L’escroquerie LFI

21/06/2022

Patrick AULNAS

La France insoumise (LFI) ! L’appellation du parti est déjà une belle duperie. Dans l’esprit du plus grand nombre, l’insoumission consiste à ne pas obéir, à refuser l’autorité, à contester le pouvoir. Pour LFI, il s’agit au contraire de quémander et même d’exiger davantage d’argent public et beaucoup plus de réglementation. Bref, un État puissant qui pourrait dominer toute la société et montrer le chemin de l’avenir. Pour ces insoumis du théâtre médiatique, l’insoumission ne consiste donc pas à élargir la liberté individuelle, mais bien au contraire à la soumettre à des contraintes collectives supplémentaires.

 

Les petits-bourgeois insoumis

Et pourtant, ça marche. Beaucoup d’ouvriers et d’employés ayant naïvement répondu aux sirènes nationalistes du Rassemblement national, LFI ne représente pas le peuple. C’est la petite bourgeoisie insatisfaite de son sort qui joue l’insoumise : cadres moyens, profs, personnels de santé, etc. Selon les observations des spécialistes, il existe même des bobos parisiens des beaux quartiers qui votent LFI par souci écologiste. Ils ne sont pas dupes mais inquiets pour la planète et l’évolution climatique. Nul doute que Mélenchon puisse beaucoup contre les canicules !

Mais cela ne suffirait pas d’un point de vue électoral. Il faut donc complaire à des minorités diverses : LGBT et compagnie, féministes radicales, musulmans mal insérés socialement. Tout cela cumulé forme en ensemble hétéroclite de contestataires qui ne sont d’accord sur rien, sauf sur un point : l’État leur doit beaucoup plus que ce qu’il leur donne. Il faut prendre aux « riches », museler le capitalisme par la réglementation et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. 

On pourrait s’étonner que l’infirmière, le professeur des écoles, le contrôleur des impôts se sentent proches de l’islamo-gauchisme de LFI. Passe encore pour des intellectuelles un peu paumées comme Sandrine Rousseau. Mais le petit-bourgeois aspire en général à s’insérer dans ce que Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely ont appelé l’idéal Plazza majoritaire : maison individuelle avec jardin, barbecue le dimanche, piscine si possible et même cuisine d’été extérieure dans le sud du pays. Entre l’idéal petit-bourgeois et la dénonciation obsessionnelle du patriarcat et de l’islamophobie, il y a un gouffre.

 

Faire payer quels riches ?

Certes. Mais « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ». Pouvoir manifester par le vote son mécontentement, et même parfois sa détestation ou sa haine de la société dans laquelle on vit, est un privilège des peuples libres. Chez Poutine, pas question de moufeter. Par contre, en France, se placer derrière le grognon et talentueux Mélenchon permet de se sentir « insoumis ». Cela relève de l’émotion, pas de la raison, conformément à l’aphorisme de Blaise Pascal. Le vote protestataire permet d’effrayer (un tout petit peu) le bourgeois bien installé et plutôt content de son sort. Le bourgeois en question n’est pas richissime : cadre, indépendant, retraité relativement aisé. Disons, pour le situer, qu’il dispose de plus de 5 000 € de revenus mensuels. Nettement moins que Mélenchon lui-même. Cela ne va pas bien loin en termes de patrimoine, mais permet d’appartenir aux 10% les plus « riches ». La classe moyenne inférieure lorgne ainsi, avec la complicité des politiciens de gauche, sur le peu de moyens financiers que possède la classe moyenne supérieure. L’inexorable égalisation financière par le biais des recettes et des dépenses publiques représente la seule promesse économique un peu sérieuse de LFI et de la NUPES.

 

Exploiter la frustration et la convoitise haineuse

La gauche a toujours joué cette carte de l’envie ou de la convoitise haineuse. Lorsqu’elle représentait vraiment le peuple des travailleurs manuels pauvres, dont le capitalisme avait besoin pour faire tourner ses usines, cette gauche pouvait se targuer avec une certaine vraisemblance d’agir pour la justice. Mais quand le petit-bourgeois envieux vient aujourd’hui demander que l’État finance son essence, son électricité et la rentrée scolaire de ses enfants, un doute nous effleure. La gauche est-elle généreuse ou surtout haineuse ? Les deux, évidemment. Tout est une question de sonorité en politique. Appuyer sur la touche générosité permet d’atteindre l’idéalisme présent chez certains. La touche haine des riches est cependant indispensable pour exploiter le ressentiment de tous ceux qui peinent sur le chemin de croix de l’idéal Plazza majoritaire.

Certains peinent vraiment d’ailleurs et il n’est pas question de tourner en dérision leurs efforts. Il s’agit ici de leur victimisation à des fins politiciennes : obtenir leurs voix aux élections. On sait depuis longtemps que le capitalisme est un système productif d’une efficacité redoutable mais aussi une énorme machine à produire de la frustration. Publicité et promotion dessinent l’image de l’objectif à atteindre, c’est-à-dire des biens à consommer pour appartenir à la strate sociale des vainqueurs. Les plus démunis intellectuellement se font un devoir de jouer le jeu du standard de consommation nécessaire pour tout simplement être. Avoir pour être ? C’est perdu d’avance. Mais c’est sur cette ambiguïté que jouent à la fois le capitalisme et la gauche, alliés politiques objectifs en quelque sorte.

 

La candeur et le mépris

L’escroquerie intellectuelle LFI ne se limite donc pas à des propositions économiques démagogiques, dûment certifiées par quelques macro-économistes. On trouve toujours des macro-économistes complaisants sur l’ensemble du spectre politique, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Rien n’est plus facile. Mais au-delà de l’économie, qui n’est dans ce cas qu’un instrument politique, toute la démagogie de la gauche protestataire comporte une exploitation de la candeur et pour tout dire un mépris de ceux qu’elle prétend défendre.

 

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