Pour l'extension de la PMA

05/10/2018

Patrick AULNAS

Comment les partisans de la libéralisation de l’accès à la PMA (procréation médicalement assistée) perçoivent-ils les opposants ? Voilà une question qui mérite d’être traitée car depuis des décennies chaque évolution du droit de la famille suscite des oppositions radicales, toujours dépassées en quelques années. La contraception (loi Neuwirth de 1967), l’IVG (loi Veil de de 1974), le pacte civil de solidarité (1999), et enfin le mariage pour tous (loi Taubira de 2013) ont entraîné des débats violents et parfois des propos orduriers des opposants. Les plus anciens se souviennent des qualificatifs honteux employés par quelques primates mâles de l’Assemblée nationale à l’encontre de Simone Veil.

 

Les familles sans père ont toujours existé

Ludivine de la Rochère, présidente du mouvement La Manif pour tous, insiste toujours sur le rôle fondamental du père et sur la souffrance des enfants nés de père inconnu ou des enfants élevés sans père. Le slogan  « Une famille c’est un papa et une maman », a connu un succès incontestable au moment du vote de la loi Taubira. Ces propos renvoient à un modèle unique de famille, considéré comme naturel, et qui correspond à la dominante actuelle. Mais ils stigmatisent tous les individus qui ont connu un autre modèle. Il n’y a pas de normalité dans ce domaine. Les familles monoparentales sont aussi des familles comme les autres.  

Les enfants élevés par des femmes, en l’absence d’homme, ont été légion depuis que le monde est monde. Les guerres, l’alcoolisme et le tabagisme, les accidents du travail frappaient durement la partie masculine de l’humanité. Les veuves avec enfants ont toujours été nombreuses. Le pas supplémentaire qui sera franchi n’ajoute donc pratiquement rien de nouveau à cette réalité. Le slogan de La Manif pour tous se rapporte à une réalité tronquée. Pour certains d’entre nous, la famille ce n’était déjà qu’une maman et parfois qu’un papa.

 

Le rôle restrictif de la médecine

Les opposants à l’extension de la PMA voient un danger dans une évolution législative qui met le progrès médical au service des désirs de l’individu. La médecine doit soigner les maladies mais n’est pas conçue pour répondre au désir d’enfant. Cet argument est bien pauvre. Il est possible de définir le champ d’intervention de la médecine très étroitement, mais dans ce cas les progrès fulgurants de la biologie ne pourront jamais être médicalisés, c’est-à-dire servir à améliorer la condition humaine.

La chirurgie esthétique appartient bien au champ de la médecine. Pourquoi pas la PMA ? Dans de nombreux pays, les médecins aident les hommes à mourir dignement et ne se contentent pas de les maintenir en vie artificiellement. Le rôle de la médecine évolue avec le progrès des connaissances et il est impossible d’arrêter cette évolution.

Le progrès est nécessairement une aventure, et la peur de l’aventure conduit à se crisper sur les modèles connus. C’est une très vieille histoire. Au Moyen Âge, l’Église interdisait la pratique de la chirurgie. Il faut lire à cet égard le magnifique roman de Marguerite Yourcenar, L’œuvre au noir, dans lequel Zénon, médecin novateur, se suicide pour échapper à ses bourreaux et terminer sa vie sur un acte de liberté.

Faut-il à nouveau interdire aux médecins d’utiliser toutes les connaissances disponibles ?

 

La morale de certains imposée aux pauvres mais pas aux riches

Ceux qui ont peur de la liberté ne semblent pas s’offusquer de l’injustice. La loi libéralisant l’accès à la PMA représente une nouvelle conquête de la liberté. Les femmes seules et les couples de femmes homosexuelles pourront en effet avoir un enfant alors qu’elles devaient se rendre à l’étranger (dans la toute proche Belgique par exemple) pour obtenir ce résultat. Mais se rendre à l’étranger est coûteux et seules les personnes financièrement avantagées entreprennent une telle démarche. Pour les riches, la PMA est déjà là et la nouvelle loi ne changera pas grand-chose. Mais, nous disent les opposants, pas question de l’accorder aux pauvres !

La même logique, si l’on peut employer ce terme, était à l’œuvre en 1974 avec l’IVG. Les jeunes femmes de la bourgeoisie se rendaient en Angleterre pour avorter. Mais les femmes pauvres devaient recourir à des faiseuses d’anges et le payaient parfois de leur vie.

 

Et l’amour du prochain ?

Que des chrétiens puissent se réclamer d’une exclusion des moins favorisés devraient nous interroger sur leur christianisme. Ne s’agit-il pas d’empêcher le bonheur d’autrui parce qu’il n’est pas acquis selon des préceptes moraux jugés intangibles ? Il y a beaucoup de petitesse à vouloir imposer par la violence légale sa propre morale à une majorité de la population qui n’en veut pas.  La grandeur de la foi chrétienne réside dans l’amour du prochain, même s’il est un pécheur, surtout s’il est un pécheur.

Madame de la Rochère veut que le péché de la PMA soit réservé à une petite élite, à laquelle d’ailleurs elle appartient. Cela s’appelle défendre des privilèges.

 

Les principes intangibles ou l’expérimentation prudente ?

Au demeurant, la plupart des chrétiens ont compris qu’ils ne peuvent pas s’opposer à une réalité fondamentale : les avancées de la science. Les découvertes scientifiques ont toujours été mises au service de l’humanité. Il n’existe aucun exemple de connaissance nouvelle, dûment expérimentée, qui ait été abandonnée au nom de la morale. L’humanité avance prudemment par l’expérimentation mais ne se laisse pas imposer les préceptes venus du cerveau des moralistes. C’est par la pratique, par essais et erreurs que l’on choisit notre avenir. Ce qui est jugé positif devient tôt ou tard réalité sociale et humaine, malgré toutes les dissertations et les récriminations des tenants de l’immobilisme.

 

La PMA ne change rien, sauf pour une infime minorité

Une nouvelle fois, la liberté sera étendue. Mais comme pour le mariage pour tous, l’impact statistique sera très faible. Quelques milliers de personnes par an seront concernées. La société dans son ensemble n’en sera en rien affectée. La famille restera massivement ce qu’elle est aujourd’hui. On se perd en conjectures sur les raisons profondes des opposants. Leur liberté de vivre comme ils l’entendent est totalement respectée. Mais ils veulent interdire à un tout petit nombre la réalisation du rêve de leur vie. Au nom de leurs valeurs, vraiment ?

 

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