PMA, avenir et liberté

20/09/2017

Patrick AULNAS

Le projet d’extension de la PMA (procréation médicalement assistée) ravive les polémiques sociétales. Pour certains, c’est au politique de décider sur des bases éthiques. Mais une interdiction juridique a-t-elle jamais entravé durablement le progrès scientifique ? Une évolution de l’espèce humaine peut-elle être stoppée par des politiciens ? La peur de l’avenir, qui réapparaît toujours lorsqu’un nouveau pas est franchi, est-elle bonne conseillère ?

 

Des mammifères intelligents

Dans le domaine de la reproduction, nous sommes des mammifères. Rien d’original chez nous, sauf sans doute le jeu avec le plaisir sexuel. Il est lié à notre intelligence et à notre prodigieuse imagination. Mais devons-nous rester pour l’éternité des mammifères ? Le mâle humain devra-t-il toujours être attiré par la femelle pour que la fusion des gamètes conduise à la fécondation ?

Cette question n’est pas purement philosophique. Les connaissances acquises en biologie et les capacités biotechnologiques conduisent à penser que l’avenir est ouvert. Plus généralement, les prodigieux développements des NBIC[1] font naître une intuition omniprésente : l’espèce humaine est à la veille de franchir un pas important. Transhumanisme, posthumanisme, peu importent les mots, l’homme de demain sera profondément différent de celui d’aujourd’hui car son savoir lui permet de se transformer. Jamais dans l’histoire les connaissances acquises n’ont été laissées en jachère.

 

Restons ce que nous avons été ?

Depuis que le monde est monde, le franchissement d’une étape importante a toujours conduit à deux attitudes opposées : restons ce que nous avons été ou soyons ce que nous sommes.

La peur de l’avenir, c'est-à-dire la peur de l’aventure humaine domine chez certains d’entre nous. Selon eux, nous devons faire un choix politico-éthique avant de continuer nos expériences. Ce choix, qu’ils souhaitent négatif, devra ensuite s’imposer à tous. Il sera interdit d’expérimenter et surtout de mettre en œuvre le résultat de l’expérimentation. Dans le cas présent, il conviendrait donc de ne pas étendre la PMA et de la cantonner à une fonction thérapeutique. Ce n’est pas le choix de la liberté.

 

Soyons ce que nous sommes ?

L’alternative consiste à avancer avec prudence, à poursuivre les expériences, à ne rien imposer à quiconque des nouvelles possibilités mais à laisser le libre choix à chacun. En l’occurrence, l’extension de la PMA ne concernera qu’une population statistiquement faible qui obtient ainsi des droits nouveaux. C’est le choix de la liberté.

L’homme reste alors en parfaite adéquation avec ce qu’il est : un être libre et créatif. Toutes les opportunités lui sont laissées pour utiliser ce qui le singularise : son intelligence. Mais rien n’est imposé autoritairement à tous les hommes du temps présent.

 

Figer le présent ou poursuivre l’aventure du futur ?

Bien entendu, la liberté peut changer le monde. Elle peut même changer l’espèce. Mais le destin d’Homo sapiens n’est-il pas d’utiliser son intelligence pour transformer son environnement, son mode de vie et finalement lui-même ? Les réticences des trois monothéismes sur ce dernier point viennent de l’idée que Dieu a créé l’homme à son image. Il faut donc respecter la créature divine. La créature ne peut pas jouer le rôle du créateur. L’homme qui se prend pour Dieu est un apprenti-sorcier.

Mais notre histoire, depuis des millions d’années, avant même Homo sapiens, montre que nos ancêtres ont toujours fait reculer les limites du possible. Avec prudence, avec modestie, avec sagesse, avec pragmatisme, sans jamais se prendre pour Dieu. Cette histoire nous a conduit des hordes paléolithiques aux tours des grandes cités contemporaines. Pourquoi notre capacité d’agir sur notre devenir devrait-elle se figer au XXIe siècle ?

 

Nous ne pouvons arrêter l’aventure humaine qu’en cessant d’être des hommes

Nous ne pouvons pas, en vérité, stopper notre belle aventure humaine par le droit. Notre imaginaire nous impose d’aller de l’avant et toutes les interdictions du monde n’entraveront pas notre liberté d’innover. La procréation et la sexualité humaine sont déjà dissociées avec l’utilisation des contraceptifs. Nous nous sommes beaucoup éloignés des autres mammifères. La gestation reste intra-utérine, mais pour combien de temps à l’échelle de l’histoire longue ? Quelques siècles sans doute. Lorsque la gestation extra-utérine sera maîtrisée, combien de femmes accepteront encore les contraintes, les douleurs et les risques de la procréation animale intra-utérine ?

Nous n’avons pas choisi notre intelligence. Elle nous a été donnée. Par Dieu ou par la nature, peu importe. Cette singularité de l’homme le conduit toujours à penser, chercher, expérimenter, évoluer. Imposer à tous le statu quo par la force de la loi, cela s’appelle une dictature. Les dictatures n’ont jamais résisté durablement à la soif de liberté des êtres humains.

 

 

[1] Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives

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