France : l’addiction aux dépenses sociales

16/01/2018

Patrick AULNAS

On le sait, les dépenses publiques françaises sont parmi les plus élevées au monde. Mais elles sont aussi atypiques du fait de leur répartition. La France a collectivisé comme aucun autre pays son système de protection sociale. La liberté dans ce domaine est pratiquement nulle. Tout est décidé politiquement. Voici un petit aperçu comparatif européen sur 10 ans utilisant les chiffres d’Eurostat.

 

Dépenses publiques globales

 

Dépenses publiques totales en % du PIB

Années

2007

2011

2016

    - Moyenne UE (28 pays)

44,6

48,5

46,3

    - France

52,2

56,0

56,4

    - Allemagne

42,8

44,7

44,2

 

 

La France détient actuellement le titre de championne d’Europe des dépenses publiques. Elle se situe toujours très largement au-dessus de la moyenne de l’UE. Elle devance désormais le Danemark qui se contente de 53,2% du PIB en 2016. Le record appartient à la Grèce qui est montée à 65,1% du PIB en 2010. Sur les 10 années 2007-2016, la France se caractérise par son obstination à maintenir des dépenses publiques élevées. Le Danemark, la Belgique, le Grèce et la Suède, grands pays dépensiers, ont fait de petits efforts dont la France s’est abstenu.

L’Allemagne est légèrement au-dessous de la moyenne européenne pour le total des dépenses publiques.

 

Dépenses de l’État central et des collectivités territoriales

 

Dépenses publiques de l’État central en % du PIB

Années

2007

2011

2016

Moyenne UE (28 pays)

25,3

27,1

25,4

France

22,2

23,3

22,9

Allemagne

13,3

14,3

12,5

 

 

Dépenses publiques locales en % du PIB

Années

2007

2011

2016

Moyenne UE (28 pays)

15,2

16,4

15,5

France

11,0

11,4

11,1

Allemagne

19,3

20,7

21,3

 

 

La structure de l’État joue un rôle important dans ce domaine. Dans les États fédéraux, comme l’Allemagne, les attributions des entités fédérées étant importantes, les dépenses locales s’en ressentent. Ainsi, en Allemagne, pour 2016, l’échelon public local (länder et leurs diverses subdivisions, communes) absorbe 21,3% du PIB. Corrélativement, les dépenses de l’État central sont plus faibles : 12,5%.

La France, État centralisé, se caractérise par des dépenses moins importantes des échelons locaux (régions, départements, communes), soit 11,1% du PIB en 2016, mais plus importantes de l’État central (22,9% du PIB)

 

Cumul des dépenses publiques centrales et locales en % du PIB

Années

2007

2011

2016

Moyenne UE (28 pays)

40,5

43,5

40,9

France

33,2

34,7

34,0

Allemagne

32,6

35,0

33,8

 

 

Si on effectue le cumul central + local, on s’aperçoit immédiatement que les chiffres français et allemands sont très proches l’un  de l’autre en valeur relative et se situent depuis 10 ans entre 33 et 35% du PIB. Les administrations publiques absorbent donc globalement la même proportion du PIB en Allemagne et en France, mais la répartition des compétences entre l’État central et les échelons décentralisés est très différente.

La légende, souvent entretenue, que le poids des administrations publiques stricto sensu (hors protection sociale) est beaucoup plus lourd en France qu’en Allemagne est donc totalement inexacte.

Les deux pays se situent au-dessous de la moyenne européenne qui dépasse les 40% du PIB.

 

Dépenses de protection sociale

 

Dépenses publiques de sécurité sociale en % du PIB

Années

2007

2011

2016

Moyenne UE (28 pays)

13,5

15,5

15,1

France

23,8

25,9

26,1

Allemagne

    18,5

19,0

19,0

 

 

La France se singularise par l’importance des dépenses publiques de protection sociale (santé, retraites, chômage, prestations familiales). Elle détient de façon constante le record d’Europe en se situant à 10 ou 11 points de PIB au-dessus de la moyenne européenne et à 5 à 7 points de PIB au-dessus de l’Allemagne, ce qui est considérable [1].

Cela ne signifie pas nécessairement que les allemands ont une protection sociale inférieure aux français mais qu’ils bénéficient d’une plus grande liberté de choix. Tout ou presque est collectivisé en France alors que ce n’est pas le cas ailleurs.

La France devrait donc, pour réduire ses dépenses publiques, se préoccuper d’abord et avant tout de libérer les contraintes pesant sur le système de santé et le système de retraite. Le secteur public devrait assurer un minimum de protection pour tous, sans caractère assurantiel, le reste relevant de choix individuels.

 

Dépenses publiques en euros : la dérive

 

PIB et dépenses publiques françaises en milliards d’euros

Années

2007

2011

2016

Augmentation

de 2007 à 2016

 

PIB France

1945,7

2059,3

2228,9

14,5%

Dépenses publiques françaises en % PIB

52,2%

56,0%

56,4%

 

Dépenses publiques totales

1015,7

1153,2

1257,1

23,8%

Dépenses de l'Etat 431,9 479,8 510,4 18,2%

Dépenses locales

214,0

234,7

247,4

15,6%

Dépenses de protection sociale

463,1

533,4

581,7

25,6%

 

 

Pour atténuer par le verbe la dérive des dépenses publiques, les politiciens et la technostructure publique raisonnent toujours en tendance. Autrement dit, si les dépenses ont augmenté de 2% sur deux années consécutives puis de seulement 1,8% pour les deux années suivantes, ils considèrent qu’il y a baisse des dépenses publiques. En réalité, évidemment, il n’y a qu’une augmentation un peu moins rapide.

Le tableau précédent permet de regarder la réalité en face. De 2007 à 2016, les dépenses publiques françaises ont augmenté de 23,8% en euros courants. L’augmentation du PIB n’a été que de 14,5% sur la période. Cela signifie que le pouvoir de décision économique passe rapidement des individus à l’État, c’est-à-dire aux politiciens.

La hausse la plus forte concerne les dépenses de protection sociale qui s’envolent de 25% en 10 ans. Un tel rythme étant totalement insoutenable à long terme, des réformes auront inéluctablement lieu pour la santé et les retraites qui sont les postes les plus lourds dans ce domaine.

Avec une petite croissance économique de 2% par an, une simple stabilisation en valeur des dépenses publiques permettrait de diminuer rapidement le poids de ces dépenses dans le PIB (plus de 10 points de PIB en moins sur 10 ans). Mais bien entendu, le problème se situe ailleurs. Maîtriser les dépenses publiques, c’est diminuer le pouvoir des politiciens. Moins d’argent public signifie moins de pouvoir économique, culturel, social, bref moins d’influence. Et, par nature, le pouvoir politique cherche à accroître sa puissance. Les discours politiciens de retour à une meilleure gestion ne sont donc que de la poudre aux yeux. Seule la contrainte financière, quasiment mathématique, peut en vérité avoir une influence.

 

 

[1] Une étude approfondie nécessiterait cependant d’examiner le contenu exact de chaque catégorie de dépenses  (État central, collectivités territoriales, sécurité sociale). On sait, par exemple, qu’au Danemark, une partie importante de la protection sociale est financée par l’impôt et ainsi rattachée aux dépenses de l’État central, qui avoisinent actuellement les 40% du PIB contre 22% en France.

 

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