Nicolas Poussin. Paysage par temps calme (1651)

 
 

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Patrick AULNAS

Nicolas Poussin (1594-1665) est l’un des plus grands peintres du classicisme français. Spécialisé dans la peinture d’histoire, sommet de la hiérarchie académique des genres, il s’intéresse également au paysage. Dans ses tableaux d’histoire, le paysage est souvent présent en arrière-plan. Il s’agit de scènes mythologiques ou religieuses s’insérant dans un paysage idéalisé jouant le rôle de décor. Mais avec la maturité, Poussin donnera une place plus importante au paysage. Ses derniers tableaux consacrés aux quatre saisons forment une sorte de synthèse de sa peinture en associant mythologie, paysage et passage du temps.

 

Nicolas Poussin. Paysage par temps calme (1651)

Nicolas Poussin. Paysage par temps calme (1651)
Huile sur toile, 97 × 131 cm, The J. Paul Getty Museum, Los Angeles.
Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE

Le commanditaire de l’œuvre et de son pendant

Le commanditaire du tableau est Jean Pointel, marchand de soie et banquier d’origine lyonnaise, installé à Paris. Pointel est un grand admirateur de Poussin. Sa collection comprendra en définitive 21 tableaux et 80 dessins du grand maître du classicisme. Paysage par temps calme a un pendant, L’Orage, également acquis par Pointel à la même époque, et conservé aujourd’hui au musée des Beaux-arts de Rouen (voir ci-après, autres compositions). Avec ces deux œuvres, Poussin quitte vraiment la peinture d’histoire pour se consacrer à une recherche sur la nature et ses effets sur l’homme. Les deux tableaux comportent des personnages en interaction avec les éléments naturels. Ils cherchent à se protéger des violences de la nature dans L’Orage et à profiter de ses bienfaits dans Temps calme.

Les relations entre Poussin et Pointel dépassaient le cadre artistique, puisque le peintre plaçait des sommes importantes dans la banque de Pointel et qu’il en fera même son exécuteur testamentaire.

Jean Pointel meurt en 1660. Paysage par temps calme reste dans la famille Pointel jusqu’à 1685, date à laquelle le tableau est acquis par Louis Bay, marchand lyonnais. Dans le courant du 18e siècle, il est vendu à la famille Delmé, de Londres. Il restera à Londres jusqu’à 1997, date de son acquisition par le J. Paul Getty Museum de Los Angeles.

Analyse de Paysage par temps calme de Nicolas Poussin

Poussin veut évoquer une ambiance paysagère dans laquelle l’homme se trouve en parfaite harmonie avec la nature. Il n’utilise plus le paysage comme le décor d’un thème mythologique ou religieux mais comme un vecteur de la représentation des relations de l’homme et de la nature. Paysage par temps calme met en scène un vaste édifice implanté au bord d’un lac et des personnages vaquant à leurs occupations quotidiennes. Ils sont vêtus à l’antique, comme le pâtre du premier plan, car le locus amoenus (*) reste dans l’esprit des hommes du 17e siècle un endroit mythique situé dans un espace-temps antique. Le paysage classique constitue une idéalisation de la nature, cadre de vie de personnages mythologiques grecs ou romains.

 

Nicolas Poussin. Paysage par temps calme, détail

Nicolas Poussin. Paysage par temps calme, détail

Mais les personnages ont ici peu d’importance. Ils viennent animer le paysage. Contrairement aux peintres hollandais de la même époque, les classiques français n’envisagent nullement une approche réaliste du paysage. Les figures humaines ont pour fonction de cautionner l’idée que le peintre se propose d’illustrer, ici l’harmonie entre l’homme et la nature. Les hollandais peuvent représenter des paysans ou des marins au travail. Poussin choisit des bergers arcadiens. L’œuvre d’art n’est pas pour lui une transposition sur la toile de la perception humaine de la nature mais une composition visant à extraire la quintessence d’un état de la nature : le calme dans ce tableau, la violence dans son pendant, L’orage.

