Les égarements de Mélenchon

05/01/2019

Patrick AULNAS

L’inénarrable Mélenchon fait une cour assidue aux Gilets Jaunes. Il n’est pas le seul, puisque les extrêmes, droite ou gauche, se rencontrent à cet égard comme à beaucoup d’autres : usage de la violence, addiction à la propagande simpliste, haine du réel qu’il faut impérativement bouleverser en manipulant les foules. Mais le goût de Jean-Luc Mélenchon pour les envolées lyriques pseudo-révolutionnaires l’a conduit à publier sur sa page Facebook un long texte dithyrambique à la gloire d’un Gilet jaune très médiatique.

 

« Je regarde Éric Drouet avec tant de fascination »

« La France est pleine de ces personnages qui marquent son histoire comme autant de cailloux blancs. C’est pourquoi je regarde Éric Drouet avec tant de fascination. »  On en pleurerait ! Eric Drouet est un des initiateurs du mouvement via les réseaux sociaux. Il a appelé les manifestants à entrer à l’Élysée, a été placé en garde à vue à Paris pour violences, relâché puis à nouveau interpelé et selon certaines informations, qui restent à confirmer, aurait voté pour Marine Le Pen aux deux tours de la présidentielle.

Le côté trouble du personnage sied parfaitement à Mélenchon, qui établit un parallèle avec le Drouet qui reconnut Louis XVI à Varennes en juin 1791, alors que le roi quittait incognito une France en proie à la terreur révolutionnaire. Le brave Louis XVI, ni tyran, ni monarque exemplaire, fut ainsi conduit à la guillotine en 1793. Mais pour Mélenchon le Drouet de 1791 est « un modèle de citoyen qui sait aller à l’action révolutionnaire sans tortiller, pour faire vivre la République. » Et le leader de LFI poursuit longuement le parallèle en affichant son admiration pour le tyran Robespierre.

 

Récupération et radicalisation

Le caractère composite du mouvement des Gilets jaunes, jacquerie populaire sans ligne politique claire ni contenu conceptuel, explique le comportement plus ou moins hésitant des politiciens professionnels. « Pourrait-on gagner des voix de ce côté-là ? » se demandent-ils, conformément à leur traditionnelle hauteur de vue.

Pour Mélenchon, il n’y a plus d’hésitations. Il faut y aller. Même si des chemises brunes se sont glissées chez les gilets jaunes, même si aux côtés des citoyens exaspérés et en difficulté réelle, ont pris place des manipulateurs attisant la violence. Les partis de gouvernement ne peuvent alors que prendre leurs distances, mais les extrémistes doivent utiliser à leur profit les dérives et tenter de radicaliser le mouvement.

 

Deux hypothèses

Car les extrémistes sont aussi des opportunistes. L’avenir restant incertain à ce stade, deux solutions existent. Ou bien le mouvement se durcit et la jacquerie devient révolution. Mélenchon sera alors parmi les révolutionnaires. Ou bien, hypothèse beaucoup plus vraisemblable, le mouvement s’étiole au fil des mois et les élections européennes de mai 2019 permettent d’apprécier son implantation réelle. Il ne faut surtout pas alors que les Gilets jaunes présentent une ou plusieurs listes spécifiques qui ne pourraient qu’affaiblir les partis spécialisés dans la contestation comme LFI ou le RN. Tactiquement, il est donc nécessaire de rallier à soi les leaders les plus dynamiques des Gilets jaunes pour récupérer leurs voix.

Mélenchon, le pseudo-révolutionnaire opportuniste, a évidemment fait cette analyse. C’est du gagnant-gagnant. Apparemment du moins. Car rien ne permet d’affirmer que tout le ridicule de la supplique Facebook aux Gilets jaunes de Jean-Luc Mélenchon ne soit pas perçu par les intéressés. Comme tous les politiciens professionnels de longue date, le leader de LFI est largement coupé de ses concitoyens et a tendance à les prendre pour des imbéciles. La lourde drague électorale est ici tellement évidente que personne ne peut s’y tromper.

 

Mélenchon, le marxiste égaré

L’aventure mélenchonienne pourrait d’ailleurs tirer à sa fin. Outre son âge (67 ans), la longue carrière politique de Mélenchon semble aujourd’hui se terminer dans l’égarement. Paisible sénateur PS de 1986 à 2000, devenu ministre délégué à l'Enseignement professionnel de Lionel Jospin de 2000 à 2002, Mélenchon a ensuite lentement dérivé vers l’extrême-gauche, quittant en 2008 le PS. Sa fidélité au corpus idéologique archaïque des socialistes du 20e siècle l’amène peu à peu à s’éloigner de la réalité du monde d’aujourd’hui. Comme le jeune militant socialiste d’il y a quarante ans, le vieux Mélenchon propose encore une société rêvée, ressemblant trait pour trait à la société sans classes des marxistes. C’est perdu d’avance.

 

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