Gauche : la fuite en avant vers la démagogie

30/08/2016

Patrick AULNAS

Les candidatures à gauche en vue de la présidentielle se multiplient. Et certains n’envisagent même plus de passer par l’étape des primaires. Arnaud Montebourg, en se déclarant candidat à la présidence de la République, n’a fait aucune allusion aux primaires socialistes. S’y présentera-t-il ou sautera-t-il cette étape ? Nul ne le sait. S’il devait être directement candidat à la présidentielle, il ne pourrait plus appartenir au Parti socialiste, ce qui suppose la création d’une autre formation politique. Après le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et En marche d’Emmanuel Macron, cela commence à faire beaucoup. L’émiettement de la gauche est en réalité le symptôme de son effondrement idéologique.

 

Le grand problème : le socialisme, c’est déjà fait !

La société dans laquelle nous vivons est une société sociale-démocrate. Les chiffres suivants, sans cesse répétés mais à juste titre, suffisent à le démontrer. Les prélèvements obligatoires représentent 46% du PIB, les dépenses publiques plus de 57%. La protection sociale (santé, maternité, retraites, chômage, famille, accidents du travail) repose sur des cotisations obligatoires à caractère public. L’effet redistributif global du système est très puissant si l’on tient également compte des dépenses de l’État en matière d’éducation (48 milliards d’€) et des pensions de retraites publiques (46 milliards) qui figurent parmi les postes les plus importants du budget.

Le projet socialiste du début du 20e siècle a donc été réalisé, et même au-delà des rêves les plus fous de l’époque. C’est la croissance économique, basée sur la puissance technologique, qui a permis cette évolution que l’on peut constater dans tous les pays riches. Les facteurs politiques ont cependant accentué la collectivisation dans certains pays, la France se situant aujourd’hui aux plus hauts niveaux mondiaux de pression fiscale.

Que faire désormais ? Voilà bien la grande question à laquelle sont confrontés les sociaux-démocrates. Les incantations concernant les nationalisations et la dictature du prolétariat ayant été abandonnées, sauf à l’extrême-gauche, il ne reste pas grand-chose du corpus idéologique initial. La démagogie devient alors une forte tentation électoraliste. Car il faut bien être élu !

 

La fuite en avant vers la démagogie

En examinant les propositions des candidats aux primaires socialistes, leur aspect profondément démagogique saute aux yeux. Cela va du SMIC à 1500 € (Marie-Noëlle Lienemann) au revenu universel (Jean-Luc Bennhamias et Benoît Hamon) en passant par la semaine de 32 heures, la retraite à 60 ans pour tous (Gérard Filoche) et bien entendu l’abrogation de la loi travail. A ce rythme-là, dans une trentaine d’années, il faudra proposer la semaine inversée (2 jours de travail, cinq jours de week-end) et un revenu universel supérieur au salaire minimum. Idéal pour encourager l’activité.

Arnaud Montebourg, qui se place pour l’instant hors primaires socialistes, veut favoriser les PME françaises dans le domaine des marchés publics. Mais pour cela, il doit contrevenir aux engagements européens de la France qui n’autorisent pas à privilégier les entreprises nationales. Grand marché oblige ! Il prétend consacrer 100 milliards à la rénovation thermique des bâtiments sous forme d’emprunts publics à 50 ans et simultanément revenir sur les hausses d’impôts du quinquennat Hollande. Jusqu’où va alors grimper la dette publique ?

Jean-Luc Mélenchon ne chiffre pas ses propositions, ce qui est plus prudent, mais choisit le lyrisme des révolutionnaires d’antan. « Je crois que le gavage des riches, l’appauvrissement des classes moyennes et les misères du peuple n’ont rien de fatal. […] Protégeons de la finance les salariés et la production en France. Révolutionnons les impôts pour que tout le monde paye et selon ses moyens réels. »

Pour séduire le peuple, la tradition qui remonte à l’Antiquité romaine avec les tribuns de la plèbe, se perpétue donc aujourd’hui. Il est possible de faire rêver en peignant un tableau idyllique de l’avenir avec un vocabulaire à dominante émotive, comme le fait Mélenchon. Reconnaissons-lui une incontestable cohérence intellectuelle : son programme reflète bien ses discours fougueux. La sacralisation du politique, qui peut presque tout s’il en a la volonté, explique cet enthousiasme.

Chez les socialistes, ce sont les arrière-pensées politiciennes qui dominent. La plupart des candidats à la primaire n’ont aucune chance de la gagner et ils le savent. Il s’agit de se positionner en vue de l’après-présidentielle. Quel courant prendra possession du parti ? Lienemann et Hamon, en particulier, spéculent sur l’échec de Hollande pour placer leurs pions en vue de l’avenir. Ce n’est pas très joli mais tout à fait courant en politique, aussi bien à droite qu’à gauche. Les propositions n’ont donc pas grande importance puisque l’on sait d’avance qu’elles n’auront pas à être mises en œuvre. La démagogie peut se déployer tout à loisir.

 

La difficulté n’est pas mince

Reconnaissons qu’après la réussite mondiale du capitalisme au 20e siècle, construire un projet politique sur la base d’une idéologie moribonde est une gageure. Certains veulent donc se positionner à gauche en abandonnant toute référence idéologique. Emmanuel Macron l’affirme clairement. Manuel Valls le dit à demi-mot. Arnaud Montebourg est beaucoup plus pragmatique que ses discours ne le laissent supposer. Pas facile de gouverner disait Hollande il y a quelques années. Pas facile non plus de conquérir le peuple de gauche sans lui raconter la fable de la lutte des classes.

 

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