Dette publique : presque 100% du PIB

01/07/2019

Patrick AULNAS

Encore un petit effort ! Nous y sommes presque : 99,6% du PIB, selon l’INSEE, soit 2358,9 milliards d’euros. Oui, il s’agit bien de la dette publique française qui tangente désormais les 100% du PIB. Depuis 1981, date de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, l’évolution a été implacable : 21% du PIB en 1981, 34% en 1990, 60% en 2000, 80% en 2010 et enfin presque 100% en 2019. Les rapports annuels de la Cour des comptes, les admonestations du FMI, les observations répétées de la Commission européenne n’ont aucun effet. La France continue à s’endetter.

Pourquoi cette dérive et comment la maîtriser ?

 

Toujours plus !

Depuis bien longtemps, les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) ne suffisent pas en France pour financer les dépenses publiques puisque le dernier budget de l’Etat excédentaire a été voté en 1974 (8,5 milliards de francs d’excédent de recettes).

Les déficits budgétaires s’accumulent donc depuis cette époque, et pas seulement ceux de l’État (de loin les plus importants), mais aussi ceux des collectivités locales et des organismes sociaux (santé, retraite, chômage). La dette publique de 99,6% du PIB englobe l’ensemble de ces déficits, cumulés depuis des lustres.

Certes, cette dette est constamment remboursée. Mais les remboursements des capitaux empruntés (ou amortissements) étant inférieurs aux nouveaux emprunts, la dette continue inexorablement à s’envoler. Nos petits politiciens sont très gourmands avec l’argent des autres. Ils en veulent toujours plus.

 

La politique, toujours la politique, rien que la politique

Un politicien est un être totalement atypique. Il peut vous prendre votre argent sans contrepartie. Du moins sans contrepartie immédiate et déterminable. La violence dite légitime ne s’exerce pas seulement en matière de police et de justice, mais aussi dans le domaine financier. Les prélèvements obligatoires sont le résultat de ce privilège exorbitant.

Mais par ailleurs, pour être élu, le politicien doit promettre monts et merveilles. Et cela coûte cher. Ce sont les dépenses publiques. Depuis le début du 20e siècle, elles sont passées en France de moins de 10% à 57% du PIB. Le second pouvoir exorbitant du politicien est donc de dépenser votre argent en vous faisant croire qu’il réalise beaucoup avec ce pactole et pour votre plus grand bien.

Philippe Muray dirait que les politiciens appartiennent à l’Empire du bien et même qu’ils le dirigent. Ils représentent en effet l’intérêt général et comme leur honnêteté ne peut en aucun cas être mise en doute, comme chacun a pu le constater, ils défendent corps et âme cet intérêt général.

Il en résulte évidemment que les dépenses décidées par les politiciens avec l’argent qu’ils vous ont confisqué sont au service de l’intérêt général, au service du bien. Si vous pensez que vous auriez pu en faire un usage plus utile, c’est que vous n’avez rien compris à la politique. Vous n’êtes qu’un petit individualiste égoïste et peut-être même asocial.

 

Bonne gestion et mauvaise gestion

Quittons la politique, ses ambitions rêvées et ses petitesses bien réelles. Demandons-nous ce qu’économiquement il serait souhaitable de faire pour gérer sagement et efficacement les finances publiques. Les principes de base sont parfaitement connus dans ce domaine et ils s’appliquent indifféremment à la gestion publique et à la gestion privée.

La distinction fondamentale a été élaborée en gestion d’entreprise. C’est celle des charges et des immobilisations. Le paiement d’une cotisation sociale ou d’une prime d’assurance par une entreprise est une charge. L’achat d’une camionnette de transport des marchandises est une immobilisation. Pour financer les charges, il ne faut pas s’endetter. Pour financer une immobilisation, l’endettement est possible à certaines conditions puisque le bien dégagera une rentabilité sur plusieurs années.

Transposé dans le domaine des budgets publics, le vocabulaire devient dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement. La règle de gestion devrait être la même et constituer une contrainte juridique pour les politiciens. Il devrait donc être interdit de financer les dépenses de fonctionnement par l’emprunt mais cela devrait être possible pour les dépenses d’investissement.

