La gauche en miettes

24/11/2016

Patrick AULNAS                      

Dans la course à la présidentielle 2017, la décantation progressive est maintenant à l’œuvre. La quasi-désignation de François Fillon comme candidat de la droite améliore-t-elle vraiment les chances de la gauche ? Ou bien les dirigeants socialistes utilise-t-ils systématiquement la méthode Coué, faute d’éléments tangibles pour espérer ?

Fillon, l’ultra-libéral ?

Sarkozy était pour la gauche l’adversaire idéal. Mais Fillon représente un adversaire intéressant qu’il sera facile de présenter comme un héraut de l’ultra-droite. Ultra-libéral économiquement (500 000 fonctionnaires en moins), ultra-conservateur sur le plan sociétal (réécriture de la loi Taubira), ultra-réaliste en politique étrangère (accord avec Poutine et Assad en Syrie) : voilà probablement la tonalité de la campagne de gauche. La vérité est beaucoup plus modérée. Il s’agit du non remplacement de 500 000 emplois publics, incluant les contractuels, sans aucune révocation de fonctionnaires. Pour la loi Taubira, il n’est question que d’interdire l’adoption aux couples homosexuels sans remettre en cause le mariage. Pour la guerre au Moyen Orient, l’unanimisme humanitariste n’est qu’un mythe masquant les désaccords occidentaux. Chacun sait d’ailleurs qu’un programme de campagne est toujours sérieusement amendé par la confrontation aux réalités du pouvoir. Fillon président ne sera pas Fillon candidat. Mais le jeu de la conquête du pouvoir passe par le manichéisme.

Fillon élargit l’espace de gauche…

Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, a déclaré après le premier tour de la primaire de droite que la victoire de Fillon « élargit les possibles » pour les socialistes. Par rapport à quoi ? Bien évidemment par rapport à l’hypothèse non réalisée d’une première place d’Alain Juppé. Fillon campe nettement à droite, tant en politique intérieure qu’en matière diplomatique. Juppé est au contraire social-libéral compatible. Juppé aurait mordu sur l’électorat de centre-gauche que le candidat socialiste doit absolument conquérir. Pour Fillon, la limite extrême se situe au centre-droit. L’espace de la gauche semble donc s’élargir.

Mais Macron le rétrécit

Oui, mais… la candidature directe d’Emmanuel Macron, qui s’exonère des primaires de gauche, vise précisément tous les déçus du hollandisme. Et en particulier les centristes qui ont voté pour François Hollande en 2012 et qui ne sont pas prêts à tenter à nouveau l’expérience du socialisme au pouvoir. Macron gênerait beaucoup le candidat Juppé, mais assez peu le candidat Fillon qui recueillera une partie importante de l’électorat de Nicolas Sarkozy, même probablement les électeurs LR proche du Front National. N’oublions pas que François Fillon a publié en septembre 2016 un ouvrage intitulé Vaincre le totalitarisme islamique qui l’éloigne considérablement de l’identité heureuse d’Alain Juppé, gaussée par Nicolas Sarkozy.

L’aventure mélenchonienne

A la droite du socialisme, il n’y a donc pas grand-chose à grappiller pour le candidat socialiste à l’élection présidentielle. L’espace est occupé par Macron. Qu’en est-il à gauche du parti socialiste ? Une autre candidature directe à la présidentielle a été déclarée, celle de Jean-Luc Mélenchon. Crédité de 13 à 15% des intentions de vote au premier tour, le candidat du Parti de Gauche se sent pousser des ailes. Personne ne dispose dans ces horizons politiques de son charisme, de son talent de tribun et de débatteur. Le grand problème auquel il est confronté est l’absence de soutien du Parti communiste, récemment officialisé. Mélenchon veut la peau du candidat socialiste, en particulier s’il s’agit de François Hollande. Les communistes, eux, ont besoin des socialistes pour les élections législatives de juin 2017, mais aussi pour les élections locales. Sans accord électoral avec le PS, le PC disparaît des écrans-radars. Il devient quasiment indétectable.

Il s’agit là d’un problème majeur pour Mélenchon, qui doit recueillir 500 signatures de députés, sénateurs ou élus locaux pour pouvoir se présenter à la présidentielle. Sans le soutien du PC, il sera difficile pour lui de les réunir, mais pas impossible. Une telle occurrence – l’éviction de Mélenchon – serait à juste titre considérée comme un déni de démocratie par son électorat. Peu représenté en nombre d’élus, Mélenchon est le type même d’aventurier talentueux de la politique qu’exècrent les grands partis ultra professionnalisés. Mais attention aux répercussions futures s’il ne pouvait être candidat !

Une gauche inaudible

La gauche est éclatée idéologiquement et stratégiquement. Entre le social-libéralisme de Macron et le populisme communisant de Mélenchon s’intercale un socialisme lui-même divisé entre sociaux-démocrates et socialistes canal historique. La promesse de gauche, toujours réitérée, de la construction par le politique d’un monde idéal, devient inaudible tant les divisions sont profondes. Les ambitions personnelles de Macron et de Mélenchon contrecarrent les stratégies des appareils socialiste et communiste. L’espace disponible pour le candidat socialiste, le seul qui puisse prétendre accéder au pouvoir, devient très étroit. Au premier tour de la présidentielle de 2012, la gauche représentait au total environ 43% des suffrages exprimés, dont 28,6% pour François Hollande et 11,1% pour J.-L. Mélenchon. Aujourd’hui, selon un sondage IFOP des 16 et 17 novembre 2016, seulement  9% des personnes interrogées font confiance à F. Hollande, contre 13% à J.-L. Mélenchon, et 15% à E. Macron. Il faudrait un miracle pour que F. Hollande, qui sera probablement candidat, figure au second tour de la présidentielle.

 

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