Immigration : gauche morale ou gauche cynique ?

24/01/2018

Patrick AULNAS

La bonne conscience de gauche s’étale à profusion. Un sujet est éternellement à l’ordre du jour : les migrants. Une aubaine pour tous les Robin-des-Bois contemporains ! L’étalage médiatique de générosité envers les pauvres hères donne parfois la nausée, tant il est évident que l’aspect politicien n’est jamais oublié des beaux parleurs professionnels.

 

Benoît Hamon et les vallsisés

Les fameux migrants, dont personne ne sait s’ils sont économiques, politiques ou même climatiques, devraient prochainement faire l’objet d’un recensement dans les centres de rétention. Scandale ! Recenser des étrangers entrés illégalement sur le territoire constitue un casus belli pour certains leaders de gauche.

Le brillantissime Benoît Hamon considère qu’il s’agit de « mesures inhumaines » et que Macron « a été valllsisé sur les questions d’immigration ». Visiblement, le niveau intellectuel et les exigences éthiques de l’ex-candidat socialiste progressent toujours. Le concept très novateur de vallsisation en dit rétrospectivement long sur le parti socialiste et sans doute même sur tous les partis politiques : des paniers de crabes. On ne découvre pas grand-chose mais on s’étonne toujours. Ces gens-là gouvernaient ensemble. Pauvre France !

 

Julien Dray : après les montres, les rafles

Julien Dray évoque, quant à lui, « les rafles de migrants » dans les centres d’hébergement. Le mot renvoie pour beaucoup d’entre nous à l’épouvantable rafle du Vél D’Hiv de juillet 1942 qui avait conduit en déportation plus de 13 000 juifs, dont plusieurs milliers d’enfants. Julien Dray l’utilise évidemment à dessein pour parler d’une simple identification des personnes. Les français sont tous identifiés, que l’on sache. Où serait le scandale si les migrants étaient soumis au même régime ? La médiocrité de ce politicien n’a plus aucune limite. L’amour immodéré des montres de luxe lui convenait bien. Son vocabulaire sur l’immigration le conforte parfaitement dans le rôle du politicien archaïque et sans vergogne.

 

Instrumentalisation de droite et de gauche

Ces deux exemples pourraient paraître anecdotiques. Mais ils montrent que l’instrumentalisation politique de la problématique migratoire n’est plus l’apanage du Front National. Celui-ci prône l’arrêt de l’immigration tout en sachant qu’il est impossible. Contenir, gérer, certes ; mais empêcher, certainement pas ; sauf à devenir l’URSS ou au troisième Reich.

L’instrumentalisation politicienne de ce sujet brûlant touche désormais la gauche. Par opportunisme politique, elle résume la question à « l’accueil des migrants », sachant parfaitement que la sélection est indispensable. Sans elle, ce sont des millions de personnes qui arriveraient, fuyant guerres, violences et pauvreté. Nous gagnerions une déstabilisation complète de nos sociétés et une radicalisation politique à laquelle certains aspirent à l’extrême-gauche. Les rêves de ceux-là transparaissent sur leurs visages : « Enfin, plus rien d’autre que la politique ! Enfin il suffira de lutter ! ». Charmante perspective.

 

L’opinion publique n’accepte plus le laxisme

Au fil des décennies, l’opinion publique a évolué sur le sujet. Les débats de la fin du XXe siècle sur l’immigration subie et l’immigration choisie n’existent plus. La gauche considérait à l’époque qu’il était indigne de choisir. Il fallait subir. Aussi laissait-elle les portes ouvertes pour procéder ensuite à des régularisations massives de sans-papiers. Personne aujourd’hui ne prône un tel laxisme, qui nous a conduits là où nous sommes.

Les sondages sont concordants : plus de 60% des français sont opposés à l’accueil de nouveaux migrants. Toutes les tranches d’âge éprouvent une inquiétude sur le nombre d’immigrés, mais elle atteint 71% des sondés chez les plus jeunes (25-34 ans) selon un sondage IFOP de décembre 2017.

Il est désormais entendu que l’immigration doit être gérée à l’extérieur de l’Europe (pays de départ), aux frontières de l’Europe et dans chaque pays. Mais dès qu’une mesure est adoptée, aussi modérée soit-elle, les parangons de vertu gauchistes se déchaînent. L’occasion est trop belle pour dénoncer l’égoïsme du capitalisme. Comment résister à cette facilité?

Au vu des dernières statistiques officielles sur l’immigration, de janvier 2018, l’opinion publique fait d’ailleurs preuve, de façon intuitive, d’un réalisme qui l’éloigne de plus en plus des incantations politiciennes. Le nombre des demandeurs d’asile a quintuplé en 20 ans, passant de 20 000 en 1997 à plus de 100 000 en 2017. L’immigration régulière (avec titre de séjour délivré)  concernait 125 000 personnes en 1995 et 262 000 en 2017. Quant à l’immigration irrégulière, les statistiques officielles ne l’évaluent pas car elle ne peut être que grossièrement estimée.

 

Agit-prop et montée de l’extrême-droite

Les chiffres précédents sont sans appel. Il faut désormais faire preuve de réalisme et chercher à stabiliser les flux migratoires. Mais l’agitation politique pro-migratoire n’en a cure et revêt le beau costume de la vertu, alors qu’elle n’est que cynisme du côté des leaders. Que de doux rêveurs puissent s’imaginer que l’altruisme généralisé et sans limite représente notre devoir, on le comprend aisément. Mais les leaders politiques préparent minutieusement leurs interventions sur le sujet et elles constituent en général des chefs-d’œuvre de double ou triple langage.

La montée de l’extrême-droite en Europe étant corrélée politiquement à l’importance des flux migratoires, il est légitime de se demander quel jeu joue la gauche. On pense irrésistiblement à la République de Weimar (1918-1933) et à l’agitation d’extrême-gauche qui avait constitué un véritable piédestal pour l’accession au pouvoir d’Hitler. L’opinion publique européenne attend dans ce domaine une certaine efficacité pratique. Si celle-ci n’est pas au rendez-vous dans les prochaines années, les conséquences politiques peuvent dépasser tout ce qu’on imagine.

 

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