Cette règle fondamentale est imposée aux collectivités locales (régions, département, communes) qui doivent obligatoirement présenter un budget de fonctionnement équilibré par des recettes de fonctionnement (impôts, dotations de l’État). Seul le budget d’investissement peut être financé par l’emprunt. L’éventuel excédent des recettes de fonctionnement est versé au budget des investissements.

Mais cette règle fondamentale de gestion n’est pas juridiquement obligatoire pour les organismes sociaux et l’État. Le régime général de sécurité sociale devrait évidemment toujours présenter des comptes en équilibre. Mais il faudrait alors limiter les dépenses sociales ce qui est politiquement sensible. De même, les dépenses de fonctionnement de l’État (traitements des fonctionnaires, entretien des bâtiments publics, etc.), représentant la plus grosse partie du budget, devrait être entièrement financées par l’impôt. Mais il faudrait alors soit augmenter les impôts, soit diminuer les dépenses de l’État, ce qui est également très sensible politiquement.

Décidément, nous retrouvons toujours cette fichue politique. La politique politicienne, l’horrible, l’exécrable popol. Elle est incontournable. Le clientélisme électoral est la cause majeure de l’endettement public.

 

La croissance de l’État par la croissance de la dette

Les principes de gestion précédents ne sont pas considérés comme applicables à l’État par certains macro-économistes de tendance keynésienne. Selon eux, l’État détermine l’avenir de nos sociétés et doit, pour mettre en œuvre ses vastes projets, disposer d’une toute autre liberté de gestion que les entreprises ou les collectivités locales. L’emprunt constitue une modalité de financement qui ne doit pas être limitée.

On comprendra aisément que si le postulat de base est que l’État construit notre devenir historique, il doit disposer des moyens nécessaires pour réaliser cette ambitieuse mission. Mais l’État n’étant pas une pure entité, on laisse ainsi la bride sur le cou à ceux qui sont chargés de le gérer : les politiciens. Et ils dépenseront tout à loisir pour l’intérêt général qu’ils ont eux-mêmes défini.

Ceux qui défendent cette liberté d’endettement de l’État sont également ceux qui pensent que l’interventionnisme public n’est pas encore assez important aujourd’hui, malgré son énorme croissance depuis un siècle. Il faut donc laisser les politiciens politiser en toute liberté en utilisant tout à loisir prélèvements obligatoires et endettement publique. Les politiciens sont ainsi libres de pressurer les citoyens du présent et ceux du futur. Mais pour leur bien !

 

Commentaires

  • Cassandre
    • 1. Cassandre Le 03/07/2019
    Oui, c'est bien pour cela que j'écrivais : "si les emprunts étaient uniquement consacrés à des dépenses *d'investissement*" car on pourrait espérer dans ce cas un retour sur investissement non négligeable. Entièrement d'accord, par ailleurs, sur la démagogie des politiciens depuis des décennies qui n'ont pas le courage de dire la vérité ni de refuser ce que nous ne pouvons valablement financer.
  • Cassandre
    • 2. Cassandre Le 02/07/2019
    Bonjour,
    Une question : la perspective de taux bas, voire négatifs, même si leur durée est indéterminée, ne change t-elle pas la donne ? Si les emprunts étaient uniquement consacrés à des dépenses d'investissement (et pas n'importe lesquels...), ne serait-il pas judicieux d'emprunter massivement ? Je comprends bien le danger qu'il y aurait car toute dette est remboursable et l'avenir des taux inconnu par définition. Mais ne pas le faire, ne reviendrait-il pas à prendre du retard sur nos concurrents économiques?
    Par ailleurs, félicitations pour votre blog aux idées précises et claires.
    • rivagedeboheme
      • rivagedebohemeLe 02/07/2019
      Nous ne prenons de retard que si nous reportons des investissements. Mais ce sont les dépenses de fonctionnement qui sont financées par des emprunts (dépenses sociales de santé, retraites, traitements des fonctionnaires, etc.). Dans ce cas, taux d’intérêt négatifs ou pas, nous augmentons la dette sans espoir de retour sur investissement. En réalité, nous cédons à la démagogie des politiciens qui n’osent pas dire la vérité : il ne faut pas vivre au-dessus de ses moyens en empruntant. La dette risque fort de ne jamais être remboursée si les taux augmentent. Et alors, le pays perdra toute crédibilité et sera confronté à un appauvrissement durable. On ne s’enrichit en s’endettant que si l’emprunt finance un projet d’avenir.

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