Deuxième tour : démocratie ou dictature ?

02/05/2017

Patrick AULNAS

Les petitesses politiciennes s’affichent sans vergogne entre les deux tours de la présidentielle. Nicolas Dupont-Aignan va à Canossa, agenouillé devant Marine Le Pen qui lui donne son onction : un poste de Premier ministre très virtuel. Jean-Luc Mélenchon et certains leaders de droite comme Laurent Wauquiez invitent leurs électeurs à ne pas voter pour Marine Le Pen. L’abstention, le vote blanc ou nul seraient aussi une solution. C’est faux. Ne pas appeler à voter Macron, c’est augmenter le risque de la dictature. Et lorsqu’un parti non démocratique comme le Front national s’empare du pouvoir, il ne le quitte que par la violence. Aucun politicien professionnel ne peut l’ignorer.

 

La démocratie est fondée sur la raison

La désastreuse campagne électorale qui s’achève laissera des traces. A la fois spectacle de mauvais goût et exercice de désinformation massive, elle a consacré la victoire de l’émotion fabriquée sur la raison. La foule des réseaux sociaux conforte désormais celle des meetings, accélérant ainsi le nivellement par le bas. La propagande remplace l’information. La démocratie pourra-t-elle résister longtemps à cette plongée profonde dans la médiocrité médiatique ? Les haines affichées publiquement, la violence verbale et l’invective sur internet constituent autant d’agressions contre la liberté. Car les valeurs fondatrices de nos démocraties supposent l’explicitation, l’argumentation et le respect des opinions d’autrui. Sans la raison et la modération, sans la recherche permanente du compromis acceptable par tous, notre République ne peut survivre.

 

Exploiter la liberté pour radicaliser les positions

Cet effondrement du niveau du débat préfigure-t-il une remise en cause des principes même de la démocratie ? Les extrémistes de droite comme de gauche s’en féliciteraient puisque leur objectif est d’abord et avant tout de nous priver de notre liberté. En réduisant la confrontation à un échange de lieux communs, ils instaurent par le verbe le conflit et non le dialogue. L’infantilisation du débat, devenu une sorte de rixe verbale entre de grands enfants qui se disputent le droit de devenir chef, constitue à l’évidence une régression. Or, la démocratie est une tension vers le progrès. Même si des divergences peuvent se faire jour sur la définition du progrès, la volonté de dessiner un avenir meilleur sous-tend le projet démocratique. Les régressions nationalistes ou marxisantes instillent dans les esprits une mentalité complotiste : les démocrates nous ont trompés, le progrès est une de leurs chimères. La piètre caricature de l’Union européenne par les souverainistes en fournit un exemple.

 

La stigmatisation de l’Union européenne

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon réduisent l’Union Européenne à une technocratie bruxelloise avide de pouvoir qui a dégradé les conditions de vie des européens. Ces grossiers mensonges ne sont efficaces électoralement que parce qu’ils reposent sur l’ignorance des citoyens. La vérité est que nous devons beaucoup à l’Europe politique en cours de construction. Le projet européen est très simple dans son principe mais d’une grande complexité dans sa mise en œuvre. De quoi s’agit-il ? Après la seconde guerre mondiale, des hommes de bonne volonté ont voulu privilégier la coopération entre États au lieu d’exploiter leurs rivalités pour aveugler l’opinion. Après la guerre la plus horrible, ils voulaient bâtir la paix sur l’échange. Ces pères fondateurs de l’Europe (en particulier Jean Monnet, Robert Schuman, Alcide de Gasperi) ont proposé de construire pas à pas, par la négociation permanente, une entité politique sui generis. Aujourd’hui, cette entité, l’Union européenne, est toujours en construction et le restera longtemps car il s’agit d’une rupture historique sans précédent. Bien sûr, notre Europe est imparfaite ! Bien sûr, elle connaît des à-coups et des phases de stagnation ! Mais elle a préservé la paix et la liberté et a contribué – quoiqu’en disent tous les démagogues – à notre prospérité. Il s’agit du plus beau projet de paix que l’humanité ait jamais conçu.

 

Les grandes ambitions démocratiques

D’une manière plus générale, les démocraties libérales du début du XXIe siècle sont les régimes politiques les plus exigeants de l’histoire. Exigence de liberté car chacun peut croire, s’exprimer, se réunir, se déplacer, s’associer, entreprendre. Exigence de solidarité car des institutions spécifiques ont été créées (assurances santé, retraite, chômage, etc.) qui ne laissent plus les hommes seuls et désemparés face aux risques majeurs de la vie humaine. Rien de tout cela n’existait il y a seulement un siècle et demi. Encore aujourd’hui, rien de tout cela n’existe dans de nombreux pays. Si certains partis mettent l’accent sur les inégalités pour les exploiter électoralement, il faut rappeler que le niveau de vie actuel des français est le plus élevé jamais atteint dans notre pays.

Au contraire, tous les régimes autoritaires ou totalitaires (URSS, Espagne franquiste, Allemagne nazie, Italie fasciste) ont amené, outre l’asservissement de la population, une régression sévère du niveau de vie. Liberté et prospérité vont de pair.

 

La France doit-elle devenir une dictature lepéniste ?

Le second tour de l’élection présidentielle de 2017 offre donc un choix élémentaire, caricatural, qui ne devrait pas faire partie des options proposées dans une démocratie. Marine Le Pen contre Emmanuel Macron, c’est la dictature qui s’oppose à la démocratie. Le choix est simple, évident, mais la présence à ce stade du scrutin d’une ennemie de la démocratie symbolise aussi un échec culturel et moral de notre société.

 

Ajouter un commentaire