Macron et Contrepoints

11/06/2018

Patrick AULNAS

L’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron a suscité des analyses extrêmement diverses dans Contrepoints. Sans verser dans l’autosatisfaction béate, il est possible d’affirmer que peu d’organes de presse laissent s’exprimer tant de diversité. La ligne rédactionnelle a parfois l’épaisseur d’un cheveu. Pas dans Contrepoints. Soyez donc satisfaits de trouver ici les inéluctables divergences qui ne sont que la respiration de la liberté.

 

Macron, un libéral ?

Pour Jérôme Perrier, la réponse est positive car Emmanuel Macron « s’inscrit dans une double filiation libérale. D’abord, celle d’un libéralisme de gauche, qui compte dans notre pays de très grandes figures, injustement oubliées ou négligées, comme celles de Benjamin Constant ou d’Alain par exemple. Ensuite, celle d’un libéralisme qui s’accommode d’un État relativement fort, et que Lucien Jaume dans ses travaux a qualifiée de « libéralisme par l’État » ou de « libéralisme étatique », par opposition à un « libéralisme de l’individu » beaucoup plus méfiant à l’égard de la puissance publique. »

Gaspar Koenig, rappelant une distinction de Hayek,  rattache Emmanuel Macron à « un libéralisme français, épris de droits et de rationalité administrative » par opposition au « libéralisme anglais, plus respectueux des institutions et de leur évolution spontanée. » Macron souhaite « instaurer dans nos systèmes économiques et sociaux une formule égalitaire permettant à chacun de faire ses choix et d’en assumer les conséquences. »

Pour Jacques Garello, « Emmanuel Macron ne peut se réclamer du libéralisme, même s’il se présente comme « social libéral » : un oxymore puisque le vrai clivage politique et économique est entre socialisme et libéralisme. Il trompe son monde en jouant sur la vacuité du clivage droite-gauche, puisqu’en effet ladite droite française n’a cessé d’accélérer la marche au socialisme. » Et Jacques Garello ajoute : « On n’est pas libéral parce qu’on a le soutien du patronat institué, trop heureux de prolonger l’ère du capitalisme de connivence en France, et ivre de dialogue social. »[1]

 

Faut-il laisser sa chance à Macron ou être un opposant ?

Richard Guédon rappelle les difficultés d’une politique de réforme. « Alors, Emmanuel Macron a-t-il transformé en un an la France en paradis libéral ? Non bien sûr ! […] Nous le savons tous, la tâche est immense, l’État est partout et surtout dans les têtes, et la France ne pourra pas être réformée d’un coup de baguette magique. L’État ne fondra pas comme neige au soleil libéral, et surtout, il faudra du temps pour que nos concitoyens guérissent de leur addiction au tout-État.

N’oublions pas à quel point l’élection de 2017 s’est jouée à un cheveu, ne sacrifions pas les avancées libérales concrètes du pouvoir actuel sur l’autel de la pureté d’un libéralisme platonicien car, alors, nous risquerions bien de ne jamais sortir de la caverne. »[2]

Mais, pour Olivier Maurice, « Emmanuel Macron est bien le président des riches […] Cette « politique des riches » est tout sauf une politique libérale. Les deux versions (la version Robin des Bois qui consiste à prendre aux riches pour donner aux pauvres et la version Jean Sans Terre qui consiste à prendre aux pauvres pour donner aux riches) sont des politiques interventionnistes où l’État s’arroge la maîtrise d’un domaine qu’il ne connait pas et qu’il ne maîtrise pas. »[3]

 

Macron incarne-t-il le renouveau ou la continuité ?

Jean-Marc Vittori, de l’Institut économique Molinari, rappelle que « La France s’est choisi le plus jeune président de son histoire. La victoire d’Emmanuel Macron constitue un signe de renouveau, de vitalité et d’espérance dans un pays trop souvent devenu la patrie de la défiance.

C’est ainsi que son élection a été interprétée un peu partout dans le monde, dès lors qu’on s’éloignait des politiciens français tout à leur rancœur de s’être fait voler l’élection par un intrus […] »[4]

Hector Allain reste dubitatif quant aux chances de réformer le pays : « Pour le moment, Macron s’intéresse à la frange de la population active qui fonctionne déjà bien, les actifs du privé, la France qui bosse. Les fonctionnaires et les populations assistées semblent intouchables. On laisse donc de côté environ ce tiers de la population active qui concentre 90% des inefficiences de ce pays. S’agit-il d’un choix tactique pour redonner dans un premier temps confiance au pays sans brusquer les conservatismes ? »[5]

Pour Nicolas Lecaussin et Kevin Brookes la réforme de l’administration n’aura pas lieu. « Pour se cantonner au seul État, 50 000 suppressions de postes sur cinq ans, ce n’est vraiment pas beaucoup : cela représente tout juste 2,09 % de l’ensemble des effectifs de la fonction publique d’État (2,393 millions d’agents exactement), soit environ un effort annuel de réduction de 0,42 %. »[6]

 

L’avenir nous le dira

Un Président est nécessairement coupé des réalités concrètes de la société. Les courtisans sont nombreux et la vérité peut les desservir. Cécile Philippe nous rappelle qu’Emmanuel a peut-être un atout.

« Quand Emmanuel Macron explique que sa femme est son ancre et ajoute qu’il « est crucial d’avoir à la maison quelqu’un [qui lui] dise la vérité », il nous dévoile peut-être un de ses atouts pour éviter de perdre pied. L’avenir nous le dira. »[7]

 

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