Il faut perdre la présidentielle de 2017 !

10/06/2016

Patrick AULNAS

L’interminable mouvement social mené par la CGT et SUD a une signification politique forte : la gauche archaïque ne veut plus gouverner. Il faut donc perdre l’élection présidentielle de 2017. Cette gauche a-t-elle d’ailleurs jamais voulu gouverner ? Le doute est permis. Pour elle, il s’agit de construire sur le papier une société théorique et de faire fantasmer citoyens et travailleurs sur l’avenir édénique qui serait le leur. Les leaders de cette gauche sont à l’image de la plupart des leaders : plus intelligents que la moyenne et très opportunistes. Ils ne peuvent ignorer que leur discours satisfait des passions obscures, qu’il coïncide avec des frustrations exploitables politiquement.

 

Comment perdre en 2017 ?

Très simple, évidemment. Il suffit de multiplier les candidatures au premier tour de l’élection présidentielle. La situation est loin d’être stabilisée. Mais un premier candidat s’est déclaré : Jean-Luc Mélenchon. Il est actuellement crédité de 11 à 12% des intentions de vote et certains sondages le placent même avant François Hollande. Les écologistes tentent de convaincre Nicolas Hulot d’être leur porte-drapeau. S’ils y parviennent, le charismatique animateur pourrait obtenir des suffrages dépassant largement les frontières de l’écologie politique, en particulier ceux de beaucoup de déçus de François Hollande. Bien sûr, les candidatures trotskystes habituelles ne sont pas totalement à exclure, même si l’obstacle des 500 « parrainages » est désormais plus difficile à franchir. Les noms de tous les élus présentant un candidat seront en effet immédiatement rendus publics.

Le parti communiste n’a pas arrêté sa position. Il dispose encore d’un socle important d’élus locaux qui ne peuvent être reconduits que par une alliance avec le parti socialiste. Alors que Jean-Luc Mélenchon se voit déjà comme le porte-parole de la France insoumise, Pierre Laurent ne rêve que d’une union de la gauche qui lui permettrait de ne pas sombrer totalement. D’où la volonté des communistes de désigner un candidat par des primaires de gauche.

L’atomisation de la gauche semble donc sur la bonne voie. Les chances de François Hollande de figurer au second tour sont inversement proportionnelles au degré d’atomisation.

 

« Hollande, le traître »

La rupture entre la gauche sociale-démocrate ou sociale-libérale et la gauche traditionnelle est désormais complète. Il ne peut y avoir de réconciliation. Les sociaux-démocrates veulent gouverner en composant avec le capitalisme. Ils acceptent le marché, aux côtés d’un État-providence surpuissant. La politique est pour eux l’art du compromis. La gauche archaïque reste, au contraire, sur une thématique de lutte des classes. Elle est anticapitaliste, hostile à l’économie de marché. Elle veut représenter les laissés pour compte de la mondialisation, ouvriers, employés et même indépendants maltraités par l’ouverture des frontières et la concurrence planétaire. Autant dire qu’elle représente ceux qui vont disparaître. Mais pour un politicien, le malheur des hommes n’est pas à dédaigner. Il peut aussi conduire à un poste d’élu.

La frontière entre gauche réformiste et gauche de rupture passe à l’intérieur du parti socialiste. C’est le drame de François Hollande. Les fameux frondeurs n’ont pas pardonné au Président de la République d’avoir été élu sur une ambiguïté. Son programme écrit n’était pas révolutionnaire, loin s’en faut, mais ses discours de second tour en 2012 visaient à récupérer l’électorat mélenchonien. D’où les incantations du type « mon ennemi, c’est la finance ! ». On sait que le jeune François Hollande a fait partie du cabinet de François Mitterrand en 1981. Il a certainement beaucoup appris de ce politicien madré qui aimait reprendre la phrase du cardinal de Retz selon laquelle en politique « on ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment ». Mais le flou artistique dans lequel se complaisait Mitterrand pour mieux circonvenir opposants et alliés est devenu une pénible équivoque chez Hollande. Les mensonges de Mitterrand pouvaient encore passer entre 1981 et 1988 car il pouvait endetter lourdement le pays pour faire illusion. Les mensonges de François Hollande ne sont plus acceptés entre 2012 et 2017 car il n’a ni le charisme ni la capacité d’endettement de Mitterrand. Nombre de ses électeurs le considèrent donc comme un « traître » à la cause de la gauche.

 

Une vieille histoire

La lutte entre les deux gauches se manifeste aujourd’hui socialement par des grèves à répétition et des manifestations qui ne concernent qu’une petite minorité de salariés. La capacité de nuisance des organisations syndicales ou politiques qui accompagnent ces mouvements est mise, objectivement, au service de la droite. Affaiblir par tous les moyens les sociaux-démocrates de gouvernement permet d’espérer une clarification en 2017 avec l’élection d’un candidat LR (Les Républicains). L’ennemi sera au pouvoir et toutes les batailles seront alors légitimes. Par hypothèse.

Les communistes ont toujours été de fervents partisans des grèves politiques. L’extrême-gauche actuelle n’innove donc pas. En considérant Hollande comme un traître à la cause sacrée de la lutte de classes, elle reste également dans le conformisme. Les communistes de jadis qualifiaient volontiers les socialistes de « sociaux-traîtres ». Ce vocabulaire guerrier et plein de candeur devient inéluctable lorsque l’idéologie s’empare des esprits. Il faut être avec ou contre les camarades. Pas de subtilités.

 

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