Mélenchon et ses Insoumis : la chute prochaine ?

23/04/2023

Patrick AULNAS

Jean-Luc Mélenchon apparaît désormais sous son vrai jour : un révolutionnaire de salon. L’âge ne pardonne pas. L’échec non plus. Le monde politique s’éloigne doucement du lui. Faire émerger un autre leader ne sera pas facile pour LFI. Et le comportement de voyous des députés LFI au cours du débat sur la réforme des retraites ne sera pas pardonné par les électeurs. L’alliance électorale hétéroclite baptisée NUPES semble se fracturer. Beaucoup de difficultés en perspective donc pour le populisme de gauche. Voici un petit tour d’horizon de cette mouvance politique.

 

De la social-démocratie au populisme

Ministre dans le gouvernement de Lionel Jospin (1997-2002), Jean-Luc Mélenchon n’accepte plus les compromis internes au parti socialiste à partir de 2007. Il est en désaccord complet avec la candidature présidentielle de Ségolène Royal, trop réformiste plan-plan à ses yeux. Mélenchon veut changer la société par la magie politique. Il quitte donc le Parti socialiste et crée le Parti de gauche, plus à gauche comme son nom l’indique. Ce parti deviendra ensuite La France insoumise (LFI). La nouvelle appellation ne manque pas de sel puisque ces insoumis du spectacle politique demandent plus de réglementation et plus de fiscalité. On devrait s’esclaffer, mais la politique c’est du sérieux.

Il faut serrer la vis à tous ces profiteurs qui créent des entreprises, réussissent et gagnent de l’argent. L’Etat va mettre bon ordre à tout cela, confisquer 100% des revenus supérieurs à un montant jugé largement suffisant par Mélenchon lui-même. Et redistribuer pour la justice sociale et le bonheur du peuple. Enfin des mesures vraiment sérieuses ! La politique résoudra en un clin d’œil la question de la rareté (toute relative en France) par le simplissime jeu de la redistribution. Les socialistes y avaient pensé depuis longtemps. Mais leur timidité n’est plus de mise. Il faut taper beaucoup plus fort.

L’un des modèles de Mélenchon, Hugo Chavez, y est très bien parvenu au Venezuela. La haine des États-Unis, et surtout de la liberté, avait permis à ce dictateur de ruiner son pays disposant pourtant d’un potentiel exceptionnel dans le domaine pétrolier. Mélenchon aurait adoré ruiner la France. Faire fuir les capitaux, mettre une pagaille monstre dans cette zone Euro détestée, manipuler le petit peuple avec des slogans démagogiques et des prestations illusoires. C’est cela le pouvoir, quelle jouissance !

 

Erreur stratégique majeure

Mais il se trompe de stratégie. Mélenchon adopte la voie de la radicalité non révolutionnaire. De quoi s’agit-il ? D’agglutiner les mécontentements populaires et les concepts flous de l’extrême-gauche américaine pour produire un courant politique valorisant systématiquement le conflit. Ce n'est pas nouveau, bien évidemment, puisque le noyau dur du marxisme était la lutte des classes. Les adversaires, ou plutôt les ennemis, sont plus nombreux et beaucoup plus diversifiés que les horribles bourgeois d’antan. Citons, sans être exhaustif, les racistes (ils pullulent), les islamophobes (sous-catégorie des racistes), les homophobes, les machistes et leur patriarcat, les climato-sceptiques et les capitalistes bien sûr.

Cette ligne n’est pas révolutionnaire car il s’agit d’utiliser les institutions démocratiques et en particulier l’élection pour accéder au pouvoir. Les petites vaguelettes pseudo-révolutionnaires du style ZAD (zone à défendre) peuvent être soutenues, comme à Notre-Dame-des-Landes. Les groupuscules insurrectionnels de type black-bloc peuvent être utilisés pour déclencher une réaction de maintien de l’ordre et invoquer ensuite systématiquement les violences policières, aspect particulier de la violence systémique de l’État occidental allié au capitalisme mondialisé.

Mais il n’est pas question de sombrer dans le terrorisme et encore moins de créer des mouvements armés appuyés et financés par l’étranger. Trouver des appuis extérieurs ne pose pourtant aucun problème, les dictateurs étant toujours friands de déstabilisation des démocraties. Mais nos Insoumis n’osent pas devenir des révolutionnaires. Siéger au Parlement, encaisser la rémunération confortable des représentants du peuple, oui. Mais passer à la clandestinité et risquer la prison ou même sa vie, pas question. Ces Insoumis de théâtre sont donc en réalité beaucoup plus timides que les communistes français aux temps heureux de l’URSS grande puissance. Les communistes étaient financés par l’État soviétique et utilisaient les services des agents clandestins russes implantés à l’ouest. Ils jouaient sur les deux tableaux : élections-piège à cons + opportunités révolutionnaires éventuelles (qui ne se sont jamais présentées en France). LFI se limite à un suivisme intellectuel laborieux du très pitoyable wokisme et à l’illusion d’une victoire dans les urnes.

 

Le poids des Insoumis : une illusion arithmétique

Après trois échecs à la présidentielle (2012, 2017 et 2022) Jean-Luc Mélenchon a sans doute compris que fédérer des minorités de mécontents n’équivaut pas à constituer une majorité de gouvernement. L’étape du premier tour de l’élection n’a jamais été franchie : 4e en 2012 et 2017, 3e en 2022 par suite de l’effondrement socialiste. Nous sommes très loin du compte. Mais au-delà de l’arithmétique électorale, la distance est considérable entre un programme d’opposition systématique et un programme de gouvernement. Le populisme mélenchonien fait illusion numériquement car il est assez facile d’exacerber les rancœurs et de multiplier les promesses démagogiques éloignées des réalités économiques contemporaines.

Il est infiniment plus difficile de rassembler des sensibilités politiques différentes pour proposer un programme commun cohérent et proche du réel. Mitterrand et Jospin y étaient parvenus, mais sur une base sociale-démocrate. Jamais personne en France n’a pu porter l’extrême-gauche au pouvoir par l’élection. Il faudrait remonter à Robespierre et au régime de la Convention montagnarde (1793-94) pour trouver un équivalent approximatif. Mais nous étions en période révolutionnaire et cette phase de dictature par la terreur n’a duré qu’un an.

 

Pas d’avenir gouvernemental pour LFI

Cette gauche de la vocifération impuissante ne parviendra donc jamais au pouvoir en position dominante. Si elle y parvient un jour, elle ne sera qu’un allié de sociaux-démocrates ou d’écologistes ayant retrouvé la santé. Les premiers craquements apparaissent déjà dans cette NUPES qui n’a pas fêté son premier anniversaire. Ecologistes, socialistes, communistes et insoumis ne sont d’accord que sur un point : s’opposer au pouvoir en place. Magnifique programme de gouvernement !

Mais même pour se maintenir en opposant de poids, il faudra que LFI trouve bientôt un successeur au leader charismatique qui l’a fondée. Jean-Luc Mélenchon, né en 1951, préconise la retraite à 60 ans pour les autres mais ne parvient pas à faire autre chose que de la politique à 72 ans. Certes, il n’est pas un cas particulier dans ce milieu où les jeux du pouvoir font le sel de la vie. Mais on voit mal qui parmi les leaders actuels de LFI pourrait prétendre lui équivaloir sur la scène médiatique. Mélenchon donne un spectacle apprécié de ses électeurs aussi bien devant la foule des meetings (c’est un tribun) que dans les médias audiovisuels (c’est un débatteur). Ses acolytes font vraiment pâle figure.

Publié sur Contrepoints le 23/04/2023

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