Le libéralisme au secours de la gauche écartelée ?

23/01/2017

Patrick AULNAS

Les résultats de la primaire de gauche (Hamon en tête, Valls en seconde position) ne font que confirmer l’écartèlement du Parti socialiste. Le socialisme canal historique est confronté au social-libéralisme. Mais le premier se meurt doucement en tant que pratique gouvernementale. Il subsistera pour rassembler les mécontents et faire rêver les nostalgiques. Manuel Valls et Emmanuel Macron incarnent le social-libéralisme et ont la même ambition refondatrice de la gauche, l’un à l’intérieur du Parti socialiste, l’autre à l’extérieur. Le schéma se reproduit à gauche du socialisme avec Benoît Hamon à l’intérieur du parti et Jean-Luc Mélenchon à l’extérieur. Ils représentent le courant traditionnel marxisant, même si Hamon a simulé un aggiornamento de pure façade dans son programme.

Le second tour de dimanche prochain opposera donc les « deux gauches irréconciliables » qu’avait évoquées Valls et qui apparaissaient clairement dans les débats de la primaire. La pantalonnade du revenu universel, proposé par Hamon mais rejeté par Valls, symbolise bien ce clivage. Benoît Hamon, sous couvert d’innovation sociale, se situe dans la tradition marxiste la plus pure : l’institutionnalisation croissante de l’économie et un mépris total pour les principes les plus élémentaires de bonne gestion des deniers publics. Les équilibres financiers publics n’ont aucune importance à ses yeux puisqu’à terme l’État régentera toute la société. Qu’importent prélèvements obligatoires et dépenses publiques ! Tout sera étatique.

Arnaud Montebourg (en troisième position et donc éliminé) se situait ailleurs, mais personne ne savait clairement où. Beau parleur, un brin démagogue, versatile, il semblait d’abord et avant tout chercher son public. Il possède un petit fan club mais est apparu trop timide aux hérauts de l’étatisme militant qui lui ont préféré Hamon. Son avenir politique n’est pas assuré. Vincent Peillon représentait la continuation du socialisme à l’ancienne, celui qui précisément est en train de disparaître. Valls a-t-il commis une erreur stratégique en voulant attaquer de l’intérieur la sclérose socialiste ? C’est assez probable. Il lui faudrait remporter la primaire de dimanche prochain avec une majorité très forte pour avoir une chance de concurrencer victorieusement Emmanuel Macron.

Le brillant inspecteur des finances devenu banquier a choisi une confrontation franche avec le Parti socialiste et recueille aujourd’hui les fruits de son courage et de sa clairvoyance. Le phénomène Macron n’est pas une bulle mais correspond au besoin de rénovation de la gauche et à la sensibilité politique d’une fraction croissante de la classe moyenne, lassée des querelles ancestrales et mieux au fait que beaucoup de leaders politiques professionnels des réalités de l’économie. Quand on travaille dans une entreprise ou une administration, la révolution numérique et les évolutions du management sont bien perceptibles. Mais lire depuis des années des discours préparés par des collaborateurs prédispose à se couper totalement des réalités.

La doxa marxiste étant à bout de souffle, la gauche rénovée ne peut être que plus libérale. Elle ne dispose d’aucune autre solution. Chacun sait que les émergences populistes de gauche du type Podemos en Espagne, Syriza en Grèce ou Nuit Debout en France ne sont que des feux de paille. Par ailleurs, les fantasmes de la gauche traditionnelle, type Hamon ou Mélenchon, sont inadaptés à une situation de croissance économique faible. La gauche ne peut plus aujourd’hui prétendre instaurer le progrès social par la loi en le faisant payer par le capitalisme. Si elle s’y essaie, le capitalisme, ayant le goût des voyages, ira vivre ailleurs. Les rêvasseries sur le revenu universel ne sont que des appâts pour électeurs en déshérence idéologique. Le libéralisme réel, celui qui influe sur le pouvoir sans trop se préoccuper de doctrine, a donc devant lui un boulevard du côté de la gauche et de centre.

Les derniers sondages placent le candidat socialiste à l’élection présidentielle, quel qu’il soit, à la cinquième place, derrière Fillon, Macron, Le Pen et Mélenchon. Si ce classement se confirmait, la scission du parti socialiste serait inévitable. Sa droite rejoindrait Macron et sa gauche Mélenchon. Il subsisterait sans doute un petit parti constituant un appoint éventuel pour réunir une majorité de gouvernement.

Le quinquennat de François Hollande aura donc une importance historique comme point final de la gauche marxisante. Hollande, probablement social-libéral dans l’âme, mais apparatchik professionnel, s’est heurté aux courants les plus conservateurs de l’appareil socialiste. En utilisant Macron comme conseiller et en le faisant entrer dans l’équipe gouvernementale, il a propulsé au premier plan une nouvelle approche de la gauche de gouvernement décalée vers le libéralisme. Le libéralisme, qui fut de gauche à l’origine, est-il en train de le redevenir ?

 

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