L’avenir des retraites : déclin de la répartition ?

13/02/2023

Patrick AULNAS

Où nous conduit l’obstruction systématique à toute réforme du système de retraites français ? Faudra-t-il remettre l’ouvrage sur le métier tous les cinq ans avec à nouveau grèves et manifestations ? Et pendant combien de temps ? La réponse à ces questions relève de spéculations sur l’avenir mais la démagogie actuelle des partis politiques et l’histoire récente, avec ses multiples réformes, permettent de penser que le système quasi-généralisé par répartition n’est pas viable à long terme.

 

Les retraites par répartition, un régime très politique

L’opposition entre répartition et capitalisation est principalement juridique et politique. Economiquement, c’est toujours l’activité qui finance l’inactivité, bien évidemment. Dans la répartition, les droits des inactifs résultent d’une obligation de cotisation des actifs afin de distribuer des retraites. Dans la capitalisation, les droits des inactifs résultent de l’accumulation préalable d’un capital pendant la période d’activité et de la distribution des revenus de ce capital. C’est le droit de propriété sur un capital qui fonde le système.

Il est clair que la répartition accroît la puissance du pouvoir politique puisqu’elle résulte d’obligations de cotiser et de règles de répartition pouvant être à tout moment remises en cause par le pouvoir. Les montants en jeu (330 milliards d’€) stimulent les appétits politiciens tant en ce qui concerne les recettes (cotisations et emprunts) que les dépenses (retraites versées). De faibles variations en pourcentage représentent des montants très importants (0,5% du total = 1,6 milliards d’€) et donc des enjeux électoraux scrutés à la loupe par ceux qui prétendent nous représenter.

Au contraire, la capitalisation est beaucoup moins sensible politiquement. Elle résulte de choix individuels ou de parcours professionnels lorsqu’elle est associée à une entreprise. Les débats sur les avantages accordés à telle ou telle catégorie ne sont pas exclus (par exemple des avantages fiscaux pour les versements) mais ils ne sont pas consubstantiels au système.

 

Controverses techniques et blocage politicien

Le système par points proposé en 2019 était certainement l’un des meilleurs dans le domaine de la répartition. Il éliminait les traitements différenciés selon les secteurs et permettait une adaptation souple à l’évolution économique par la fixation de la valeur du point. Juste et efficace. Son abandon signe probablement le recul sur le long terme en France du système généralisé par répartition.

La politisation outrancière de la micro-réforme de 2023 par une classe politique et syndicale qui a visiblement perdu la raison, met en évidence la fragilité du principe de répartition. La gauche n’a pas perçu l’aspect dernière chance de ce projet et se complaît dans des controverses pseudo-techniques sur le sujet (carrières longues, pénibilité, situation des femmes, etc.). Son objectif est politique : affaiblir le pouvoir. Le prétexte est toujours le même : la justice sociale

Quant aux sondages indiquant que 70% des français sont opposés à la réforme, ils sont certainement sérieux techniquement mais ne nous apprennent rien. Demandez à un quidam peu informé (l’écrasante majorité) s’il consentirait à travailler deux années supplémentaires sans supplément de retraite. Evidemment, il vous répondra négativement.

La médiocrité de notre classe politique, qui ne cesse de s’accentuer, condamne donc le principe même de la répartition généralisée. Il est toujours possible de gloser à l’infini sur la justice ou l’injustice de telle mesure. Les politiciens adorent développer ces platitudes. Mais ils ne semblent pas se rendre compte qu’ils suggèrent ainsi maladroitement que c’est le régime par répartition lui-même qui est ingérable. L’accentuation politique des clivages et le refus de tout compromis conduisent à sa marginalisation à terme.

 

Redistribution, convoitise haineuse et infantilisme

Le blocage de toute réforme du système par répartition en France provient en définitive de l’instrumentalisation de la convoitise par une classe politique dévoyée. Il est possible de prendre beaucoup à certains pour donner plus à d’autres. Voilà le message subliminal des politiciens et des syndicalistes. En semant la confusion dans les esprits et dans les rues, en utilisant systématiquement la convoitise haineuse pour activer les mécontentements, les politiciens condamnent à terme le principe même qu’ils prétendent défendre.

La retraite généralisée par répartition suppose des règles assez simples, consensuelles et compréhensibles par tous. En se crispant de façon infantile sur des problématiques accessoires au lieu de prendre de la hauteur comme leurs fonctions dirigeantes le leur imposent, nos petits politiciens vont droit dans le mur. Le conseil le plus précieux à donner à la jeunesse d’aujourd’hui est simple : ne comptez pas sur l’État pour vos vieux jours. Agissez par vous-mêmes.

Publié sur Contrepoints le 13/02/2023

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