Où se situe politiquement Macron ?

26/04/2017

Patrick AULNAS

Le positionnement politique d’Emmanuel Macron est-il atypique ? A-t-il créé un nouveau courant ? Évidemment, rien ne se crée ex nihilo. Même en politique, tout se construit à partir de l’existant. Macron se situe donc au point d’intersection à peu près central des trois grands clivages politiques contemporains : droite et gauche, ouverture et fermeture, étatisme et libéralisme.

 

Un centriste

Prétendre n’être ni de droite ni de gauche ne peut avoir qu’une signification étroitement politicienne : rejeter les grands partis qui se partagent le pouvoir depuis des décennies (PS et LR principalement). Mais il faut malgré tout se situer sur l’axe liberté-égalité qui constitue peut-être le critère dominant de la distinction droite-gauche. La gauche privilégie l’égalité de façon constante depuis plus d’un siècle. La droite voit dans cette ambition égalitaire un risque pour la liberté. Le communisme en est l’exemple historique emblématique. De ce point de vue, Macron se situe au centre comme l’attestent ses propositions. Prenons simplement deux exemples. Il veut favoriser l’initiative individuelle et la négociation collective au niveau de l’entreprise, gages de liberté. Mais sa politique fiscale (maintien de l’ISF avec une assiette réduite, exonération de la taxe d’habitation pour 80% des ménages) risque de peser lourdement sur les classes moyennes supérieures ; démarche égalitariste.

D’une manière générale, le programme d’Emmanuel Macron est typiquement centriste, c’est-à-dire modéré, ce qui peut être un compliment. Il cherche à faire évoluer l’existant dans un relatif consensus et non en privilégiant une clientèle électorale comme en avaient l’habitude la gauche et la droite de gouvernement. Y parviendra-t-il ? Il faut le souhaiter car le pays a désespérément besoin d’évoluer en évitant les conflits stériles.

 

Un homme ouvert sur le monde

Sur l’axe ouverture-fermeture, Emmanuel Macron se place nettement du côté de l’ouverture. Tous les commentateurs le considèrent comme le représentant des catégories sociales voyant dans la mondialisation une opportunité et dans la construction européenne un impérieuse nécessité. Il s’oppose aux populistes (Mélenchon, Le Pen) fédérant un électorat hétéroclite provenant principalement de la « France périphérique » (petites villes en régression économique, zones rurales en voie de désertification) et regardant l’ouverture des frontières comme un danger.

Macron préconise donc une politique migratoire axée sur l’intégration des étrangers et veut favoriser l’immigration de talents (étudiants, professionnels compétents). Il souhaite relancer la construction européenne (vaste programme !) en s’appuyant à nouveau sur le couple franco-allemand que François Hollande avait laissé péricliter. Mais son programme prévoit aussi un renforcement de la police des frontières européennes (Agence de garde-frontières et de garde-côtes). Cette ambition européenne se situe à l’exact opposé du programme suicidaire de Marine Le Pen qui souhaite abandonner l’Euro.

 

Un réaliste épris de liberté

Enfin, sur le critère libéralisme-étatisme, Macron est un réaliste modéré. Réaliste, car il n’adhère pas à une doctrine libérale précise, mais envisage de faire évoluer avec pragmatisme l’État-providence. Le libéralisme doctrinal, tel que le conçoivent certains économistes, ne le concerne pas car en tant qu’homme d’action il doit accepter la réalité sociale présente. La liberté dans tous les domaines, y compris sociétal (mariage homosexuel), représente pour lui un objectif souhaitable, mais les contraintes politiques (majorité parlementaire) et sociales (risques de conflits avec les syndicats) ne permettent pas d’afficher de grands principes théoriques qui rencontreraient immédiatement une opposition et conduiraient à la paralysie. Aussi, la modération s’impose-t-elle car déstabiliser le corps social et attiser les conflits serait contreproductif. Il en résulte que les étatistes doctrinaires le traitent de libéral (suprême injure) et que les libéraux doctrinaires le classent parmi les sociaux-démocrates !

 

Giscard et Macron

Un centriste ouvert sur le monde et agissant avec pragmatisme va donc très probablement gouverner la France pendant cinq ans. Il faut remonter à Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981) pour trouver un Président de la République de cette sensibilité politique. Lui aussi inspecteur des finances, donc issu de l’un des corps les plus prestigieux de la technocratie publique, il fut confronté à la fin des Trente Glorieuses (1944-1974) et à la première crise pétrolière qui conduit à tripler le prix de pétrole brut. La gauche, sous l’impulsion de Mitterrand, multiplia les promesses démagogiques (baisse du temps de travail, retraite à 60 ans pour tous, nationalisations de secteurs entiers de l’économie) et accéda au pouvoir en 1981. Macron sera, lui aussi, confronté au populisme de droite (Front National) et au populisme de gauche (Parti de gauche et un parti socialiste très à gauche). Sa situation sera donc plus difficile encore que celle de Giscard. Sa réussite est une impérieuse nécessité et la dernière chance de la France. S’il échoue, 2022 sera pour le pays une date tragique.

 

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