Retraites : l’inconscience des opposants

09/03/2023
Patrick AULNAS

L’agitation autour de la réforme des retraites est surtout politique. Son aspect essentiel est le refus de regarder en face la réalité économique et démographique. Les militants politiques ou syndicaux brandissent le chiffre des deux-tiers d’opposants à la réforme parmi les personnes interrogées par les sondeurs. C’est de bonne guerre mais sans signification réelle. Se prononcer contre deux années supplémentaires de travail sans avantage corrélatif est assez naturel. Il est donc nécessaire de rappeler de temps à autre les fondamentaux, noyés sous le verbiage politicien.

Impitoyable démographie

Première évidence : le vieillissement accéléré de la population au 21e siècle. Un consensus existe sur le sujet. Et puisqu’il s’agit de retraites par répartition, les actifs doivent prendre en charge les retraités. Les pensions sont payées par les cotisations des actifs. Le montant global des pensions à verser résulte de deux facteurs. Le premier est la durée totale de versement, qui dépend de l’âge de départ à la retraite et de l’espérance de vie. L’espérance de vie augmentant, il faut nécessairement agir sur l’âge de départ.
Le deuxième facteur déterminant la charge globale de financement des pensions est évidemment le montant des retraites versées. Plus elles sont élevées, plus le prélèvement sur les actifs est important.
Le refus des français d’augmenter l’âge de départ aura donc une conséquence inéluctable : une forte baisse du niveau des pensions. En 2020, selon l’INSEE, le rapport démographique était déjà de 1,67 cotisant par retraité. Chaque cotisant pourra-t-il supporter la charge complète d’un ou deux retraités en 2040 ou 2050 ? Avec le montant actuel des retraites, la réponse est non. Il faudra donc le baisser sévèrement.

Cruelles réalités économiques

Il faut ajouter à cet aspect démographique, une évolution économique défavorable. La croissance ne retrouvera pas ses niveaux de l’après-guerre (6% par an en moyenne). Le dynamisme est désormais en Asie : Inde, Chine, Taïwan, Corée du Sud. L’énorme dette publique accumulée rendra tout retour à la compétitivité très difficile. La France a vécu très au-dessus de ses moyens en s’endettant depuis quatre décennies pour financer des dépenses courantes et non des investissements. L’addition va lui être présentée dans les dix ou vingt ans qui viennent. Il faut se réveiller au lieu de revendiquer des avantages nouveaux comme la retraite à 60 ans (RN et LFI).

Les politiciens surfent sur l’ignorance

Le refus des français de travailler plus longtemps résulte de l’ignorance des enjeux. La situation décrite précédemment est parfaitement connue des dirigeants, mais l’opportunité politique est telle qu’il faut absolument qu’ils la saisissent. Il est élémentaire de tromper le plus grand nombre en masquant les concepts fondamentaux et en agitant quelques promesses démagogiques. La gauche espère ainsi retrouver un souffle qui lui manque depuis de nombreuses années. Pure illusion. La droite de gouvernement (LR) se divise sur une réforme qu’elle réclame depuis des lustres. Piteuse politique. 

On ne réclame rien à ses enfants

Ajoutons un dernier élément, jamais évoqué. Il est bien clair que, dans l’esprit des manifestants et opposants, le rêve d’une retraite par répartition d’un montant satisfaisant s’ajoute au refus de travailler un peu plus longtemps. Autrement dit, ils revendiquent une charge nettement plus importante à supporter par leurs enfants ou petits-enfants. Sur ce point, seuls les leaders sont des hypocrites. Les pauvres bougres qui défilent n’ont même pas conscience qu’ils veulent infliger à leurs enfants devenus actifs une charge financière insupportable.
Le vieux Mélenchon, usé par des décennies de militantisme et des échecs répétés à l’élection présidentielle, sombre dans le cynisme avec un slogan adressé aux étudiants et lycéens : « Bloquez tout ». 
Quel manque de noblesse ! Exiger de ses enfants une prise en charge financière future encore plus lourde après leur avoir laissé une dette abyssale ! Les plus ingénus évoqueront la solidarité intergénérationnelle. J’ai vraiment envie de leur demander si l’État-providence leur a fait perdre à ce point toute clairvoyance. On ne réclame rien à ses enfants, on les éduque de son mieux puis on leur transmet ce qu’on peut, matériellement, culturellement, spirituellement. On accepte ce qu’ils ont la générosité de nous accorder. Ensuite, on s’efface avec autant de dignité que possible.

Publié sur Contrepoints le 09/03/2023

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