Primaire de droite : propositions fiscales

13/09/2016

Patrick AULNAS

La fiscalité est toujours présente aux élections présidentielles. Les huit candidats à la primaire de droite font donc des propositions dans ce domaine. Leurs programmes peuvent être parfois très vagues. Les promesses macro-économiques du type « baisser l’impôt sur le revenu de x milliards ou de y% » présentent un intérêt limité dans la mesure où elles ne sont en général pas respectées et que le contrôle a posteriori des électeurs est bien difficile. S’agissant d’une primaire, il faut distinguer les candidats ayant une chance de la remporter (en étant très large, Juppé, Sarkozy, Fillon) et les autres. Pour les trois premiers, l’électeur doit considérer que les promesses de la primaire seront aussi les engagements de la présidentielle, sinon il y aurait une grave tromperie. Les autres candidats bénéficient d’une grande liberté de propositions puisqu’ils savent qu’ils n’auront pas à les mettre en œuvre.

Pour porter un jugement, il convient donc de s’attacher particulièrement aux modifications des règles de droit et de ne pas prendre vraiment au sérieux les estimations macro-économiques non traduites juridiquement.

 

Impôt sur le revenu

Les incantations macro-économiques fleurissent : baisse de 10% (Sarkozy), baisse de 50 milliards (Fillon), baisse de 5 milliards (Copé). Plus sérieusement, la taxation des revenus du capital fait l’objet de propositions plus ou moins précises. Il s’agit d’une divergence éternelle entre gauche et droite de gouvernement. La gauche réintègre dividendes, intérêts et plus-values de cession de titres dans le barème progressif, alors que la droite les taxe à un taux proportionnel. Les propositions les plus précises sont celles d’Alain Juppé et Bruno Le Maire : taxation des dividendes et intérêts à 20% et des plus-values de cession d’actions à 9,5% pour le premier, taxation de cet ensemble à 25% pour le second. Nicolas Sarkozy et François Fillon ont fait des déclarations allant également dans ce sens et il est à peu près certain qu’elles seront mises en œuvre en cas d’élection.

Alain Juppé propose également de relever l’avantage fiscal provenant du quotient familial à 2 500 € par demi-part. François Hollande l’avait abaissée à 1 510 €. En baissant ce chiffre, on diminue l’avantage tiré du quotient familial par les revenus moyens ou élevés.

Nicolas Sarkozy rétablirait l’exonération des heures supplémentaires.

Tout cela est désespérément classique. La seule réforme structurelle de l’impôt sur le revenu est proposée par Hervé Mariton. Il s’agit d’un projet articulé et cohérent, mais qui n’a évidemment aucune chance de voir le jour. Hervé Mariton propose d’instaurer une flat tax à deux taux : 2% pour la tranche de revenu inférieure à 8000 € par an, 15% au-dessus. Toutes les niches fiscales seraient supprimées, mais le quotient familial serait maintenu dans son principe général. Cela signifie que le barème à deux taux s’appliquerait à chaque part de revenu et non au revenu global. Par ailleurs, l’impôt serait prélevé à la source, ce qui est techniquement facile avec un impôt sur le revenu simplifié. Ce projet fiscal est complété par une refonte totale du financement de la protection sociale. Pour plus de détails, voir le site d’Hervé Mariton.

Une telle réforme conduirait à imposer tous les contribuables au lieu de 45,6% d’entre eux aujourd’hui (17,1 millions de foyers fiscaux sur 37,4 millions). Un candidat à la présidence de la République, et non aux primaires, serait donc dans l’incapacité de la proposer car il perdrait toute chance d’être élu. Son adversaire pourrait tout simplement arguer qu’avec lui, les 54,4% de non imposables le resteraient… Electorat immédiatement conquis.

 

Impôt de solidarité sur la fortune

On peut raisonnablement penser que cet impôt vit ses derniers instants. Tous les candidats proposent sa suppression, à l’exception de NKM qui se contente de diminuer le taux supérieur d’imposition de 1,5 à 0,5%.

 

Droits de succession

Seul Nicolas Sarkozy propose une réforme chiffrée et donc vérifiable en cas d’élection : supprimer les droits de succession et de donation en ligne directe jusqu’à 400 000 € par part. Rappelons qu’en 2007, Nicolas Sarkozy avait fait passer ce plafond d’exonération de 50 000 à 150 000 €. François Hollande l’a ramené à 100 000 €.

