La CGT anticipe la réforme du Code du travail
27/05/2017
Patrick AULNAS
Comme au printemps dernier, la CGT utilise le chantage à la pénurie de carburant pour obtenir des avantages pour une catégorie professionnelle très spécifique, les conducteurs de poids lourds transportant des matières dangereuses. Il ne s’agit pas d’une grève des conducteurs conforme aux règles légales mais d’un blocage des dépôts de carburant. Le caractère politique d’une telle action n’échappe à personne et doit être souligné.
Le recul de la CGT
La CFDT a conquis la première place des organisations syndicales de salariés dans le secteur privé aux élections professionnelles. La CGT est en net recul dans beaucoup de grandes entreprises qui constituaient ses bastions comme EDF ou la SNCF. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, pensait enrayer ce déclin par des actions dures très relayées par les médias. Mais cette stratégie de radicalisation est un échec. On l’a vu au printemps 2016.
Martinez et la lutte des classes
Les syndicats réformistes ont le vent en poupe car la lutte des classes a du plomb dans l’aile. Ce concept marxiste renvoie à l’époque où le Parti communiste était une organisation puissante dont le score à l’élection présidentielle dépassait les 20% des suffrages exprimés. Mais cela remonte à un demi-siècle (Jacques Duclos : 21,27% en 1969). Autant dire l’Antiquité grecque pour les jeunes générations de salariés.
Philippe Martinez avait 8 ans à l’époque et la lutte des classes peut sans doute lui rappeler de bons souvenirs d’enfance. Mais notre monde change plus vite que jamais. La nostalgie n’est pas bonne conseillère en matière stratégique. Les actions de blocage des raffineries prenant prétexte de revendications catégorielles apparaissent aujourd’hui disproportionnées. On ne peut pas chercher à bloquer tout un pays pour des augmentations de salaire. La lutte des classes se transforme trop visiblement en odieux chantage.
En ligne de mire la réforme du Code du travail
Le blocage des dépôts de carburant n’est qu’un galop d’essai en vue de septembre 2017. L’objectif politique de cette action de printemps vise la réforme qui aboutira à l’automne prochain, celle du Code du travail. Deux aspects principaux de cette réforme rencontrent l’opposition farouche de la CGT. Le premier est l’assouplissement du dialogue social qui pourra se situer plus facilement au niveau de l’entreprise, alors que le niveau de la branche d’activité est aujourd’hui largement privilégié.
Beaucoup d’accords d’entreprises sont d’ores et déjà signés par les représentants locaux de la CGT, mais au niveau des branches ce sont les leaders nationaux qui décident sur des critères qui ne sont pas exclusivement professionnels. Les aspects stratégiques, voire politiques, ont pris en considération. Privilégier la négociation d’entreprise, c’est donc remettre en cause le leadership national de la CGT. Casus belli !
Les indemnités élevées pour protéger ceux qui ont un emploi
Le deuxième aspect conflictuel de la réforme concerne la limitation des indemnités pour rupture abusive du contrat de travail. Il faut être clair et précis dans ce domaine : les indemnités de licenciement, rigoureusement définies par le droit conventionnel ou, à défaut, par le Code du travail, ne sont pas concernées par la réforme. Mais quand le licenciement est reconnu abusif par le tribunal des prud'hommes, le montant de l’indemnité spécifique (ce sont des dommages-intérêts) peut être très variable et parfois beaucoup trop élevé pour une petite entreprise. Elle peut être contrainte au dépôt de bilan pour un licenciement abusif. Quand on connaît la complexité actuelle du droit du travail, le risque est très élevé pour de petites entreprises ne disposant pas des spécialistes pointus d’une direction des ressources humaines. Conséquence : pour ne pas avoir à licencier, les petits patrons n’embauchent qu’au compte-goutte et le chômage flambe en France.
La CGT ne veut absolument pas de cette réforme. Les raisons invoquées devant les médias masquent des motivations moins avouables. Il s’agit en effet de protéger les salariés sous CDI en mettant des barrières financières au licenciement. Cette position constante de la CGT conduit évidemment à entraver l’accès à l’emploi de la jeunesse qui doit se contenter de CDD à répétition ou de contrats d’intérim. Mais les militants CGT sont principalement des salariés sous CDI. Les intérêts des militants prévalent bien entendu sur ceux de la jeunesse précarisée. Ainsi va le monde syndical.
Le conservatisme syndical
Les syndicats radicaux, CGT et Union syndicale Solidaires (SUD), regroupent de moins en moins de salariés. Ils compensent leur faiblesse par des actions violentes visant à entraver l’activité. En dehors du petit milieu de l’extrême-gauche militante, leur image se dégrade et ils apparaissent comme les derniers survivants d’un monde révolu. En s’arc-boutant sur les « droits acquis » dans une société en évolution rapide, ils affichent leur conservatisme comme une devise
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