SNCF : une grève politique

03/04/2018

Patrick AULNAS

Le sujet est très peu abordé. Pourtant, la grève à la SNCF présente toutes les caractéristiques d’une grève politique. Les tenants du modèle ancien, qui d’une manière ou d’une autre disparaîtra dans un avenir indéterminé, s’opposent à toute évolution. Ils veulent conserver la SNCF traditionnelle, vaste administration publique croulant sous une réglementation tatillonne et supportant des contraintes de service public datant du début du XXe siècle.

Trois aspects de ce mouvement social lui donnent un caractère politique.

 

Des modalités de grève totalement nouvelles

La durée et les modalités de cette grève sont inédites. 36 jours de grève ont été programmés du 3 avril au 28 juin 2018 à raison de deux jours de grève tous les 5 jours. Il ne s’agit ni d’une grève illimitée (le travail reprend), ni d’un grève perlée (pas de travail au ralenti), mais d’une grève intermittente sur longue période. Cela n’avait jamais eu lieu.

Cette innovation en dit long sur la volonté politique des syndicats, qui tentent un baroud d’honneur pour conserver un bastion inexpugnable jusqu’alors : le fameux « service public » ferroviaire.

 

Le beurre et l’argent du beurre : profiter du marché sans les risques du marché

La CGT et SUD-Rail s’opposent à toute évolution du statut des personnels. Le projet gouvernemental est pourtant très modéré puisque les salariés actuels de la SNCF embauchés au statut conserveront ce statut. Il s’agit essentiellement de la garantie de l’emploi, du niveau de rémunération et du régime spécial de retraite. Seuls les contrats de travail conclus après l’entrée en vigueur de la réforme relèveront du droit commun.

La conception ancienne, celle d’une administration publique, prévaut toujours chez les leaders syndicaux sur la réalité actuelle. La SNCF est en effet devenue une entreprise, mais une entreprise monopolistique, dont les déficits sont comblés par l’État, qui en est d’ailleurs partiellement responsable (retraite des personnels, investissements TGV).

Les syndicats veulent le beurre et l’argent du beurre : bénéficier d’un marché du transport ferroviaire considérable en faisant supporter les risques à la collectivité nationale toute entière sous le prétexte fallacieux de la défense du service public. On est déjà passé par là avec la téléphonie. Qui pourrait regretter aujourd’hui l’administration des PTT ?

 

Rompre les engagements internationaux de la France ?

La France s’est engagée au niveau européen à supprimer les monopoles anciens : postes et télécommunications, distribution du gaz et de l’électricité, transport ferroviaire. Le processus est en cours dans la plupart des pays et produit d’excellents résultats à l’issue d’un certain nombre d’années transitoires. Mais le culte voué à l’État par une partie de l’opinion publique française entraîne des résistances plus fortes qu’ailleurs.

La grève du printemps 2018 à la SNCF a pour objectif d’empêcher le pays de se mettre au diapason européen. Il s’agit d’une tentative de pression sur le pouvoir politique visant ni plus ni moins à reporter, voire à rompre, des accords internationaux. Rien de plus politique qu’une telle attitude. Une petite minorité profite de sa position stratégique dans le transport ferroviaire pour dicter la politique internationale du pays.

François Ruffin, l’inénarrable député de la France insoumise, mi-clown, mi-politicien, l’a affirmé clairement sur BFMTV :

« Le sens de la grève à la SNCF dépasse la SNCF, il y a un enjeu plus général  […] Qu’est-ce que la SNCF ? Qu'est-ce que les cheminots ? Ils ont la possibilité d’être une digue pour les autres, de dire stop, on peut espérer que les cheminots soient une digue pour le reste de la société, au-delà de leur sort, s’il y a un stop, ce sera un stop pour les autres réformes derrière. »

Tout est clair : la grève vise à imposer un modèle de société.

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