Bruno Le Maire propose d’augmenter les droits de succession et de supprimer les droits de donation pour les classes moyennes, c’est-à-dire pour les successions modestes. Cette approche est intéressante économiquement car elle accélère la transmission des patrimoines entre générations. Les parents ont tout intérêt à transmettre de leur vivant le maximum de biens à leurs enfants pour éviter des droits de succession assez lourds. Les jeunes générations consomment ou investissent plus volontiers dans l’immobilier que leurs parents, ce qui soutient l’activité.

 

TVA

La problématique de la « TVA sociale » réapparaît. Il s’agit de diminuer certaines charges patronales et de compenser la baisse de recettes par une augmentation de la TVA. Une telle fiscalisation du financement de la protection sociale permet de modifier et d’élargir l’assiette, actuellement limitée aux salaires.

François Fillon propose une baisse de 50 milliards des impôts et charges sur les entreprises et une hausse de 3 points de la TVA. Alain Juppé veut transférer le financement des prestations familiales (35 milliards) sur la fiscalité et prévoit une hausse de 1 point du taux de TVA.

Jean-François Copé propose une TVA « anti-délocalisation » compensant la baisse de 34 milliards des charges patronales.

 

Impôt sur les sociétés

Le taux actuel est de 33,33% du bénéfice fiscal mais une contribution sociale de 3,3% de l’IS vient s’y ajouter pour les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxe dépassent 7,63 millions d’€. Autres petites gâteries pour certaines entreprises : une taxe exceptionnelle de 10,7% de l’IS, une contribution additionnelle de 3% de bénéfices distribués. Le taux facial peut donc être élevé en France mais il existe de multiples moyens de réduire la base imposable, c’est-à-dire le bénéfice fiscal. Rappelons cependant le taux de l’IS a été de 50% jusqu’à 1985.

Le taux moyen d’imposition en Europe étant d’environ 22%, la France défavorise ses entreprises. Les candidats proposent donc une baisse du taux du l’IS. Alain Juppé veut ramener le taux global à 30% et 24% pour les PME. A terme, il faudrait atteindre la moyenne européenne de 22%. François Fillon propose un alignement du taux sur les pays européens comparables. Jean-François Copé évoque une baisse de 8,4 points.

Nicolas Sarkozy envisage de doubler le montant dédié au CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) et indique un chiffre d’au moins 34 milliards d’€.

 

Transmission d’entreprise

Ce problème complexe résulte d’un principe général du droit fiscal : la taxation des plus-values de cession d’actif. Un actif peut être une machine, du matériel de bureau, mais aussi des titres inscrits à l’actif du bilan. Si la cession génère un bénéfice (plus-value), ce profit est imposable selon des règles particulières. La notion de cession d’actif est très large et inclut la transmission de l’entreprise à un tiers, même pour cause décès du chef d’entreprise dans les PME.

Si on se limite aux PME, il en résulte qu’à un moment difficile de la vie de l’entreprise, l’administration fiscale vient collecter un impôt sur les plus-values de cession qui peut être élevé et causer des difficultés de trésorerie insolubles. Le problème de l’exonération des plus-values en cas de transmission d’une entreprise est donc posé depuis longtemps.

Deux candidats chiffrent leurs propositions dans ce domaine. Nicolas Sarkozy propose une exonération fiscale à 85% ou 100% de la transmission d’entreprise. Jean-François Copé veut instaurer un prélèvement libératoire de 30% ou 25% sur la transmission d’entreprise, selon durée de détention des actifs. Ces propositions vagues dans un domaine très technique devront être précisées quant à leur champ d’application exact.

 

Le poids de l’électoralisme

Les innovations fiscales sont rares. Depuis la seconde guerre mondiale, la principale est la TVA. L’autre la CSG, qui est, sinon juridiquement, du moins économiquement, un financement fiscal de la protection sociale. L’élection présidentielle française ne permet pas de proposer des réformes de structure qui produisent nécessairement des déplacements de matière imposable entre catégories sociales. Le risque électoral est alors élevé. Les candidats jouent donc sur les assiettes et les taux d’imposition en fonction de l’électorat à conquérir. Les propositions de gauche seront pratiquement à l’opposé de celles présentées ci-dessus.

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