François Hollande, un Président de circonstances

06/11/2016

Patrick AULNAS

François Hollande a échoué comme aucun Président avant lui. C’est ainsi qu’il entrera dans l’histoire. Il n’aurait jamais dû être Président et n’y n’était absolument pas préparé. Fin 2010, les sondages le plaçait d’ailleurs très bas dans la course à la candidature socialiste pour la Présidence de la République, autour de 3%, loin derrière DSK, Martine Aubry et Ségolène Royal. Que s’est-il passé ? François Hollande a été porté à la Présidence de la République par une conjonction de facteurs externes et nullement par ses qualités. Voilà qui explique son échec dans la fonction.

 

Un Président par défaut

En mai 2011, Dominique Strauss-Kahn est accusé d’agression sexuelle par Nafissatou Diallo qui travaillait comme femme de chambre au Sofitel de New York, dans lequel séjournait DSK. DSK est menotté et emprisonné devant les caméras du monde entier. La carrière publique du Président du FMI se termine brutalement et celle du possible candidat à la présidence de la République française également.

Tous les sondages de début 2011 donnaient DSK vainqueur de l’élection présidentielle avec une confortable avance sur Nicolas Sarkozy. Mais, avant l’éviction de DSK, François Hollande était donné battu par Sarkozy. Hollande ne fut donc qu’un candidat de substitution, habile à jouer les rassembleurs de la gauche.

L’habileté tactique de Hollande est indiscutable. Certains candidats à la primaire de gauche de 2011 avaient une expérience politique supérieure à celle de Hollande. Martine Aubry avait été plusieurs fois ministre et avait dirigé le parti. Ségolène Royal avait également occupé des fonctions ministérielles et avait été la candidate socialiste en 2007. Hollande parvint cependant à mieux rassembler que ses deux concurrentes. Sa tactique fut la même que celle utilisée en tant que Premier secrétaire : apparaître, face aux divisions profondes du parti, comme celui qui est capable de réaliser une synthèse. Il suffit pour cela de rester dans le flou et de laisser croire à ses adversaires que tout est encore possible. Ne désespérer personne, n’enthousiasmer quiconque.

 

Un Président inexpérimenté

Hollande fut membre de cabinets ministériels sous Mitterrand, puis député de Corrèze, député européen, maire de Tulle et premier secrétaire du Parti socialiste. Malgré un long parcours politique, ce politicien professionnel n’a donc jamais occupé la moindre fonction ministérielle avant son élection à la présidence de la République. Il faut remonter loin dans le temps, sous la IIIe République, pour rencontrer des cas analogues : Mac Mahon (1808-1893), Jules Grévy (1807-1891) et Paul Deschanel (1855-1922) occupèrent la fonction sans avoir été ministres mais leur pouvoir politique était pratiquement nul dans un régime parlementaire pur. Le Président du Conseil gouvernait, le Président de la République « inaugurait les chrysanthèmes » selon la formule consacrée. La plupart des Présidents de la IIIe République avaient une solide expérience ministérielle. Il en est de même de tous les Présidents des IVe et Ve Républiques, avant François Hollande.

Ce manque d’expérience gouvernementale signifie qu’aucun chef de gouvernement n’avait souhaité choisir François Hollande comme ministre, ce que est particulièrement révélateur. La difficulté éprouvée par le député de Corrèze pour prendre toute la mesure de la fonction écrasante de Président provient de cette inexpérience. S’il avait été confronté aux réalités du pouvoir, à la nécessité de décider entre des alternatives proposées par un cabinet ministériel, s’il avait mesuré le poids de la haute administration, s’il avait expérimenté une politique de communication en tant que ministre et commis d’inéluctables erreurs à ce niveau, ils ne les auraient pas répétées ensuite.

 

Un Président par rejet

Le phénomène de rejet, bien connu, est l’antisarkozysme. « Tout sauf Sarkozy » (TSS) fut le slogan officieux de la gauche en 2011-2012. Ce populisme de gauche répondait au populisme de droite qui dominait la campagne de Nicolas Sarkozy, sous l’impulsion de Patrick Buisson, son mentor ès stratégie électorale de l’époque. Pour Buisson, le centre de gravité politique pour la conquête du pouvoir se situait quelque part entre l’UMP, parti du Président, et le Front National. L’objectif étant de conquérir des électeurs potentiels du Front National, un discours très ferme sur l’immigration et la sécurité s’imposait. Les militants de gauche furent alors vent debout contre la brise national-sarkozyste.

Mais si le centriste François Bayrou, qui voue une haine farouche à Sarkozy, ne s’était pas rallié à François Hollande au second tour, celui-ci aurait-il été élu ? Cette question n’aura jamais de réponse, mais c’est bien l’antisarkozysme de gauche et du centre qui a fait roi le socialiste. L’élection de 2012 fut en réalité un plébiscite : pour ou contre Sarkozy. Hollande n’avait que peu d’importance.

 

Le moins inacceptable pour ses adversaires

Ce sont donc des facteurs négatifs qui ont amené François Hollande à la Présidence de la République. Personne ne le considérait comme un candidat naturel, ce qu’avait été Mitterrand pour beaucoup de socialistes en 1981. Personne ne pensait qu’il avait vraiment l’étoffe d’un Président, en particulier ceux qui avaient pu l’observer en tant que Premier secrétaire du parti. Ce choix de circonstances résultait directement des divisions doctrinales de la gauche. Les socialistes n’ont en effet rien à proposer de cohérent pour le début du XXIe siècle. Une partie d’entre eux, les sociaux-libéraux, souhaitent s’adapter à la réalité contemporaine dominante, les marchés mondialisés. Mais nombreux sont ceux qui n’envisagent que de les entraver par la réglementation. François Hollande a donné des gages à toutes les tendances pendant sa campagne électorale. Il est ainsi apparu aux yeux des divers courants socialistes comme le moins inacceptable. Aucun « désir d’avenir » dans les discours du candidat, seulement du marketing politique : feindre de ne déranger personne dans son camp.

Arrivé au pouvoir, l’homme doit donc composer avec une majorité qui ne l’apprécie pas. L’évitement, le non-dit, le refus d’expliquer le sens de son action dominent alors son quinquennat. Impossible d’expliciter ce qu’il pense vraiment, c'est-à-dire, probablement, que dans l’incertitude ambiante, il faut naviguer à vue, avec seulement quelques principes généraux en tête. Ce pragmatisme serait vilipendé par une grande partie de la gauche et l’a d’ailleurs été explicitement par Christiane Taubira.

L’unité factice qui a porté Hollande au pouvoir recouvrait des dissensions insurmontables et toujours insurmontées. Doxa socialiste ou pragmatisme social-libéral ? Après l’échec de François Hollande, ce choix inéluctable risque de provoquer l’éclatement du Parti socialiste.

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