Pierre Rosenberg a parfaitement décrit cette volonté d’opposer deux états extrêmes de la nature :

« Le Paysage à l’arbre frappé par la foudre, dit L’Orage, et le Paysage au château, dit Le temps calme, résument les ambitions de Poussin dans les années 1650. La qualité de la lumière poudreuse, l’eau froide du lac d’une pureté parfaite, le ciel nuageux d’un bleu laiteux du Calme font contraste avec le ciel obscurci et chargé, ce "vent furieux", les "tourbillons de poussière", les "nuées" et les "éclairs" qui illuminent les constructions, la pluie qui commence à tomber de L’Orage, comme se font face le pâtre rêveur et les personnages terrifiés et affolés qui s’enfuient. Mais, surtout, Poussin a opposé une nature impassible et immuable à une nature déchaînée, "saisie d’une violence toute pareille à celle des passions humaines". » (**)

La composition du tableau suit les grands préceptes du classicisme français. Les arbres latéraux du premier plan permettent une délimitation stricte du cadre. Le tableau a d’abord été dessiné et les contours de ses éléments restent visibles. Le chromatisme, tout en retenue, ne laisse paraître qu’une seule tache rouge : le vêtement du pâtre. Les plans successifs horizontaux apparaissent nettement : la berge au premier plan avec le troupeau de chèvres, l’étang, la rive opposée avec un autre troupeau, le château et enfin les lointains formés d’un paysage montagneux sur fond de ciel brumeux.

 

Nicolas Poussin. Paysage par temps calme, détail

Nicolas Poussin. Paysage par temps calme, détail

Un tableau de ce type est un univers en lui-même. Il ne renvoie pas à la réalité perceptible qui environne l’observateur mais cherche au contraire à capter son attention pour l’emmener dans une fiction. Nicolas Poussin a souvent été considéré comme un peintre intellectuel, cherchant à illustrer une idée. Il est aussi un peintre littéraire nous attirant dans son monde comme un romancier ou un poète qui emprunte au réel des éléments épars pour nous offrir une construction singulière.

Autres paysages de Nicolas Poussin


Nicolas Poussin. L'orage (v. 1651)

Nicolas Poussin. L'orage (v. 1651). Huile sur toile, 99 × 132 cm, musée des Beaux-arts de Rouen. « Le peintre écrit […] " J’ai essayé de représenter une tempête sur terre ". Phrase non pas anodine car, comme son beau-frère Dughet, Poussin peint le paysage pour lui-même, d’après nature. Certes Poussin reconstruit, mais en respectant la réalité de la nature. On voit dans L’Orage tel effet de lumière, telle atmosphère, tel arbre ou tel buisson qui sont autant d’éléments bien naturels. Cette exactitude naturaliste a dû étonner les peintres de paysages contemporains – les Patel, Mauperché, La Hyre ou Champaigne – dont les compositions sont plus idéalisées, même si elles comportent des éléments de réalité. » (Notice musée des Beaux-Arts de Rouen)

Image HD sur MUSÉE BEAUX-ARTS ROUEN


Nicolas Poussin. Paysage orageux Avec Pyrame et Thisbé (1651)

Nicolas Poussin. Paysage orageux avec Pyrame et Thisbé (1651). Huile sur toile, 192,5 × 273,5 cm, Städelsches Kunstinstitut und Städtische Galerie, Francfort-sur-le Main. Poussin illustre l’histoire de Pyrame et Thisbé rapportée par Ovide dans les Métamorphoses. Au premier plan, Thisbé pleure son amant Pyrame qui vient de se suicider par désespoir car il croyait qu’une lionne avait dévoré Thisbé. L’anecdote permet de situer le tableau au sommet des genres picturaux : la peinture d’histoire. Mais l’ambition de Poussin est de représenter un orage. Le cadre paysager l’emporte ici sur la scène mythologique.


Poussin. Les quatre saisons, l'automne (1660-64)

Nicolas Poussin. Les quatre saisons, l'automne (1660-64). Huile sur toile, 116 × 160 cm, musée du Louvre, Paris. La représentation des quatre saisons est l'occasion pour Poussin de créer les plus beaux paysages classiques. Le cycle de saisons, quatre toiles pour quatre saisons, permet aussi d'introduire la temporalité dans le domaine pictural. Ces compositions, d'une richesse très rare, allient paysages, activités humaines et mythologie ou religion.

Analyse détaillée


Poussin. Les quatre saisons, l'été (1660-64)

Nicolas Poussin. Les quatre saisons, l'été (1660-64). Huile sur toile, 116 × 160 cm, musée du Louvre, Paris. Les saisons de Poussin représentent l'homme et la nature, les travaux et les jours, sans omettre une dimension mythologique. Pour l'été, le peintre a choisi un épisode de l'Ancien Testament concernant Ruth et Booz. Ruth est pauvre et travaille pour Booz, un riche fermier. Booz est attiré par elle et apprécie sa modestie (on la voit ici agenouillée devant Booz). Il finira par l'épouser et elle lui donnera pour fils Obed, père de Jessé et grand-père du roi David. En poursuivant l'arbre généalogique, on arrive à Jésus-Christ.

Analyse détaillée


 

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(*) Lieu idyllique

(**) Pierre Rosenberg, Poussin et la nature, discours à l’Institut de France, 2006.

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