Le plus exécrable de tous les débats de second tour

05/05/2017

Patrick AULNAS

Le débat télévisé du 3 mai 2017 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen fut à l’image de la campagne électorale : au-dessous du niveau requis pour l’élection d’un Président de la République. La faute en incombe exclusivement à la candidate du Front National dont beaucoup de téléspectateurs ont sans doute découvert les insuffisances. Il y a en effet une grande différence entre écouter Marine Le Pen pendant trente secondes dans un journal télévisé et subir son inculture pendant deux heures trente. Ce fut très, très long et le brouhaha permettait aisément d’aller faire un petit tour en attendant le retour à un calme tout relatif.

 

Déstabiliser Macron

On n’attendait sans doute pas autre chose d’une nationaliste protectionniste portant un projet suicidaire pour son pays. Puisque le jeu politicien consiste pour elle et les siens à capter un électorat ne disposant pas des éléments de base pour apprécier la situation, tout miser sur l’émotion fabriquée médiatiquement devient indispensable. Ses plus fervents admirateurs ne l’auront pas découverte à cette occasion et auront sans doute admiré ses tentatives de déstabilisation d’Emmanuel Macron. Mais ce fut en vain. Le leader du mouvement En Marche manifesta parfois un certain agacement face à tant de mauvaise foi, mais globalement il conserva toujours son sang-froid.

 

L’incompétence de Marine Le Pen

La tactique lepéniste fut donc, de ce point de vue, un échec. Macron avait tout intérêt à placer le débat sur le fond : confronter les programmes et pointer les failles abyssales de celui de son adversaire. Il y parvint parfois, en particulier sur l’euro, lorsque Marine Le Pen afficha une méconnaissance totale des circonstances de la création de la monnaie européenne (attribution à l’ancien ECU d’une fonction de monnaie d’échange entre entreprises). Le risque pour Macron de paraître trop technocratique a été en général évité et il a su présenter des problèmes complexes avec un talent pédagogique incontestable, en se limitant aux idées principales tout en les illustrant d’exemples concrets.

 

Médiocrité éthique

Les militants des deux camps ont évidemment applaudi leur poulain. Mais l’écrasante majorité du public est constituée de personnes ne s’intéressant qu’épisodiquement à la politique. Comme les finales de la coupe du monde de football, ce genre de débat suscite la curiosité bien au-delà du cercle des aficionados. La supériorité intellectuelle de Macron fut certainement pour ce public l’élément majeur. Marine Le Pen a constamment cherché à abaisser le niveau du débat pour le placer à l’étiage qui est le sien. Attaques ad hominem, ricanements permanents et sourires méprisants faisaient apparaître une femme politique déplaisante, à la limite de la vulgarité. Pour un grand nombre de téléspectateurs, la médiocrité éthique du personnage apparut ainsi au grand jour.

 

Une mauvaise image du Front National

Bien que les pronostics soient aventureux,  il est probable que le Front National ne tirera aucun avantage électoral de ce débat. Comme l’a affirmé à plusieurs reprises Macron, les français ne sont aussi bêtes que le pense Marine Le Pen. Nombreux sont ceux qui ont perçu l’escroquerie politicienne portant la marque Front National à cette occasion. L’analyse n’est pas nécessaire. On peut être révulsé par la manière de se comporter de Marine Le Pen à ce niveau de responsabilité.

 

Imaginons un autre débat !

Ce débat fut le plus exécrable de tous les débats de second tour depuis 1974, date du premier d’entre eux (hélas ! l’âge me permet de les avoir tous vus), En tirant le niveau vers le bas pour des raisons électoralistes, la candidate du Front National n’a pas fait honneur à son pays. Imaginons un tel débat entre Fillon et Macron : de la haute voltige, très certainement. Ou entre Mélenchon et Macron : on peut se situer politiquement loin de Mélenchon, mais on doit lui reconnaître une vaste culture, une compréhension fine des problèmes politiques, des analyses fortes. Bref, La France a été privée du débat qu’elle méritait certainement.

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