Été 2019 : la politique spectacle se déchaîne

27/08/2019

Patrick AULNAS

La période estivale se caractérise souvent par un certain vide de l’actualité politique que les médias doivent combler. Il faut alors créer l’évènement par l’émotion, la polémique, voire le scandale. L’une des fragilités de notre société provient de cette capacité de manipuler l’opinion en lui imposant de pseudo-évènements. Certains journalistes n’hésitent d’ailleurs pas à évoquer la liberté d’expression menacée lorsqu’un peu d’esprit critique apparaît en ce qui concerne les choix rédactionnels. La liberté d’expression n’a jamais été aussi large qu’aujourd’hui, ni aussi protégée juridiquement dans les démocraties. Ce sont plutôt les préceptes éthiques de la bien-pensance qui la limitent. En aucun cas le pouvoir.

Quels ont été les pseudo-évènements saillants proposés cet été par la communication médiatique française ?

 

Pour quelques homards de trop

La palme revient sans conteste à Médiapart. Avec une médiocre photo de homards, dits « géants », adjectif repris par toute la presse, il a été possible d’obtenir la démission de François de Rugy, ministre de la Transition écologique. Quelques crustacés en trop et un peu de pinard de luxe font désormais trembler un gouvernement. Le peuple n’accepte plus, nous disent les politologues, que les gouvernants étalent un luxe insolent, lorsque, lui, le pauvre peuple, est confronté à mille difficultés. Soit.

Mais le peuple (gardons ce mot simple plutôt que l’euphémisme « gens modestes ») n’a jamais été aussi riche qu’aujourd’hui. Sans méconnaître ses difficultés économiques, il est évident qu’elles sont infiniment moindres que celles de 1930, de 1950 ou même de 1980. Avec une petite croissance économique annuelle, le niveau de vie a continué à augmenter lentement. Les ouvriers viennent travailler en voiture, chose impensable dans la France de l’après-guerre. S’ils pouvaient alors se payer un vélo, c’était déjà le paradis.

Les difficultés sont donc toutes relatives. Mais l’information omniprésente permet de comparer, de se comparer sans cesse à qui possède un peu plus, vit un peu mieux. C’est cette convoitise généralisée qui empoisonne nos sociétés en créant la suspicion. Les journalistes se foutent royalement des homards et de la cave de l’Assemblée nationale, mais susciter l’envie pour faire trembler le pouvoir, alors là, vraiment, quelle jouissance !

 

La petite Thunberg

Cette pauvre gamine, confrontée à de graves problèmes psychologiques, est devenue un instrument entre les mains des militants écologistes les plus radicaux. Il est évident que si les rédactions n’avaient pas relayé complaisamment ses prétendues « actions », le soufflé serait retombé bien vite. Certains politiciens, toujours en embuscade pour toute démarche suiviste pourvu qu’on parle d’eux, ont entretenu le phénomène.

Il est particulièrement inquiétant que l’on puisse accepter qu’une adolescente de seize ans parcoure la planète avec la bénédiction des assemblées politiques. Elle devrait être scolarisée et apprendre à penser. Le monde occidental accepte au contraire qu’elle lui donne des leçons. Là encore, il s’agit d’une simple manipulation médiatique à destination du grand public. Mais la jeunesse, qui n’a pas le recul suffisant, en fait une véritable Jeanne d’Arc en guerre contre la destruction de la planète par l’économie contemporaine.

Malheureuse Greta, tombée si jeune dans les griffes des médias et des politiciens des pays les plus riches. Elle ignore tout du cynisme de ceux qui la manipulent, de leur inimaginable petitesse. Instrumentalisée pour des enjeux qu’elle ne peut percevoir, que pourra-t-elle devenir ? Qui se le demande ?

 

Les migrants, toujours les migrants

Il suffit qu’un bateau complaisamment affrété par une association humanitaire ait des difficultés à trouver un port pour accoster. Les médias s’emparent immédiatement du sujet. La tonalité dominante est toujours la même : un gouvernement (italien cet été) s’oppose au débarquement des fameux « migrants ».

Pour qui suit l’actualité politique depuis de nombreuses décennies, le plus surprenant est le glissement vers la bien-pensance. Visiblement, dans ce domaine, la presse s’est donné pour mission de catéchiser. Il y a trente ou quarante ans, la problématique aurait été : des clandestins veulent entrer illégalement sur le territoire européen. Comment les renvoyer dans leur pays ? Quelques bonnes âmes aurait plaidé pour leur accorder une faveur, eu égard à leur situation.

Tout a changé aujourd’hui. La question est désormais : des migrants, qui ont bien le droit de migrer pour tenter d’améliorer leur sort, se voient refuser l’accès aux côtes européennes. Honte aux gouvernements. Aggiornamento linguistique et leçon de morale médiatique.

Le peuple est d’ailleurs majoritairement réticent à l’accueil de nouveaux immigrés car son intuition lui dit que ce n’est qu’un début. Que fera-t-on lorsqu’une guerre, une catastrophe naturelle de grande ampleur ou même une crise économique majeure projetteront sur nos côtes ou à nos frontières terrestres des dizaines de millions de personnes ? Cette question étant trop directement liée au fameux Grand remplacement de Renaud Camus, elle est occultée.

La scansion médiatique moralisatrice sur ce sujet semble inefficace et probablement même contre-performante. Rien de plus agaçant que les éternels donneurs de leçons qui ne se lassent jamais de prêcher. Mais, précisément, le sujet est devenu tellement clivant qu’il représente une opportunité polémique absolument unique. Alors pourquoi se priver d’étaler sa générosité de pacotille ? Il y aura toujours des opposants et les commentaires seront nombreux.

 

Manipuler l’émotion

A-t-on subrepticement glissé de la liberté d’expression au conditionnement de l’opinion ? La presse se considère comme le quatrième pouvoir, celui qui a pour mission d’informer le public. Il est bien vrai qu’en démocratie l’information sur les grands sujets politiques est indispensable pour choisir les gouvernants. Mais les exemples ci-dessus relèvent-ils de l’information ? Ne s’agit-il pas plutôt de provoquer le public par la manipulation de l’émotion ?

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