin serre les formes avec une précision étonnante, et une couleur inaltérable, comme celle de la mosaïque, s'étend sur un modelé d'une finesse et d'une vigueur sans rivales. Ici, dès son premier pas, l'art avait atteint son but. Depuis, on a fait autrement mais non pas mieux. » (Cité par https://www.tableauxcelebres.com/oeuvres/peinture/portrait-d-homme-dit-le-condottiere.html)

Antonello de Messine. Portrait d’homme (v.1475-76)

Antonello de Messine. Portrait d’homme (v.1475-76). Huile sur bois, 35 × 24 cm, National Gallery, Londres. « Ce tableau était autrefois considéré comme un autoportrait, erreur résultant probablement de l’interprétation erronée d’une inscription sur son cadre d’origine. Mais le regard de l’homme est si sérieux qu’il pourrait être pris pour un artiste examinant son reflet.
Les portraits d’Antonello ont atteint un niveau d’intensité jamais atteint auparavant en Italie. Seuls 12 de ses portraits ont survécu et ont tous le même format : les modèles – tous des hommes – sont représentés en buste (tête et épaules seulement, ils ressemblent donc à une sculpture en buste), placés sur des fonds sombres et éclairés par une lumière forte et froide. Tous les portraits présentent un cadre resserré et les modèles regardent directement le spectateur. Faute d’arrière-plan, seuls le visage et l’expression du modèle permettent une interprétation, invite à nous concentrer sur le caractère plutôt que sur les manifestations extérieures de statut ou de richesse.
Antonello a adopté ce format en s’inspirant des peintures réalisées en Flandre – un exemple type étant l’autoportrait de van Eyck, réalisé en 1433. Antonello était originaire de Sicile et il est parfois indiqué que sa connaissance de la peinture des Pays-Bas et son habileté à utiliser la peinture à l’huile ont été développées grâce à la formation qu’il y a reçue. Il aurait introduit ce médium à Venise quand il s’y est rendu en 1475. Mais cela est très improbable car la peinture à l’huile était utilisée dans le nord de l’Italie dès le début du XVe siècle.
Antonello semble avoir affiné sa technique à Venise, car, avec ses contemporains vénitiens, il a adopté avec enthousiasme la technique de la peinture à l’huile. Ses tableaux se distinguent par leur imitation de la précision et du raffinement des œuvres d’artistes flamands, extrêmement populaires à Venise. La peinture à l’huile lui a permis de représenter une gamme de textures : son éclat permet la brillance des grands yeux de l’homme, par exemple. Il a également gratté la peinture pour obtenir l’effet d’individualisation des cheveux sur la tête de l’homme.
Une peinture plus légère a été utilisée pour les reflets lumineux sur le bout du nez de l’homme et sur ses pommettes. Le dessous de son menton et le côté gauche de sa mâchoire restent dans l’ombre. Entre ces extrêmes de lumière et d’ombre se trouvent de nombreux tons moyens qui rendent ces transitions subtiles et naturalistes. Il n’y a pas de lignes apparentes entre la partie la plus pâle de sa peau, sous son œil droit, et la zone juste au-dessus, sous son sourcil. En variant les tons de cette manière subtile, Antonello obtient un effet tridimensionnel où la tête semble émerger de l’obscurité de l’arrière-plan. Cette technique a été adoptée par de nombreux autres portraitistes vénitiens tels qu’Alvise Vivarini. » (Commentaire National Gallery)

Antonello de Messine. Portrait d’un homme (v. 1476)

Antonello de Messine. Portrait d’un homme (v. 1476). Tempera et huile sur bois, 31 × 25 cm, Galleria Borghese, Rome. « Comme d’habitude dans les portraits d’Antonello, le personnage est représenté, en buste et de trois-quarts sur un fond sombre. L’expression et le regard vifs constituent l’aspect le plus notable de l’œuvre, considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de la période de maturité de l’artiste. L’homme représenté porte une robe rouge et une casquette noire, vêtements typiques de ces patriciens vénitiens admirateurs et mécènes d’Antonello da Messina. En raison de ses caractéristiques stylistiques, le tableau doit remonter au voyage vénitien de 1475-1476. Le panneau n’est pas signé, mais l’hypothèse a été faite que le nom du peintre se trouvait sur un cartouche placé directement sur le cadre. L’œuvre est répertoriée pour la première fois dans les inventaires Borghèse de 1790 avec une attribution à Giovanni Bellini et n’a été restituée à Antonello qu’en 1869. Des études récentes excluent les hypothèses, formulées dans le passé, de son identification en tant que portrait du patricien Michele Vianello, présent au XVIe siècle dans une importante collection vénitienne, ainsi que la possibilité de sa provenance de la collection du XVIIe siècle d’Olimpia Aldobrandini. » Commentaire Galleria Borghese)

Antonello de Messine. Portrait d’un jeune homme (1475-80)

Antonello de Messine. Portrait d’un jeune homme (1475-80). Huile et tempera sur bois, 33 × 25 cm, National Gallery of Art, Washington. Pour ce portrait d’un jeune homme non identifié, Antonello de Messine a travaillé la chevelure, qui pourrait être une perruque, avec une extrême minutie. Sur les ondulations, les mèches de cheveux ont été nettement représentées et il est possible de voir les cheveux à l’unité à la périphérie de la chevelure :

 

Antonello de Messine. Portrait d’un jeune homme, détail

Antonello de Messine. Portrait d’un jeune homme, détail

 

 

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Antonello de Messine

 

 

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 (*) Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (première édition 1550, remaniée en 1568, traduction Leclanché, 1841)

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