Présidentielle : les grandes manœuvres

04/05/2016

Patrick AULNAS

Les grandes manœuvres en vue de l’élection présidentielle de 2017 ont commencé. Deux facteurs principaux sont à l’œuvre. La montée du Front National depuis l’arrivée de Marine Le Pen à sa tête transforme profondément ce parti. Par ailleurs, la gauche de gouvernement est aujourd’hui condamnée à un aggiornamento idéologique qu’elle a beaucoup tardé à réaliser du fait des caractéristiques de sa base militante.

 

Le Front National a conquis l’électorat populaire

Ce parti a radicalement modifié son programme, non pas par conviction, mais pour des raisons stratégiques. Il est en effet nécessaire de s’adapter aux aspirations de l’électorat ouvrier pour le conquérir. C’est chose faite. Le parti nationaliste n’a rien perdu de son anti-européanisme viscéral, mais celui-ci correspond parfaitement au ressenti des milieux populaires, bien souvent victime du libre-échange du fait du coût du travail et de sa réglementation en France. La promesse de stopper les délocalisations d’entreprises recueille donc l’assentiment des salariés modestes.

Il suffit de plaquer un discours social interventionniste sur cette approche protectionniste de l’économie pour faire tomber dans le ravissement tous ceux que la globalisation a maltraité. Le parti de Marine Le Pen est d’ailleurs considéré par certaines formations européennes d’extrême-droite comme un parti de gauche du fait du rôle qu’il réserve à l’État dans le domaine économique. Il remplace effectivement en France le parti communiste dont il ne reste que quelques lambeaux et certaines envolées lyriques de Marine Le Pen ne sont pas très éloignées de celles de Georges Marchais dans les années soixante-dix.

 

L’extrême-gauche se radicalise

Abandonnée par le prolétariat qu’elle prétend défendre, l’extrême-gauche n’a qu’une solution si elle veut rester… extrême : se radicaliser. La CGT durcit le ton et mobilise contre la politique d’un gouvernement de gauche. Les étudiants d’extrême-gauche passe la « Nuit Debout » depuis un bon mois, sous la houlette de quelques intellectuels d’origine bourgeoise, en mal de leadership, comme Frédéric Lordon. Comme on le sait, les révolutionnaires se recrutent en général dans la bourgeoisie. On prétend chercher la « convergence des luttes ». Il faudrait pour cela que le monde ouvrier s’associe à Nuit Debout. Mais il regarde Marine Le Pen avec les yeux de Rodrigue pour Chimène. Il est à des années-lumière des bobos de la Place de la République.

Le discours se radicalise donc mais avec des chances plutôt faibles d’aboutir à un mai 1968 bis. A l’époque, la fameuse convergence avait eu lieu mais avait fait long feu, la CGT et le parti communiste abandonnant rapidement les rêvasseries des trotskystes et maoïstes.

 

Les socialistes et la droite se disputent le centre

Jean-Luc Mélenchon pourrait bien profiter de la radicalisation de l’extrême-gauche. Il a le charisme nécessaire et également l’expérience du candidat à l’élection présidentielle, ce qui compte beaucoup. Certains sondages le placent même devant François Hollande au premier tour. Il ne reste pas grand-chose du parti socialiste après quatre années de présidence Hollande. La crispation sur une idéologie archaïque de sa gauche et l’évolution sociale-libérale de sa droite ne sont plus conciliables. Elles ne l’ont jamais été mais avant l’épreuve du pouvoir, les divisions étaient moins apparentes et François Hollande, Premier secrétaire de 1997 à 2008, avait toujours cherché une pseudo-synthèse de pure forme. Il est largement responsable de l’état actuel du parti.

L’Union de la gauche de Mitterrand ou la Gauche plurielle de Jospin ne peuvent plus exister désormais. A défaut de trouver des appuis à gauche (communistes et écologistes) le candidat Hollande devra les trouver au centre. Mais nombreux sont les prétendants à courtiser l’électorat centriste, qui sera certainement déterminant. Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy ne peuvent remporter la victoire qu’avec son appui. Emmanuel Macron est également sur les rangs mais il n’a aucune chance d’être élu en 2017 si Hollande ne se présente pas. Il devait, comme l’a avoué Hollande, servir à élargir la base électorale du Président de la République. Mais il joue sur plusieurs claviers à la fois, ce qui n’étonnera personne de la part d’un politicien aussi brillant. Il n’est pas interdit de feindre de rabattre une clientèle électorale centriste vers François Hollande sur un fond musical macronien. Cela s’appelle faire d’une pierre deux coups. Personne ne sait aujourd’hui qui est dupe, de Hollande ou de Macron. Mais le jeune ministre a pour lui la popularité et le renouvellement, essentiel actuellement.

 

Quatre pôles pour deux candidats au second tour

En définitive, le panorama politique actuel comporte quatre pôles : l’extrême-gauche (communistes, partis de gauche, EELV, petites formations marxistes), le centre (socio-libéraux, centristes, radicaux, gauche de LR), la droite (LR très divisés) et le Front National. Marine Le Pen a toutes les chances d’être présente au second tour mais aucune chance d’être élue (tous les sondages le montrent). La gauche n’a aucune chance de gouverner à nouveau faute d’avoir choisi une stratégie, c’est-à-dire des alliances claires.

Le futur Président sera donc celui qui sera opposé à Marine Le Pen au second tour de 2017.

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